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Motorô MASE – Démokratia, tome 4

démokratia 4Première saison complète en 5 tomes
Titre original : Dēmokratía
Date de parution : 02/12/2015
Editions : Kazé
Collection : Seinen
ISBN : 978-2820322333
Nbr de pages : 192
Prix constaté : 8.29€

Résumé :
Le vieil Oikawa, atteint d’un cancer en phase terminale, a décidé de mettre fin à ses jours. Or, après l’avoir sauvé une première fois, certains votants de Démokratia se sentent responsables de son devenir. Seulement, peut-on sauver quelqu’un malgré lui ? Les partisans de l’intervention vont tenter d’en convaincre la communauté et l’intéressé… Mais ils ignorent encore tout de la menace que l’un d’entre eux fait peser sur Mai et qui va obliger Maezawa à sortir de sa réserve !

Impressions :
Avant-dernier tome pour la première saison de Démokratia. L’histoire se poursuit où on l’avait laissé avec les débats moraux qui agitaient le petit macrocosme de Démokratia. Ses membres s’interrogent sur le sens des responsabilités qui incombent à Mai, dès lors qu’elle interagit avec quelqu’un. La mauvaise expérience qu’ils ont vécue au début les pousse à prendre des précautions et à s’impliquer plus activement dans la vie de Mr Oikawa. Mais pourrons-t-ils sauver le vieil homme, si lui-même n’aspire plus qu’à une mort rapide ? Rien n’est moins sûr…

  La première partie de ce quatrième se traine un peu, le mangaka consacrant une grande partie du tome à l’histoire de Mr Oikawa, qui avait déjà été au cœur du tome précédent. Il faut vraiment patienter jusqu’à la moitié du volume pour voir les choses se corser un peu. Maezawa, l’un des créateurs de Démokratia, qui était resté sur la touche dernièrement, se voit obliger de reprendre les choses en main lorsque l’intégrité de Mai se trouve menacée. La course contre la montre qui s’engage alors est haletante.

  Et bizarrement, c’est dans ces moments-là (lorsqu’elle se recharge, lorsqu’elle est vulnérable) que l’on se rend vraiment compte que Mai n’est pas un être « vivant ». Le vide dans ses yeux est très bien rendu, de même que son corps complètement avachi quand Maezawa la transporte. Ce manque d’émotions tangibles contrastant joliment avec la peur qu’éprouve le programmeur lorsque harukic2 menace d’exposer Mai au grand jour. L’arrivée d’une intrigante qui vient compliquer la vie de Maezawa apporte la dose de suspense qui commençait à manquer. Comment le programmateur réussira-t-il à se tirer de ce mauvais pas ? Est-ce déjà le clap de fin pour l’expérience « Démokratia » ? Affaire à suivre dans le cinquième et dernier tome…

Verdict : Bonne pioche

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Miso SUZUKI – Bienvenue chez Protect, tome 1

bienvenue chez protect 1Complet en 3 tomes
Titre original : Nana no Literacy (2014)
Date de parution : 14/04/2016
Editions : Akata
ISBN : 978-2-36-974095-7
Nbr de pages : 178
Prix constaté : 7.95€

Envie de lire un extrait ?

Résumé :
Pour son apprentissage professionnel, la jeune Nanami doit réaliser un stage en entreprise. C’est au sein de la société Protect qu’elle va avoir la chance de pouvoir s’immerger dans le monde du travail… Cette boîte de consulting en médias numériques est dirigée par un véritable génie de l’informatique : un certain Jingorô Yamada ! Consultant aussi extravagant que visionnaire, il va ouvrir la lycéenne à de nouveaux horizons… Et sa première mission sera de remettre sur les rails un mangaka dont la carrière est au point mort. Et si le numérique était la clé pour créer de nouveaux business models dans le monde de la culture et du droit d’auteur ?

Impressions :
Un manga qui nous parle d’économie, du passage au numérique et des coulisses du secteur culturel, voilà qui a de quoi étonner le lecteur. C’est pourtant le parti pris par Miso Suzuki qui a décidé de nous livrer son expérience en tant que nouveau modèle économique dans ce manga bouclé en trois tomes. Un seinen publié chez Akata et qui devrait plaire à ceux qui s’intéressent au marché du livre, aux auteurs tentant de percer dans le milieu et même aux étudiants en nouvelles cultures numériques. Un manga oscillant entre réalité et fiction qui trouve le ton juste pour nous parler des difficultés que rencontre le secteur culturel…

  Ce premier tome de « Bienvenue chez Protect » nous place dans la peau de Nanami Konomi, une lycéenne devant faire un stage chez Protect, une boîte de consulting en médias numériques dirigée par un génie : Jingorô Yamada. A travers les premiers pas de Nana dans cette entreprise, nous découvrons les nouvelles méthodes de communication inspirées par ce dernier, avec à la clé, une mise en lumière du monde du livre papier, pas vraiment florissant, et une explication sur le pourquoi du comment l’ebook ne décolle pas vraiment. Le discours de Jingorô est clair et précis et nous fournit une multitude d’informations sur le marché du livre, avec ses pièges et ses faiblesses mais aussi son champ de possibilités. C’est passionnant à lire, pas complexe à saisir malgré un discours parfois technique (notamment lors de la transformation et de la mise en ligne d’un ebook), j’ai découvert plein de petites choses sur ce secteur qui ont fait grand sens.

  Assez bavard, ce seinen plante ici ou là quelques petites touches d’humour qui permettent d’alléger un ton plutôt sérieux. Le personnage de Jingorô est l’archétype même du génie excentrique. Se baladant souvent à poil, s’endormant dans les endroits les plus incongrus et ayant des méthodes de travail assez particulières, ce chef d’entreprise est un visionnaire qui peut saisir une situation en un clin d’œil. Son air hirsute contraste avec son assistante toujours tirée à quatre épingles et donne droit à une scène d’introduction plutôt cocasse. Côté graphisme, le trait est de type réaliste, beaucoup de gros plans sur les visages, pas trop d’effets de manche. C’est un style assez simple. A noter quelques proportions parfois malheureuses (entre une tête et une main par exemple) mais rien de trop flagrant. Bref, un sujet passionnant pour ce manga hors-norme.

Verdict : Bonne pioche

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Motorô MASE – Démokratia, tome 3

démokratia 3Saison 1 complète en 5 tomes
Date de parution : 25/09/2015
Editions : Kazé
Collection : Seinen
ISBN : 978-2-82032-210-4
Nbr de pages : 192
Prix constaté : 8.29€

Résumé :
L’expérience Dēmokratía a mal tourné : suite à un “incident”, Mai a frappé Iguma qui est mort des suites de ses coups. Suspecté dans cette affaire, Taku Maezawa, le créateur de Dēmokratía, a pris la fuite et tente d’échapper à la police tout en suivant le devenir du robot humanoïde à distance. Les faits et gestes de Mai sont désormais entre les mains de la communauté qui la contrôle… mais au fond, peut-on espérer une once d’humanité de la part d’un corps dénué de conscience ?

Impressions :
Après un second tome de haute volée, le troisième tome de Demokratia vient une fois de plus mettre un coup de pied dans la fourmilière qu’est la petite communauté d’utilisateurs du programme qui gère Mai. En cause, des questions d’anonymat, de racisme et même d’euthanasie. L’androïde faisant la rencontre d’un vieil homme solitaire qu’ « elle » sauvera, la communauté devra décider s’il entre alors sous « sa » responsabilité de l’aider plus avant. J’ai apprécié le ton tout en pudeur avec lequel Motorô Mase parle de la vieillesse. Que ce soit Mme Yoshimura ou Mr Oikawa, je les ai trouvé très touchants chacun à leur manière.

  Le mangaka mêle habilement des faits de société aux problèmes de conscience que rencontre sa démocratie virtuelle. Les interrogations soulevées sont intéressantes, Motorô Mase ne se posant pas en donneur de leçons. Le mangaka amène ainsi plusieurs cas de figure en faisant partager le quotidien de certains des utilisateurs de démokratia, qui se feront influencer par leurs expériences personnelles. Ainsi la haine de Harukic2 envers les étrangers trouve sa source dans ses problèmes professionnels. De cette manière, le mangaka nous propose une vue d’ensemble, avec ses pour et ces contre.

  Ce que j’apprécie dans ce seinen, c’est son ton très actuel. Motorô Mase mêle des cas de conscience à des problèmes de société que l’on rencontre tous les jours. Les décisions prises par l’ensemble de la communauté, même si elles doivent être prises à l’unanimité, ne sont pas forcément exemptes de défaut. On se demande de plus en plus comment Mai pourrait être « l’être artificiel » par excellence, guidée comme elle l’est par des humains aux failles et aux vices si nombreux. Il n’y a qu’à voir le bashing dont les membres font preuve dès qu’il s‘agit de trouver un bouc émissaire à tous leurs problèmes. C’est révélateur. Bref, encore un très bon tome pour Demokratia !

Verdict : Avec les honneurs

rock

Syoichi TANAZONO – Sans aller à l’école, je suis devenu mangaka

sans aller à l'école je suis devenu mangakaTitre original : Gakkou E Ikenai Boku To 9nin ni Sensei (2015)
Date de parution : 25/02/2016
Editions : Akata
ISBN : 978-2-36-974106-0
Nbr de pages : 287
Prix constaté : 9.55€

Résumé :
Le jeune Masatomo aurait pu avoir une vie normale : jusqu’à son entrée à l’école primaire, il était en effet un petit garçon plutôt jovial. Mais hélas, en première année, et peu de temps après la rentrée, sa trop colérique enseignante lui donne un gifle particulièrement violente, et pas du tout justifiée. Dès lors, la spirale infernale commence pour Masatomo, qui n’ose plus retourner à l’école : peur du regard d’autrui et des rumeurs, incapacité à sortir de chez soi, difficultés d’intégration… Tous les ans, malgré les efforts de ses parents, mais aussi de nombreux professeurs et pédagogue, il n’arrivera jamais à suivre une scolarité « normale ». Préférant passer ses journées chez lui, à copier des dessins de Dragon Ball… Et si, au fil des pages, une vocation salvatrice était en train de naître ?

Impressions :
« Sans aller à l’école, je suis devenu mangaka » est un manga de genre social qui m’a profondément bouleversée. Ce titre très émouvant traite de la phobie scolaire et de l’exclusion que vit un enfant qui n’arrive pas à s’intégrer à sa classe. Les sentiments bouillonnants du narrateur qui se nourrit de son expérience nous frappent de plein fouet. Le fait que ce manga ne soit pas juste représentatif d’un problème de société mais belle et bien un récit autobiographique nous interpelle d’autant plus. On sent tout le réalisme, tout le vécu de Syoichi Tanazono qui a passé une enfance solitaire et on s’en émeut. Quel témoignage poignant !

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  Le Japon est réputé pour ses exclus. Hikikomori, bizutage extrême, choix d’une tête de turc, les enfants ne sont pas toujours tendres entre eux. Et la société qui essaye de couler toute une génération d’enfants dans le même moule, sans cesse en quête de performance et d’excellence, laisse peu de place aux élèves en difficulté, fragiles ou peu réceptifs à ce « conditionnement ». L’histoire de Masatomo est malheureuse. Suite à une gifle et à une humiliation devant ses camarades, le petit garçon se sent désemparé et se retrouve pris d’une terreur extrême dès qu’il s’approche de l’école. Le fait qu’il ne comprenne pas pourquoi on l’a traité si injustement ajouté à ses absences répétées ne va faire qu’accentuer sa crainte et son décrochage scolaire. C’est un cercle vicieux qui se met en place. Et seule sa passion pour le manga et l’amour de ses parents sauront lui redonner confiance en lui.

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  Si ce témoignage en lui-même est bouleversant, la mise en scène de Syoichi Tanazono, toute en simplicité et mettant l’accent sur les sentiments qu’il a éprouvé enfant, nous prend aux tripes. Le dégoût, le renoncement, la peur, puis enfin la joie quand il découvre l’univers des mangas et l’espoir lorsqu’il rencontre des gens prêts à l’aider, tout y est mis en exergue. Ce gros oneshot se dévore, le lecteur vibrant de concert avec Masatomo et priant dans l’attente d’un happy-end. On sent le propos sincère, sans fard, le mangaka nous montrant ses bons comme ses mauvais côtés. Le trait est tout en rondeur, sans surcharge, misant tout sur les différentes étapes qui ont fait du mangaka celui qu’il est aujourd’hui. Un sujet brûlant, traité avec pudeur, qui nous permet de voir un Japon moins idéalisé.

Verdict : Avec les honneurs

rock

Hiroaki SAMURA – Snegurochka

snegurochkaTitre original : Harukaze no Sunegurachika (2014)
Date de parution : 17/02/2016
Editions : Casterman
Collection : Sakka
Nbr de pages : 240
Prix constaté : 12.95€

Résumé :
En URSS, à la fin des années 1930. Belka, une jeune fille handicapée, et Shchenok son domestique, s’installent dans une datcha gérée par le parti communiste. Ils sont en quête d’un mystérieux objet. Un jour, ils sont arrêtés et envoyés dans un camp de travail. Mais Shchenok, hémophile, s’épuise. Belka découvre qu’elle peut le soigner grâce à un don qu’elle aurait hérité de son père, Raspoutine.

Impressions :
Hiroaki Samura, qui a connu le succès grâce à « L’habitant de l’infini », un seinen fantastique se déroulant à l’époque des samouraïs, nous revient chez Casterman avec un oneshot. « Snegurochka » est un thriller politique du plus bel acabit, complexe et à l’ambiance parfaitement maitrisée. Si un bagage historique de la période stalinienne est un petit plus pour le lecteur se glissant entre les pages de Snegurochka, le mangaka a pensé à insérer dans sa postface quelques clés pour mieux comprendre la portée de son œuvre. Ce manga historique pourra ainsi plaire même aux non-initiés du genre, qui chercheraient quelque chose de plus mature et de plus réaliste que le manga-divertissement.

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  « Snegurochka » nous plonge dans une URSS en proie au totalitarisme de Staline, après la dissolution de l’aristocratie, massacrée ou envoyée dans des camps de travaux forcés. De nos deux héros, nous ne savons presque rien. Quelles sont leurs motivations ? Qui sont-ils réellement ? Pourquoi veulent-ils à tout prix pénétrer dans cette datcha ? Nous découvrons tout cela petit à petit, à l’aide de non-dits et de rencontres essentielles à la compréhension d’une histoire trouble. Belka et Shchenok, nos héros, sont tous deux très mystérieux. Leur relation est ambiguë, qui est le maitre et le servant, on ne le comprend pas toujours, tous deux n’ayant pas l’air de le savoir eux-mêmes à certains moments. Entre une Belka en fauteuil roulant et un Shchenok en proie à des crises dont seule la jeune femme semble pouvoir le tirer à l’aide d’un drôle de gant, le mystère plane.

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  Ce oneshot de plus de 200 pages se révèle passionnant. Que ce soient les personnages, le contexte, les décors, tout est travaillé dans les moindres détails. La narration, qui se nourrit de quelques flash-backs nous aidant à comprendre l’intrigue, est brillamment exécutée. Le graphisme est brut, cru et franchement inspiré. Les planches fourmillent de détails, les coups de crayon, nombreux, sont adoucis par un trait très fin, les personnages affichant des expressions très réalistes. On est bluffé par la maitrise du trait, par les émotions véhiculées par les différents visages et postures. C’est élégant et saisissant. Bref, une réussite en tous points.

Verdict : Avec les honneurs

rock