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Muneyuki KANESHIRO & Naoki SERIZAWA – Billion Dogs, tome 1

billion-dogs-13 tomes en cours de parution au Japon
Titre original : Billion dogs, book 1 (2014)
Date de parution : 26/05/2016
Editions : Akata
ISBN : 978-2-36-974120-6
Nbr de pages : 192
Prix constaté : 6.95€

Pour les curieux, un extrait ici !

Résumé :
Trois milliards de yens, c’est l’incroyable somme d’argent détournée par le maire de la ville d’Ichimatsu. Politicien véreux jusqu’à la moelle, il n’hésite pas à fricoter avec les yakuzas pour financer sa future campagne électorale, avec un seul objectif en tête : devenir premier ministre du Japon. Mais Ichiru, son propre fils, lycéen brillant et au futur prometteur, ne l’entend pas de la même oreille… Choqué par la corruption dont fait preuve son père, il décide de retrouver où se cache l’argent sale de ce dernier. Pour cela, il fera appel à un de ses camarades, issu d’un milieu social bien plus défavorisé : Kyôsuke, l’élève fauché lycée. Tandis que l’un évoluera au sein des milieux mafieux, l’autre devra enquêter dans des sphères plus politiques… Mais leur quête et leur soif de justice pourraient bien les amener bien plus loin qu’ils n’auraient pu l’imaginer !

Impressions :
J’ai découvert Naori Serizawa, ici aux dessins, lors de ma lecture de « La main de Lucifer », un seinen sur la pègre et la médecine qui m’avait fait plutôt bonne impression avec ses personnages bien campés. Avec « Billion Dogs », je retrouve avec plaisir sa patte et son trait appuyé, bien qu’ils soient complémentarisés par Muneyuki Kaneshiro au scénario (vous remarquerez que les associations d’auteurs sont souvent coutume dans le genre seinen). Pour tout vous dire, j’attendais de pieds fermes ce manga, Akata ayant le chic pour dénicher de très bons titres dans le genre social. Et ce premier tome ne m’a pas déçue !bd1

  « Billion dogs » met en scène Ichiru, un brillant lycéen plutôt beau gosse, qui décide de s’allier à Kyôsuke, un élève à la mauvaise réputation, pour faire tomber son propre père, maire de la ville aux pratiques douteuses. A charge de chacun de gravir les échelons dans le groupe mutuel pour arriver à leurs fins. L’un naviguera dans la sphère politique, l’autre dans celle des yakuzas. Sachant que les deux semblent étroitement liées, quelle mission sera la plus dangereuse ? Une enquête de longue haleine se met en place…

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  Le manga lorgne clairement du côté du polar avec une intrigue mêlant corruption, trafics en tous genres et stratagèmes pour mettre au jour les malversations du père d’Ichiru. D’un autre côté, le titre se veut assez léger avec une bonne dose d’humour et surtout avec un aspect « clinquant », le binôme Ichiru/Kyôsuke formant un duo de choc et de charme (pourrait-on dire). Le but étant bien sûr de nous en mettre plein la vue ! Le fait que les deux ados forment l’antithèse parfaite (un bad boy et un élève brillant) et qu’ils se donnent du « mon dog » quand ils s’interpellent prouve que le titre se veut « cool ». Si vous n’aimez que les intrigues sombres, plus sombres que la nuit, ce n’est clairement pas ici que vous la trouverez.

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  Le trait de Serizawa s’est encore affirmé, avec des personnages plein de détails, le mangaka soignant particulièrement le physique des protagonistes. L’aspect moderne des lycéens tranche avec le look plus bling-bling des parents d’Ichiru et des yakuzas. Les pages sont pleines, l’espace saturé par les nombreuses trames ne laissant aucun vide. La mise en scène est dynamique avec ses cases multiples et les mouvements sont vraiment fluides, entre effet poseur d’Ichiru et accrochages à tout-va. Bref, le mangaka est à son top niveau dessins. J’espère que l’histoire se complexifiera dans les prochains tomes car le titre possède beaucoup de potentiel !

Verdict : Avec les honneurs

rock

Loulou ROBERT – Bianca

biancaDate de parution : 04/02/2016
Editions : Julliard
ISBN : 978-2-260-02934-2
Nbr de pages : 294
Prix constaté : 19€

Un extrait par ici !

Résumé :
 » Je m’appelle Bianca. C’est ma mère qui a choisi ce prénom. C’est son côté « Américaine’ même si l’Amérique, elle connaît pas. Il y a un mois jour pour jour, assise dans mon salon en compagnie de Teddy, le chat de la maison, je regardais la télévision. Teddy dormait, les lignes de ses lèvres supérieure et inférieure me souriaient. Il avait l’air bien. Je me suis dit que si je fermais les yeux et laissais tout aller, je sourirais peut-être comme lui. Les lignes bleues qui sillonnent mes poignets ont été inondées de rouge, du rouge sur le sol, sur mes vêtements. Au moins, ce n’était plus tout noir. Au moins il y avait de la couleur. « 

Impressions :
Les affres de l’adolescence servent souvent de base en littérature pour pointer du doigt le fragile équilibre qui nous habite lorsque notre cerveau n’est pas encore formé à 100 % (pour info, on estime que notre cerveau serait « définitif » entre 25 et 30 ans). C’est donc une période difficile où l’apparence et le regard des autres jouent un rôle primordial. A tel point que les comportements extrêmes, entre dépression et révolte, ne sont pas rares. « Bianca » est un récit choc qui donne la parole à son héroïne perturbée de tout juste 16 ans. Sorte de journal intime de l’adolescente, le roman nous permet de franchir le pas entre l’histoire sur papier et la vie intérieure de Bianca. Pris à témoin par la jeune fille, une espèce de connivence s’installe entre elle et nous. A tel point que je me suis sentie en osmose avec elle, bien que mon adolescence soit loin derrière moi.

  De quoi tirer mon chapeau à Loulou Robert qui parvient à travers sa narration à nous faire ressentir la souffrance psychologique et physique de Bianca. Le récit se veut double. D’une part, on est en présence d’un récit intimiste qui met en scène le malaise de l’adolescente, bien qu’elle peine à y mettre des mots. Anorexie ? Elle réfute ce trouble. Tentative de suicide ? Oui, mais pourquoi au juste ? Un vague à l’âme ? Un spleen (ce mal indéfinissable qui rend la vie si creuse et sans saveur) ? D’un autre côté, Bianca nous interpelle abruptement, n’y allant pas avec le dos de la cuillère et porte un regard acerbe sur le monde qui l’entoure. Sur ses pairs, sur les adultes, sur cette vie dont elle se détache inexorablement. Comment y retrouver goût ? Les rencontres qu’elle fera lors de son internement l’aideront à y voir plus clair.

  La narration aérienne et cash apporte ce qu’il faut pour nous tenir en haleine. Avec Bianca, on est sans cesse sur le fil, prêt à basculer avec elle, prêt à lâcher prise pour mieux se retenir au dernier instant. Le ton est tangible, tout en pudeur mais possède aussi sa part de brutalité. Ici, il n’est pas question de se voiler la face. Les autres patients qui entourent l’adolescente ne sont que des coquilles brisées, prêtes à voler en éclats au moindre nouveau heurt. Ça pourrait être larmoyant, excessif, mais ça sonne pourtant juste. On est si fragile quand on est adolescent. Les mots sont des armes. Les gestes, les regards déplacés ou blessants en sont tout autant. « Bianca » en est la parfaite illustration.

Verdict : Avec les honneurs

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Gardner DOZOIS – L’étrangère

l'étrangèreIllustration de couverture : Jamy Van Zyl
Titre original : Strangers (1978)
Date de parution : 02/06/2016
Editions : ActuSF
Collection : Perles d’épice
ISBN : 978-2-36629-814-7
Nbr de pages : 262
Prix constaté : 18€

Un extrait par ici !

Résumé :
La première fois que Joseph Farber vit Liraun Jé Genawen, il la trouva pleine de mystères. C’était durant l’Alàntene, « la Pâque du solstice d’hiver, l’Ouverture-des- Portes-de-Dûn » sur la planète Lisle. Pour l’extraterrestre, Farber bravera tous les interdits et tabous, jusqu’à se faire modifier génétiquement pour pouvoir s’unir à elle. Et pourtant, comme toutes les plus grandes histoires d’amour, leur idylle connaîtra une fin tragique…

Impressions :
Ce roman datant de 1978, on pourrait craindre un style vieillot et une histoire passée de mode dont le message ne parviendrait plus à nous toucher. Pourtant, c’est tout le contraire. « L’étrangère » est un récit universel, celui de Farber et Liraun, un Terrien et une Cian, qui choisiront de s’aimer malgré leurs différences et l’adversité. Une histoire d’amour loin des romances sirupeuses, qui place en son cœur les problèmes de communication, les disparités ethniques et l’incompréhension qui naissent entre deux êtres foncièrement opposés. Une tragédie dans la grande veine de Roméo et Juliette, qui connaitra une fin tout aussi tragique.

  La grande force de Gardner Dozois, c’est de ne pas s’étendre sur la dimension « romantique » de l’histoire de Farber et Liraun, mais plutôt de se concentrer sur tous les problèmes que soulève leur union. Incompréhension de la part des proches des deux côtés, divergences de croyances et de modes de vie pour les deux amants qui ne dialoguent pratiquement pas tout au long du roman. Chacun semble finalement tourné vers lui-même, projetant ses convictions à l’aune de son éducation – terrienne ou cian -, ne cherchant pas vraiment à s’impliquer dans la culture de l’autre. Des étrangers, tout du long. Jamais titre n’aura aussi bien porté son nom.

  L’autre point fort du récit, c’est l’aspect ethnique et sociétal qui est mis en avant par l’auteur. La découverte des peuplades indigènes sur Weinunach/Lisle, là où Farber s’est installé suite à l’expansion spatiale, est développée avec beaucoup de soin. Le choc des cultures entre cians et terriens est indéniable. Mais là où les humains aiment à s’épancher, les cians restent très secrets, sûrs de leur supériorité sur les humains. Il y a un petit air de colonialisme avec l’arrogance dont font preuve les uns et les autres, qui se jugent plus évolués, plus éclairés qu’autrui. L’aspect SF ne choque pas tant que ça, le récit offrant de nombreux parallèles avec notre Histoire. Seul bémol pour cet incroyable récit, une narration qui peine un peu à se mettre en place. Même si elle s’explique par l’ambiance que cherche à installer Dozois, toute en poésie et en observation. Bref, un texte à redécouvrir !

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Larry TREMBLAY – L’orangeraie

l'orangeraieDate de parution : 19/05/2016
Editions : Folio
ISBN : 978-2-07-046926-0
Nbr de pages : 151
Prix constaté : 5.90€

Résumé :
Les jumeaux Amed et Aziz auraient pu vivre paisiblement à l’ombre des orangers. Mais un obus traverse le ciel, tuant leurs grands-parents. La guerre s’empare de leur enfance. Un des chefs de la région vient demander à leur père de sacrifier un de ses fils pour le bien de la communauté. Comment faire ce choix impossible ?

Impressions :
« L’orangeraie » avec ses quelques 150 petites pages, est un récit dense et difficile à lire, tant son histoire trouve écho dans l’actualité de ces derniers mois. J’ai eu beaucoup de mal à écrire cette chronique, à mettre des mots sur ce que j’ai ressenti lors de ma lecture. Si l’auteur met en scène les ravages de la guerre, c’est pour mieux nous interpeller sur les déviances qui peuvent en découler. Comme de sacrifier un de ses fils pour la cause, d’en faire un martyr pour la postérité. Alors que l’on vient de perdre des proches, en sacrifier d’autres pour obtenir vengeance est un non-sens absolu selon moi.

  L’histoire d’Amed et d’Aziz aurait pu être celle de deux jumeaux qui grandissent au milieu des orangers, dans un cadre bucolique et insouciant où les jeux et les rires se disputent la première place. Malheureusement, un obus vient faire voler en éclats tous leurs espoirs d’un avenir radieux. Et l’arrivée d’un homme, un guerrier plein de rancœur, va précipiter leur chute. Ce texte, bien qu’il touche à une actualité brûlante et soulève de nombreuses interrogations sur le sens du devoir envers son dieu, envers sa communauté ainsi que sur l’état psychologique des victimes de ces conflits, entre culpabilité et folie, ne cherche pas à être moralisateur.

  Bien au contraire le message de Larry Tremblay est celui de la paix et de la fraternité. Montrant que nous sommes tous égaux par-delà les races, les âges, les croyances. Nous laissant entendre un message intemporel qui montre que la souffrance est universelle, tout comme la peur, la tristesse, la colère et qu’il ne faut pas se laisser submerger par ce désir de vengeance qui engendre toujours plus de guerres et de tragédies. Quand cessera la folie des Hommes ? Combien encore d’Amed et d’Aziz devrons-nous sacrifier pour que justice soit faite ? Pour que chacun soit satisfait ? Assez…

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Paul NIRVANAS – Psychiko

psychikoTitre original : Psychiko (1928)
Date de parution : 06/01/2016
Editions : Mirobole
Collection : Horizons noirs
ISBN : 979-10-92145-502
Nbr de pages : 214
Prix constaté : 19.50€

Curieux ? Un extrait par ici !

Résumé :
Anti-héros et probable cas clinique, Nikos Molochantis, jeune rentier désœuvré, est prêt à tout pour obtenir son quart d’heure de célébrité. Il a donc la brillante idée de se faire passer pour l’assassin d’une femme retrouvée morte dans un quartier d’Athènes.
Grâce à la presse fascinée par cette affaire, Nikos se retrouve enfin sous les feux de la rampe, suffisamment près de la guillotine pour être une vedette. Le stratagème parfait… À ceci près qu’il risque de fonctionner au-delà de ses espérances.

Impressions :
Voici un roman truculent qui m’a fait mourir de rire face à la bêtise de son héros tout sauf providentiel. Publié sous forme de feuilleton lors de sa sortie en 1928, « Psychiko » est considéré comme le premier polar grec. Mais comme l’explique le traducteur dans la postface, « Psychiko » est un polar se cachant sous des dehors humoristiques. Il n’entre pas dans le carcan du polar typique. L’enquête ici est secondaire, l’auteur nous offrant tout d’abord un coupable auto-désigné sans nous fournir d’éléments qui nous permettraient de découvrir le modus operandi et la raison du crime. Tout ce que l’on sait, c’est ce qu’a pu lire Nikos Molochantis, notre héros opportun, dans les journaux ayant relaté l’affaire. Autant dire pas grand-chose hormis les extrapolations d’usage et l’imagination plutôt fertile desdits journalistes qui préfèrent laisser leur imagination partir en roue libre plutôt que de faire un vrai travail de recherche. D’où les contre-vérités, les allusions sans fondements et un illogisme navrant (un meurtre si horrible qu’il a dû être perpétré à plusieurs mais un crime passionnel… Incohérent, vous avez dit incohérent ?).

  La narration mise en place par Paul Nirvanas brille par son cynisme et sa construction en « épisodes » frise le génie. Replacé dans son contexte, on imagine que Paul Nirvanas se devait de tenir en haleine les lecteurs du journal pour qu’ils aient envie d’acheter la prochaine édition. C’est donc tout naturellement que l’auteur met sur pied une intrigue qui, comme dans les séries tv, doit apporter une chute à chaque fin de chapitre et relancer l’intérêt du lecteur. Les titres des chapitres jouent pour beaucoup dans le charme du roman. Ils résument à eux seuls les grandes lignes de l’histoire. A la lecture de chaque titre, on s’imagine déjà le pire. Et force est de constater que l’auteur possède un mordant jubilatoire. Il se moque de ses personnages et de leurs décisions arbitraires.

  Son héros (anti-héros ? benêt ?) est un riche oisif qui rêve de son quart d’heure de gloire et qui fomente la pire idée jamais imaginée pour parvenir à ses fins : s’accuser d’un crime qu’il n’a pas commis pour que l’on s’intéresse à lui. Naïf, influençable, Nikos Molochantis ne voit pas plus loin que le bout de son nez. Ses rêves de grandeur et son incompétence à mettre en œuvre son plan trouveront écho dans un faisceau de circonstances malheureuses. C’est que tout le monde en prend pour son grade dans le récit. Les journalistes, les policiers, les nantis, les curieux, les lecteurs avides de sensations, personne n’échappe à la plume acerbe de l’auteur. Et surtout pas notre héros malvenu. Bien que le roman soit presque vieux d’un siècle, il n’en est pas moins très actuel. Avec le voyeurisme ambiant que nous apporte la télé-réalité et le journalisme qui cherche à faire toujours plus de sensationnel. Un petit bijou déniché par les éditions Mirobole, qui n’en finissent pas de me surprendre !

Verdict : Avec les honneurs

rock