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Mariam PETROSYAN – La Maison dans laquelle

la maison dans laquelleTitre original : Dom, v kotorom… (2009)
Date de parution : 18/02/2016
Editions : Monsieur Toussaint Louverture
ISBN : 979-1090-72499-0
Nbr de pages : 960
Prix constaté : 23€

Résumé :
Dans la Maison, vous allez perdre vos repères, votre nom et votre vie d’avant. Dans la Maison, vous vous ferez des amis, vous vous ferez des ennemis. Dans la Maison, vous mènerez des combats, vous perdrez des guerres. Dans la Maison, vous connaîtrez l’amour, vous connaîtrez la peur, vous découvrirez des endroits dont vous ne soupçonniez pas l’existence, et même quand vous serez seul, ça ne sera jamais vraiment le cas. Dans la Maison, aucun mur ne peut vous arrêter, le temps ne s’écoule pas toujours comme il le devrait, et la Loi y est impitoyable. Dans la Maison, vous atteindrez vos dix-huit ans transformé à jamais et effrayé à l’idée de devoir la quitter. Ensorcelante évocation de l’adolescence, La Maison dans laquelle est un chant d’amour à cet âge ingrat et bienheureux, à ses exaltations et ses tragédies, au sentiment de frustration et de toute-puissance qui le traverse. Mariam Petrosyan a réussi à créer un univers bariolé, vivant et réaliste, pétri de cette nostalgie et de cet émerveillement que nous avons tous au fond de nous et qui fait que, parfois, nous refusons de grandir et d’affronter la brutalité du monde qu’on appelle la réalité.

Impressions :
« La Maison dans laquelle » est une petite merveille qui ne se laissera pas appréhender par n’importe qui. Pas par ceux qui aiment les romans qui ont un but, un point de chute, une finalité. Ni par ceux qui veulent de l’action à tout-va, du suspense, une tension psychologique insoutenable. Si par contre, vous savez apprécier la sensibilité des romans tranche-de-vie, l’authenticité de ces récits qui savent si bien mettre en avant leurs personnages pour mieux nous les rendre attachants et/ou fascinants, alors la maison pourrait bien vous ouvrir ses portes. Et qui sait ? Vous laisser l’explorer de fond en comble…

  « La Maison », c’est cette vieille bâtisse terne et aux dimensions colossales, qui abrite en son sein une institution qui accueille des garçons de tous âges atteints de handicaps physiques. On y entre contraint et forcé, on en repart de même. On y abandonne son nom, tout ce qui nous définissait « avant la Maison ». On ôte sa peau pour en revêtir une nouvelle. Une plus belle, une plus complexe, une plus combative. On se laisse bercer par la Maison, par ses habitants qui nous fournissent un nouveau sobriquet qui nous définit mieux. On se créé une nouvelle famille, pas toujours bienveillante, qui ne nous ménage pas forcément mais à laquelle on se sent appartenir pleinement.

  Les règles de la Maison sont immuables et se doivent d’être suivies sous peine de représailles. Au sein de la Maison, ce sont les enfants qui (f)sont la loi, ce sont eux qui dictent la conduite à tenir. On s’entasse à plusieurs dans une chambre, on intègre un groupe qui se serre les coudes et on grandit sans la supervision des éducateurs. Les adultes sont des fantômes que l’on aperçoit rarement et que personne ne craint. On s’en donne ainsi à cœur joie : remèdes illicites, alcool, bagarres, désœuvrement. Les enfants ne sont soumis à aucune restriction, si ce n’est bien s’intégrer à son groupe, sous peine de chambouler tout ce petit monde.

  Et au beau milieu de ces querelles entre Faisans, Oiseaux, Rats, Chiens (les noms de chacun des groupes d’enfants qui régissent la Maison), il y a la Maison. La Maison qui prend corps véritablement ici, pour devenir un personnage à part entière. Une entité accueillante qui protège du monde extérieur ses petits protégés. Qui les cachent lorsqu’ils veulent être seuls. Qui les nourrit même quand on gratte un peu ses murs. Une entité qui vit et qui respire de concert avec les enfants. Bien qu’elle ne paye pas de mine de prime abord, la Maison est le théâtre des nombreuses petites joies et peines de la vie quotidienne de ses pensionnaires. Amitié, rivalité, éclats de rire, colère, tristesse, rébellion, la Maison pulse de vie. On y fait l’apprentissage de la vie, l’expérience du passage de l’enfance vers l’adolescence puis l’âge adulte. « La Maison dans laquelle » est un beau roman, unique, foisonnant, qui nous hypnotise et nous laisse exsangue. Triste que l’on est de quitter son seuil.

Verdict : Nuit blanche

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Shilpi Somaya GOWDA – Un fils en or

un fils en orTitre original : The golden son (2015)
Date de parution : 07/01/2016
Editions : Mercure de France
ISBN : 978-2-7152-4148-0
Nbr de pages : 480
Prix constaté : 25.80€

Résumé :
Anil est le fils aîné d’un riche propriétaire terrien à la tête d’un vaste domaine qu’il administre d’une main ferme. Normalement, Anil doit succéder un jour à son père. Mais à la surprise de sa famille, il annonce, jeune encore, vouloir être médecin. Il doit donc partir étudier loin de chez lui, d’abord encore en Inde, puis plus tard, aux États-Unis, consécration suprême croit-on autour de lui.
Curieusement sa redoutable mère ne s’oppose pas à la vocation de son fils chéri, ni à son éloignement du berceau familial. Au pays des mariages arrangés, elle souhaite bien sûr une union prestigieuse pour Anil. Or depuis qu’il est petit, elle l’a vu jouer un peu trop souvent avec Leena, la fille d’un pauvre métayer. Quand celle-ci est devenue une très belle jeune fille, il faut l’éloigner, s’en débarrasser, en la mariant à la va-vite à un homme qui se révèlera être un véritable tortionnaire pour sa jeune épouse.
Les destins croisés d’Anil et de Leena forment la trame de ce roman – lui en Amérique qu’il croyait être l’eldorado et où il se heurtera, au Texas, au racisme le plus violent. Et elle en Inde, où sa vie sera celle de millions de femmes victimes de traditions cruelles. Ils se reverront un jour, chacun prêt à prendre sa vie en main, après beaucoup de souffrances. Ils se rapprocheront l’un de l’autre – mais auront-ils droit au bonheur ?

Impressions :
« Un fils en or » est une magnifique ode aux illusions qui nous portent tout au long de notre vie. Celles qui nous brisent, celles qui nous aident à nous dépasser, celles qui nous permettent de faire la part des choses, prêt à accepter la dure réalité d’un monde sans pitié, à chérir ce qui est à notre portée. Que l’on soit un jeune indien rêvant d’un El Dorado américain où la médecine rime avec moyens financiers ou que l’on soit une jeune indienne rêvant d’un mariage heureux, à l’image de celui de ses parents à qui l’on cherche à faire honneur. Ce roman a su me bouleverser par ses personnages volontaires, par son clivage Inde/Etats-Unis superbement mis en lumière, par sa réalité sordide loin de tous les clichés propres à ses deux pays. Une lecture dont on ne sort pas indemne !

  Anil est l’ainé d’une fratrie de cinq enfants, fils d’un des notables de son petit village. Son père, de par son statut, se voit confier la mission de trancher les questions épineuses qui bouleversent le village. Une espèce de juge pour ses pairs, on fait appel à lui pour recevoir sa part de sagesse. En tant qu’aîné, Anil devrait lui succéder. Mais il a un rêve, que son père soutient : devenir médecin ! Pour cela, il décide de partir aux Etats-Unis pour faire son internat, sûr que ce pays si instruit sera un paradis pour lui qui cherche à s’émanciper. Son amie d’enfance, Leena, restée au pays et unique enfant de ses parents, des petits métayers sur les terres de la famille d’Anil, se voit quant à elle poussée à un mariage arrangé. Mariage un peu au-dessus de sa classe sociale, pour lequel ses parents se sont saignés pour payer la dot conséquente. Les deux amis ont placé de grands espoirs dans leur avenir qu’ils voient tout tracé. Pour Anil, devenir médecin aux Etats-Unis, pour Leena, devenir une épouse et une mère épanouie. Malheureusement, leurs illusions seront vite piétinées par une réalité loin d’être idyllique…

  Le récit donne principalement voix à Anil, qui nous décrit son internat aux Etats-Unis, loin de tout ce qu’il s’était imaginé. L’univers de l’internat hospitalier est impitoyable, c’est une course à la performance. C’est à celui qui se fera le mieux voir de ses supérieurs, à celui qui réussira le premier à se faire sponsoriser par un des chefs de service. La moindre petite erreur peut amener à la mort d’un patient, les journées sont à rallonge, on passe d’un stage d’un service à un autre, sans pouvoir souffler. A côté de ça, il faut également penser à étudier et trouver un sujet d’étude suffisamment intéressant pour être validé. Anil, qui était un des meilleurs élèves de son université, découvre avec stupeur qu’il est loin d’égaler les connaissances des autres étudiants. Ici, il n’y a que la crème de la crème et Anil est vu comme le pauvre petit étudiant indien sorti de sa cambrousse. Un « paki » qui confond les traces de gale et de shoot. Entre cet univers implacable et le racisme auquel il est confronté, il a bien du mal à s’accrocher à ses rêves.

  La destinée de Leena, elle, est inextricablement liée à la famille d’Anil. Shilpi Somaya Gowda lui donne ainsi la parole lorsqu’Anil revient au pays. Puis les deux s’alterneront, pour donner une vue globale de la vie d’un expatrié et d’une jeune indienne soumise aux traditions. Leena, qui se retrouve coincée dans un mariage-arnaque, m’a émue aux larmes. La jeune femme est combative, elle essaie de voir le bon en chacun. Elle fait face, même devant les viles injustices, la tête haute. J’ai admiré sa détermination, son amour pour ses parents. Enfermée dans des traditions caduques, l’auteure montre à quel point l’Inde reste tournée vers le passé au lieu de se désenchaîner de ses coutumes absurdes qui brisent des vies. Pour autant, les pays industrialisés n’ont rien d’un paradis où tout est parfait. Il y a de la violence, de l’intolérance, de la haine. Certes, ses habitants ont accès à de meilleurs soins et une meilleure éducation, mais tout cela à un coût. L’auteure brasse tous ces thèmes avec une grande aisance. Le récit possède une puissance narrative qui nous happe complètement. J’ai d’ailleurs été à deux doigts de jeter mon livre par terre quand Leena se retrouve en danger. Preuve que l’auteure sait nous faire vibrer de concert avec ses personnages. Un très beau roman, triste mais porteur d’espoir à la fois et que l’on ne repose qu’une fois la dernière page tournée.

Verdict : Nuit blanche

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Motorô MASE – Démokratia, tome 2

démokratia 25 tomes finis (1st season)
Titre original : Démokratia, book 2 (2014)
Date de parution : 17/06/2015
Editions : Kazé
Collection : Seinen
ISBN : 978-2-82031-736-0
Nbr de pages : 224
Prix constaté : 8.29€

Résumé :
Acculé et véritablement au bord de la crise de nerfs, Seno a pris Mai en otage et fonce pied au plancher vers un quartier fréquenté pour y perpétrer le massacre annoncé sur le web. Mais alors qu’il est sur le point de basculer dans la folie, la voix de l’androïde le confronte à ses vraies peurs, espérant ainsi le ramener à la raison…
La conscience collective de Démokratía permettra-t-elle d’éviter le drame sur le point d’advenir ?

Impressions :
On avait quitté Mai dans un cliffhanger insoutenable à la fin du tome 1 et ce second tome réussit le tour de force de maintenir une tension extrême tout du long, de quoi plaire aux amateurs de seinen psychologique ! Les tragédies s’enchainent autour du robot, l’expérience virtuelle imaginée par Taku et Hisashi semblant démarrer sous de bien mauvais auspices. J’ai eu un gros coup de cœur pour ce second tome dont je n’attendais pas un des événements principaux (du moins pas aussi tôt et pas dans des circonstances aussi extrêmes). Motorô Mase m’a vraiment bluffée sur ce coup-là. Le mangaka prend des risques et j’apprécie le tournant qu’il fait prendre à son récit.

  En dehors d’un dynamisme certain, ce second tome nous interroge un peu plus sur les notions de bien et de mal, de communauté, d’anonymat et de bien d’autres choses encore. C’est mené de façon intelligente, sans parti pris. Grâce aux leçons qu’ils tirent de la direction de Mai, certains essayeront de s’améliorer, ce qui montre qu’il y a du bon comme du mauvais à gagner de cette expérience unique. Le chemin pour faire de Mai un « humain » parfait semble encore long ! A la fin du tome, les cartes sont redistribuées et Mai se retrouvent aux mains des seuls membres de la communauté. Comment va-t-elle s’en sortir ? Ses « pilotes » sauront-ils apprendre de leurs erreurs et se remettre en question ? Les visages sont toujours aussi expressifs, l’émotion à fleur de peau page. Un très bon seinen !

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Atsushi KANEKO – Deathco, tome 1

deathco 1Titre original : Deathco (2014)
Date de parution : 06/01/2016
Editions : Casterman
Collection : Sakka
ISBN : 978-2-203-09842-8
Nbr de pages : 169
Prix constaté : 8.45€

Résumé :
Dans une société où n’importe qui peut s’improviser tueur à gages, Deathko fait régner la terreur. Ado gothique et mélancolique, Deathko hait le monde entier et le lui fait payer. Lorsque la mystérieuse « Guilde » met la tête d’un malheureux à prix, Deathko quitte la cave du château où elle fabrique amoureusement ses instruments de mort.
La nuit venue, Deathko sort chasser.

Impressions :
Le mangaka de « Deathco » est connu pour son style affirmé, loin des classiques du manga, lorgnant plus facilement du côté des comics. Des encrages sombres, beaucoup de contraste et des personnages aux allures un peu rétro, époque fifties. Dans « Deathco », c’est toute une ambiance qui est programmée. Gothique, carnavalesque, grunge, torturée. Si vous êtes fans des romans d’Anonyme, des films de Rodriguez et Tarantino ainsi que de l’esthétique bizarre de David Lynch, « Deathco » ravira vos mirettes ! C’est un titre grinçant, délirant et jubilatoire, au graphisme magnifié. Un coup de cœur pour ce très bon titre de la collection Sakka de Casterman !

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  Atsushi Kaneko n’en est pas à son coup d’essai. Après des titres tels que Bambi, Soil ou encore Wet Moon, le mangaka a su montrer que le genre savait se renouveler et pouvait tout se permettre… Si tant est que l’on en a l’audace. « Deathco » met en scène un univers impitoyable où la Mort s’invite à toutes les pages. A travers ses personnages de tueurs à gages déjantés et dépourvus de scrupules, Atsushi Kaneko nous offre le spectacle le plus hallucinatoire du manga seinen. Clowns tueurs, cheerleaders macabres, lapin meurtrier semblant sortir tout droit de Silent Hill… Le mangaka nous invite à un show grand-guignolesque dont on ne sort pas indemne.

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  Projeté dans un univers fantastique et mortifère où les contrats s’exécutent à la chaine et avec emphase, régulés par une mystérieuse Guilde dont on ne sait presque rien, le lecteur s’en prend plein les yeux. Déluge d’hémoglobine et de corps s’effondrant que vient atténuer l’effet de saturation des noirs, ce manga est à réserver aux amateurs de seinen sombre. L’univers sans concessions d’Atsushi Kaneko est un régal pour qui aime les récits borderline et inventifs. Avec son panel de personnages tous plus étranges les uns que les autres, Deathco est d’une noirceur réjouissante. Un manga peuplé de cauchemars en tous genres, de poupées mortelles et de protagonistes vils.

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  Au beau milieu de toute cette violence, l’héroïne Deathko est peut-être le personnage le plus inquiétant. Une gamine ( ?) gothique qui se balade toujours en compagnie de sa chauve-souris perchée sur son épaule et qui s’enferme dans sa bat-cave pour créer des jouets mortels, il y a de quoi prendre ses jambes à son cou. Son visuel est très réussi : un peu gothique, un peu clown, trèèès dangereuse. Le graphisme est carré. Les planches savamment étudiées pour apporter tout le dynamisme des scènes mais ne faisant pas l’impasse sur une mise en scène théâtrale quand il le faut (comme lors de l’apparition de l’héroïne qui sort de l’ombre). Du grand délire. Bref, « Deathco » ne se lit pas, ne se vit pas, ne tue pas… il se dévore !

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Timothy S. LANE – Devenir une légende

devenir une légendeTitre original : Rules for Becoming a Legend (2014)
Traduit par Françoise Adelstain
Date de parution : 25/03/2015
Editions : Stock
Collection : La Cosmopolite
ISBN : 978-2234077881
Nbr de pages : 366
Prix constaté : 21.50€

Résumé :
C’est le soir. Jimmy Kirkus, seize ans, est seul dans le gymnase. Quatorze foulées, Jimmy se jette tête la première contre un mur de brique, une fois, deux fois, trois fois. Il est couvert de sang. Maintenant tout Columbia City, Oregon, est au courant ; trop petite ville pour garder un secret aussi grand. L’histoire fait boule de neige, intégrant ses prouesses de basketteur, la vie chaotique de ses parents, pleine de fuites, où la tragédie a trouvé bien trop d’occasions de s’infiltrer.
Tout le monde parle à nouveau de la « malédiction des Kirkus ».

Impressions :
La collection « La Cosmopolite » des éditions Stock ne me déçoit presque jamais. J’y ai fait la découverte de très bons auteurs comme Anne Tyler ou encore Emma Donoghue. Et c’est un peu par hasard si j’ai jeté mon dévolu sur cet auteur américain que je ne connaissais pas, interpellée par le résumé assez choquant de son livre. Un adolescent se jette tête la première contre un mur de gymnase, courant et se heurtant, encore et encore, jusqu’à perdre conscience. Mais qu’est-ce qui a bien pu lui prendre ? C’est là la grande question du roman. A partir de ce drame, l’auteur déploie son intrigue pour nous expliquer la raison de ce geste. Entre passé et présent, Timothy S. Lane louvoie par à-coups, nous ouvrant à des instantanés du quotidien d’une famille lambda, qui n’aura pas été épargnée par la vie.

  La narration est ingénieuse. Elle égrène les heures entre le geste désespéré de Jimmy, multipliant les allers-retours entre le passé de ses parents et le présent où sa famille est éclatée. Les révélations se font au compte-goutte, l’auteur cherchant tout d’abord à nous laisser apprivoiser les Kirkus, de père en fils. Du père, star de basket au fils lui-même doué pour ce sport. Le parallèle entre Jimmy et son père puis entre son père et son grand-père est tracé. Timothy S. Lane analyse les relations père-fils avec beaucoup de tact et une grande lucidité. Que ce soit en cherchant à tout prix à se démarquer de son père pour ne pas répéter les erreurs du passé ou en voulant au contraire marcher sur ses traces pour mieux rivaliser avec la figure paternelle, l’auteur explore toutes les pistes des rapports père-fils.

  Chacun des personnages, bien que truffé de failles, possède un charisme impressionnant. Je me suis attachée à chacun d’entre eux. La figure du grand-père, sorte de vieux fou vagabond, m’a particulièrement émue. La scène entre les trois générations réunie sur le terrain de basket est un vrai crève-cœur. La plume sait se faire poignante sans verser dans le pathos. J’ai d’ailleurs éprouvé une grande facilité à visualiser les évènements tant l’auteur est communicatif. Mieux, j’ai eu parfois l’impression de voir un film se dérouler devant mes yeux, à tel point que j’ai même choisi des acteurs pour tous les rôles ! Ce roman ferait un très grand film à n’en pas douter.

  On espère des lendemains meilleurs pour cette famille touchée par la tragédie et contre qui le mauvais sort semble s’acharner. Mais « La malédiction Kirkus » frappe et n’épargne rien sur son passage. Peu à peu, on découvre l’ampleur du drame et on finit par saisir les raisons qui ont poussé Jimmy à se fracasser le crâne… En dehors des liens familiaux, l’auteur dresse également le portrait de ces petites villes où chacun se connait et où l’on s’approprie la renommée de ces jeunes talents qui réussissent. L’atmosphère oppressive qui s’en dégage est un poids de plus pour qui cherche à se faire oublier. Vous avez beau faire des efforts, batailler de toutes vos forces pour vous sortir la tête de l’eau, c’est impossible si tous les habitants épient vos moindres faits et gestes et se posent en donneurs de leçons. L’auteur livre une réflexion éclairée sur la notion de réputation et de célébrité, même éphémère. Faites une erreur une fois et elle vous collera à la peau comme de la super glue. Un très beau roman, émouvant et cruel, pénétrant et pudique. Inoubliable. A l’image de ces leçons pour « Devenir une légende ».

Verdict : Nuit blanche

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