Archives de Catégorie: Nouvelles

Mélanie FAZI – Le Jardin des silences

le jardind es silencesDate de parution : 22/10/2014
Editions : Bragelonne
Collection : L’Autre
ISBN : 978-2-35294-792-9
Nbr de pages : 250
Prix constaté : 15€
Commander chez Librairie Dialogues

Résumé :
Un bal secret au coeur de l’hiver, une violoniste dont les notes soulèvent le voile des apparences, une dresseuse d’automates dépassée par sa création : à travers ces douze textes ciselés, découvrez ou retrouvez l’univers envoûtant de Mélanie Fazi, auteure rare à la plume délicate, qui joue des mots émotions avec une justesse bouleversante.

Impressions :
J’ai découvert le nom de Mélanie Fazi à travers ses traductions de textes SFFF. C’est un « détail » auquel j’accorde beaucoup d’importance parce qu’un bon roman passe par une bonne traduction ou plutôt une bonne adaptation de l’œuvre. J’étais depuis longtemps curieuse de lire un de ses romans et c’est enfin chose faite avec « Le jardin des silences ». Bien que ce ne soit pas un roman mais bien un recueil de nouvelles pour la plupart déjà parues sauf deux inédits « L’été dans la vallée » et « L’autre route ». Comme je n’avais encore lu aucun de ses textes, ça ne m’a pas dérangé mais pour ceux qui possèdent déjà certaines des anthologies précédentes vous voilà prévenus.

 Le recueil se compose de douze nouvelles de qualité égale, bien que certaines m’aient plu plus que d’autres. On y retrouve des thèmes classiques comme l’hommage aux contes avec « Swan le bien nommé » par exemple. Où Mélanie Fazi revisite le thème du vilain petit canard en le mixant avec le classique de la méchante marâtre qui essaie de se débarrasser de ses beaux-enfants. La nouvelle « Miroir de porcelaine », quant à elle, s’inspire du genre steampunk avec ses automates plus vrais que natures. On oscille ainsi entre une culture fantastique bien ancrée et la vision personnelle de l’auteure quant à la magie, aux rêves, aux dragons et aux vieilles croyances.

 Si l’on se déplace en terrain connu avec ce terreau des plus classiques, j’ai vraiment adhéré à la conception de Mélanie Fazi qui réussit à apporter du sang neuf à tout cet univers. Son regard sur les choses est acéré, ses nouvelles plutôt sombres, on est loin des contes de fées. Bien que les textes soient courts, j’ai trouvé que l’auteure savait développer des histoires complexes et denses qui donnent une impression d’unité. Sûrement grâce à sa plume délicate et vivace qui appelle facilement des images dans notre esprit. A sa faculté à nous transporter dans son univers. L’auteure possède un talent de conteur incontestable.

 Mais « Le jardin des silences », ce n’est pas juste une belle plume et des histoires intéressantes, c’est aussi une narration envoûtante, dynamique qui nous immerge dans un tourbillon d’émotions le temps de quelques dizaines de pages. A chaque nouvelle, c’est le même déluge de sensations. On passe de l’effroi à l’admiration, de l’émerveillement à l’angoisse. Mes nouvelles préférées sont sans conteste « Les sœurs de la Tarasque » et « Le pollen de minuit ». J’ai adoré la plongée dans l’onirisme de la seconde, avec tout ce qu’elle apporte d’angoissant et de réconfortant et la première nouvelle m’a donné envie d’en savoir plus sur ses jeunes femmes qui vouent leurs vies au dragon, entre abnégation et souffrance. Une auteure que je relirais avec grand plaisir !

Verdict : Avec les honneurs

rock

Alan HEATHCOCK – Volt

voltTitre original : Volt (2011)
Paru le : 28/08/2013
Edition : Albin Michel
Collection : Terres d’Amérique
ISBN : 978-2-226-24976-0
Nbr de pages : 297
Prix constaté : 23€

Résumé :
Krafton, petite ville imaginaire de l’Amérique profonde aux allures bibliques, où abondent secrets inavouables, crimes anciens et chagrins enfouis est le décor des nouvelles d’Alan Heathcock.

Impressions :
J’aime beaucoup la collection « Terres d’Amérique » chez Albin Michel qui, pour moi qui suis férue de littérature américaine, est souvent promesse de belles découvertes. Alors quand je lis dans le résumé « Amérique profonde », « secrets inavouables et crimes anciens », je fonce derechef ! Une fois n’est pas coutume, le roman d’Alan Heathcock se décline en un recueil de nouvelles mais qui se passent toutes dans le même village profond de Krafton (ville imaginée de toute pièce par l’auteur). Si chaque nouvelle met en scène des personnages différents de cette ville, certains font parfois leur apparition de manière répétée. C’est le cas avec Helen, personnage ambigüe qui porte plusieurs casquettes et qui apparait plusieurs fois. On sent donc une unité entre les nouvelles, chose peu étonnante vu que l’action se passe au même endroit.

  Composé de 8 nouvelles plutôt courtes, « Volt » brasse les thèmes de la violence, de la rédemption, du désœuvrement de la jeunesse, bref des sujets qui n’ont rien de joyeux, je vous l’accorde. Il faut dire qu’Alan Heathcock à travers sa ville imaginaire, nous dépeint un portrait de l’Amérique plutôt sombre et désemparé. D’ailleurs le recueil possède des relents de roman policier avec des crimes à tire larigot. Dans « Fumée », un père réveille son fils en plein milieu de la nuit pour lui demander de l’aider à faire disparaitre un cadavre, dans « La fille » un jeune garçon disparait probablement assassiné, dans « Gardienne de la paix », un meurtrier se fait torturer, bref un côté polar qui sied plutôt bien à « Volt », chaque histoire apportant une touche de couleur (sombre) à cette grande peinture de Krafton.

  Si toutes les nouvelles peuvent être reliées entre elles par une passerelle, certaines sont tout de même plus faibles que d’autres. La faute à un format trop court qui ne permet pas de développer pleinement le potentiel de la nouvelle. C’est le cas avec « Permission » qui reste dans le vague et se révèle trop succincte pour instiller le malaise voulu. De même, certaines nouvelles sont si imposantes qu’elles éclipsent les autres. C’est le cas pour « Le train de marchandises », « Fumée » et « La fille », mes trois nouvelles préférées du recueil. La première nouvelle notamment est des plus poignantes et m’a bouleversée. Après la perte de son fils et une tentative avortée de suicide, un père prend la route et se laisse emporter par ses pas. Alan Heathcock montre que face à l’inacceptable, l’Homme peut facilement sombrer dans la folie et renier sa part d’humanité. Et qu’il y aura toujours quelqu’un pour exploiter ce malheur. Loin d’être juste pessimiste, cette nouvelle porte une étincelle d’espoir, que la fin laisse poindre. Bouleversant.

  En bref, Volt se présente comme un recueil de nouvelles douloureuses, dont la portée est parfois difficile à accepter. Des huit nouvelles, certaines se révèlent plus fades que d’autres, la faute à la puissance d’évocation de certaines nouvelles. Alan Heathcock signe un portrait de l’Amérique pas toujours glorieux, mais dans le fond, profondément humain parce qu’imparfait et guidé par ses émotions. A découvrir, ne serait-ce que pour la qualité de certaines des nouvelles du recueil.

Verdict : Bonne pioche

bonne-pioche

John CONNOLLY – Nocturnes

NocturnesTitre original : Nocturnes (20004)
Paru le : 09/10/2013
Edition : L’Archipel
ISBN : 978-2-8098-1256-5
Nbr de pages : 318
Prix constaté : 22€

Résumé :
Vampires, maisons hantées, mal mystérieux qui se propage, mythe du Golem, démons prédateurs, fantômes vengeurs… Ce recueil d’une vingtaine de nouvelles aborde tous les genres du fantastique. Exemples : Miss Froom est une vieille retraitée anglaise qui s’occupe de son jardin du soir au matin. Quand un étranger de passage lui offre son aide, elle accepte. Après tout, ce n’est pas si souvent que du sang frais se présente.
Et puis, un corps séché ne constitue-t-il pas ensuite le meilleur des engrais ? La maison de M Gray est construite sur la tombe d’une réincarnation de Lilith. Le jour où il entreprend des travaux, il risque de réveiller quelques démons endormis… Dans cette université anglaise très select, quelques élèves boursiers sont accueillis. A la fin de l’année, leurs os sont remis aux diplômés appartenant à la bonne société dans de jolis écrins garnis de velours…

Impressions :
J’ai plusieurs romans de John Connolly dans ma PAL qui prennent la poussière depuis un certain temps, mais j’ai jeté mon dévolu sur ce recueil de nouvelles fantastiques horrifiques qu’est Nocturnes à cause d’un certain challenge que je n’ai – finalement – pas fini *sifflote* J’avais entendu de bon retour sur cet auteur, et la perspective de lire des nouvelles qui font peur, ça me rappelle la belle époque où je découvrais Stephen King à travers ses nouvelles flippantes à souhait. Quid de ce cher « Nocturnes » au final ?

  Dans l’ensemble, le recueil est plutôt bon, avec des degrés divers d’horreur selon les (19) nouvelles. Certaines vous font dresser les cheveux sur la tête, d’autres vous chagrinent un peu, sans plus. S’il est un reproche que je ferai à Nocturnes, c’est que ses nouvelles sont de qualité irrégulière. Certaines sont un peu trop vite expédiées, John Connolly ne prenant pas le temps de laisser s’installer un climat d’angoisse. Du coup, le soufflé retombe (c’est bien connu qu’il ne faut pas ouvrir la porte du four trop tôt !).

  Au niveau de la ligne éditoriale, John Connolly s’inspire du folklore connu du Fantastique et se le réapproprie mais sans faire preuve de beaucoup d’originalité. Ce qui donne un petit côté déjà vu qui n’est pas très conseillé quand on cherche à faire peur… Ainsi la « balade du cow-boy cancéreux», de loin la nouvelle la plus longue du recueil, rappelle justement Stephen King aussi bien dans sa chute pessimiste que dans le traitement de l’histoire.

  Bon, c’est sûr John Connolly aurait pu s’inspirer de pire source, mais je regrette le côté trop classique de l’ouvrage. Aucune des nouvelles ne m’ayant réellement surprise. Je ne me suis pas sentie très dépaysée à la mention de fantômes, vampires et autres joyeusetés empruntées à la mythologie celtique. Dans l’histoire de « la nouvelle enfant » par exemple, John Connolly puise clairement dans ses racines irlandaises avec l’enlèvement de cette petite fille par une méchante fée. Même s’il faut reconnaitre à l’auteur une certaine habileté à rendre son récit vivant.

  C’est le point fort de ce recueil selon moi, la plume soutenue et vivace de John Connolly. La narration nous parachute aux côtés de grands auteurs du Fantastique tel que Poe ou Lovecraft (qui apparait de manière détournée dans une des nouvelles) et le côté spectateur/conteur nous prend à témoin pour mieux nous plonger dans son univers surnaturel. C’est bien écrit et dans l’ensemble plutôt efficace. Mais je le conseillerai surtout à ceux qui ne connaissent pas grand-chose de ce folklore.

Verdict : Roulette russe

roulette-russe

Clifford D. SIMAK – Demain les chiens

demain-les-chiensTitre original : The City (1952)
Paru le : 18/09/2013
Edition : J’ai Lu
Collection : Nouveaux Millénaires
ISBN ! 978-2-290-07061-1
Nbr de pages : 265
Prix constaté : 16€

Résumé :
Les hommes ont disparu depuis si longtemps de la surface de la Terre que la civilisation canine, qui les a remplacés, peine à se les rappeler. Ont-ils véritablement existé ou ne sont-ils qu’une invention des conteurs, une belle histoire que les chiens se racontent à la veillée pour chasser les ténèbres qui menacent d’engloutir leur propre culture ?

Impressions :
Clifford D. Simak, c’est un auteur de science-fiction assez prolifique, qui a remporté plusieurs prix prestigieux en son temps. Aujourd’hui décédé, les éditions J’ai Lu ont eu la bonne idée de rééditer l’une de ses œuvres les plus célèbres, soit « Demain les chiens ». En plus d’une couverture délirante qui donne le ton du roman, je dois dire que j’ai eu le plaisir de découvrir une œuvre brillante, qui fait partie de ces œuvres visionnaires qui nous dépeignent un avenir désenchanté, avec un regard clairement lucide de l’humanité. Les chiens vont-ils nous supplanter dans l’ordre de la Grande Chaine Alimentaire ? Ça vous fait sourire ? Vous pourriez bien revoir votre jugement une fois lu et digéré « Demain les chiens »…

  Le livre se présente comme une collection de nouvelles plutôt courtes mais qui possèdent une unité. A savoir que chaque « histoire » qui nous est contée, nous est rapportée comme un épisode de folklore que se font passer les chiens lors de veillée. Chaque nouvelle nous est présentée et restituée dans son contexte. La véracité de certaines histoires étant mise en doute par le narrateur lui-même. Il y a pourtant une chronologie dans l’ordre de ces histoires, et certains personnages (voire leurs descendants) font leur réapparition d’un conte à l’autre. Tout concourt à ce que ces « fables » nous semblent réalistes et pas juste sorties de l’imagination de chiens fous ! ^^

  Cette manière d’introduire chaque nouvelle renforce l’intérêt du lecteur, qui est piqué au vif et se voit captivé par ces récits révélateurs d’un monde transfiguré. Comment les chiens ont-ils détrônés les humains en tant que race pensante supérieure ? La clé nous est donnée au fur et à mesure que l’on prend connaissance de ces nouvelles. Un indice vous met la puce à l’oreille par ici, un autre détail vous interloque par là. Vous voilà assis en tailleur à l’écoute de la prochaine histoire… En tout cas, c’est comme ça que je l’ai ressenti. Comme si je faisais partie intégrante de la transmission de ces contes oraux.

  Comme je l’ai déjà signalé, chaque nouvelle nous rapproche un peu plus du nouvel ordre établi. Plongé dans un avenir probable, le lecteur découvre petit à petit la façon dont notre monde s’est transformé. On voit apparaitre un culte de la solitude, les gens se retranchant derrière la technologie pour chaque corvée à effectuer. Le sentiment d’appartenance à une communauté s’est perdu. Le chacun pour soi règne. Pour l’instant, rien d’aberrant, n’est-ce pas ? Clifford D. Simark signe une analyse pointue et perspicace de ce monde à la dérive. Les villes sont abandonnées au profit de l’individualité, de la recherche d’espace. La notion même de « ville » se meurt.

  La chute de chaque conte est grinçante à souhait. L’auteur nous immerge dans un système cynique où l’on ne bouge plus le petit doigt, la surutilisation du tout automatique nous faisant perdre peu à peu toute trace d’autonomie. Bienvenue dans l’ère robotique ! Et c’est la spirale infernale qui s’enclenche. L’évolution. Les mutations. Dois-je en dire plus ? Non, car ce serait vous gâcher la découverte de ces fables fascinantes. Simak est un conteur hors pair et Pierre-Paul Durastanti traduit ce recueil à merveille, les expressions désuètes apportant un vrai cachet à ce petit bijou de la SF. Tous ceux qui dénigrent ce genre feraient bien de s’offrir « Demain les chiens » et de virer leur cuti dare-dare. Pour les autres, voilà un recueil qui mérite sa place dans toute bonne bibliothèque et qui vous apportera une bonne dose d’interrogations, pour le moins… salutaires !

Verdict : Nuit blanche

nuit-blanche

Doug ALLYN – Sombres créatures

sombres-créaturesTitre original : All creatures dark and dangerous (1999); The death row pet show (2000)
Paru le : 15/05/2012
Editions : Télémaque
Collection : Entailles
ISBN : 978-2753301504
Nbr de pages : 320
Prix constaté : 21€
Le petit + : il y a de très belles photos de chiens à l’intérieur de la couverture.

Résumé :
Un pit-bull femelle totalement déchiqueté trouve encore l’incroyable force de se relever.
Le labrador d’une famille juive est marqué au fer rouge d’une croix gammée.
Crimes sanglants et faits divers violents… Qui sont vraiment les sombres créatures auxquelles le Dr. David Westbrook, vétérinaire récemment sorti de prison et dévoué aux causes perdues, est confronté dans le comté d’Algoma, au coeur du Michigan ?

Ce que j’en ai pensé :
Je lis rarement des nouvelles, plus par manque d’occasion que par choix, car c’est un genre que j’apprécie assez. « Sombres Créatures » est un recueil de sept nouvelles qui mettent en scène le même personnage : le vétérinaire David Westbrook. Sans ordre chronologique particulier, les nouvelles s’intéressent aux animaux dont s’occupe le personnage au cours de sa vie et de ses fonctions. Doug Allyn s’attache particulièrement à relater les histoires incroyables qui se font l’écho dans la presse et les journaux télévisés. Et il faut avouer que nos amis à poils vivent parfois de singulières aventures.

  Tour à tour horribles, choquantes, édifiantes ou touchantes, ces histoires ont le mérite de ne pas laisser indifférent et poussent à l’introspection. Car la façon dont nous percevons la vie (des animaux, des Hommes) et le degré auquel nous la respectons, renseigne beaucoup sur notre caractère et notre altruisme. Et les apparences deviennent vite trompeuses… Entre le braconnier à la mine patibulaire qui chérit sa chienne et l’ami des animaux opportuniste prêt à tout pour relancer sa carrière, on aurait vite fait de se laisser berner.

  De ce fait, ne vous y trompez pas, « Sombres créatures » est bien un recueil policier, les nouvelles nous plongeant tour à tour dans une scène de crime : meurtre, suicide, etc. Cependant l’auteur se penche plus sur le côté psychologique des affaires, sans rentrer dans les détails des enquêtes policières, et en se recentrant plutôt sur leurs répercussions. Le but avoué de Doug Allyn apparait clairement comme un bel hommage à nos amis les bêtes. Et on sent bien l’immense amour et la compassion de l’auteur envers ceux-ci. A l’image de ce Franken Cat tout rafistolé ou de ce chiot qui se laisse mourir au décès de sa maitresse.

Très touchantes voire incroyables, ces histoires nous confrontent à la cruauté humaine, mais aussi au dévouement de certains animaux envers leur maitre. Pour la peine, je m’en vais fait un gros câlin à mon chat !

Verdict : Bonne pioche

bonne-pioche

logo3