Archives de Catégorie: Thriller/Policier

Paul NIRVANAS – Psychiko

psychikoTitre original : Psychiko (1928)
Date de parution : 06/01/2016
Editions : Mirobole
Collection : Horizons noirs
ISBN : 979-10-92145-502
Nbr de pages : 214
Prix constaté : 19.50€

Curieux ? Un extrait par ici !

Résumé :
Anti-héros et probable cas clinique, Nikos Molochantis, jeune rentier désœuvré, est prêt à tout pour obtenir son quart d’heure de célébrité. Il a donc la brillante idée de se faire passer pour l’assassin d’une femme retrouvée morte dans un quartier d’Athènes.
Grâce à la presse fascinée par cette affaire, Nikos se retrouve enfin sous les feux de la rampe, suffisamment près de la guillotine pour être une vedette. Le stratagème parfait… À ceci près qu’il risque de fonctionner au-delà de ses espérances.

Impressions :
Voici un roman truculent qui m’a fait mourir de rire face à la bêtise de son héros tout sauf providentiel. Publié sous forme de feuilleton lors de sa sortie en 1928, « Psychiko » est considéré comme le premier polar grec. Mais comme l’explique le traducteur dans la postface, « Psychiko » est un polar se cachant sous des dehors humoristiques. Il n’entre pas dans le carcan du polar typique. L’enquête ici est secondaire, l’auteur nous offrant tout d’abord un coupable auto-désigné sans nous fournir d’éléments qui nous permettraient de découvrir le modus operandi et la raison du crime. Tout ce que l’on sait, c’est ce qu’a pu lire Nikos Molochantis, notre héros opportun, dans les journaux ayant relaté l’affaire. Autant dire pas grand-chose hormis les extrapolations d’usage et l’imagination plutôt fertile desdits journalistes qui préfèrent laisser leur imagination partir en roue libre plutôt que de faire un vrai travail de recherche. D’où les contre-vérités, les allusions sans fondements et un illogisme navrant (un meurtre si horrible qu’il a dû être perpétré à plusieurs mais un crime passionnel… Incohérent, vous avez dit incohérent ?).

  La narration mise en place par Paul Nirvanas brille par son cynisme et sa construction en « épisodes » frise le génie. Replacé dans son contexte, on imagine que Paul Nirvanas se devait de tenir en haleine les lecteurs du journal pour qu’ils aient envie d’acheter la prochaine édition. C’est donc tout naturellement que l’auteur met sur pied une intrigue qui, comme dans les séries tv, doit apporter une chute à chaque fin de chapitre et relancer l’intérêt du lecteur. Les titres des chapitres jouent pour beaucoup dans le charme du roman. Ils résument à eux seuls les grandes lignes de l’histoire. A la lecture de chaque titre, on s’imagine déjà le pire. Et force est de constater que l’auteur possède un mordant jubilatoire. Il se moque de ses personnages et de leurs décisions arbitraires.

  Son héros (anti-héros ? benêt ?) est un riche oisif qui rêve de son quart d’heure de gloire et qui fomente la pire idée jamais imaginée pour parvenir à ses fins : s’accuser d’un crime qu’il n’a pas commis pour que l’on s’intéresse à lui. Naïf, influençable, Nikos Molochantis ne voit pas plus loin que le bout de son nez. Ses rêves de grandeur et son incompétence à mettre en œuvre son plan trouveront écho dans un faisceau de circonstances malheureuses. C’est que tout le monde en prend pour son grade dans le récit. Les journalistes, les policiers, les nantis, les curieux, les lecteurs avides de sensations, personne n’échappe à la plume acerbe de l’auteur. Et surtout pas notre héros malvenu. Bien que le roman soit presque vieux d’un siècle, il n’en est pas moins très actuel. Avec le voyeurisme ambiant que nous apporte la télé-réalité et le journalisme qui cherche à faire toujours plus de sensationnel. Un petit bijou déniché par les éditions Mirobole, qui n’en finissent pas de me surprendre !

Verdict : Avec les honneurs

rock

Tod GOLDBERG – Gangsterland

gangsterlandTitre original : Gangsterland (2014)
Date de parution : 04/05/2016
Editions : Super 8
ISBN : 978-2370560407
Nbr de pages : 458
Prix constaté : 20€

Résumé :
« Liquider des agents du FBI est le meilleur moyen de s’attirer des emmerdes. » Tueur à la solde de la mafia de Chicago, le très professionnel Sal Cupertine aurait dû faire graver cette devise sur la crosse de son 9 mm. A présent, il est un peu tard : il en a abattu trois. Eu égard à ses états de service, ses employeurs décident cependant de lui laisser une seconde chance. Transféré dans un camion réfrigéré, notre tueur est savamment exfiltré vers le Nevada.

Quelques opérations chirurgicales plus tard, Sal Cupertine n’existe officiellement plus : il a laissé la place au rabbin David Cohen, officiant à Las Vegas au sein de la très respectable synagogue Beth Israel. Nouvelle identité, nouvelle vie. Désormais capable de citer des passages entiers de la Torah, l’ancien tueur ne tarde pas à se prendre au jeu. Mais ses employeurs, qui utilisent le cimetière voisin pour leurs petites magouilles, n’en ont pas fini avec lui, et le FBI n’est pas en reste : l’agent Jeff Hopper, en effet, a juré de venger la mort de ses trois collègues. Bandit d’un côté, homme de Dieu de l’autre, Sal ne va pas s’en tirer si facilement !

Impressions :
« Gangsterland », c’est l’union entre le rire et le cynisme, entre le monde des malfrats et celui de la communauté juive. Un cocktail explosif qui n’est pas sans rappeler la série tv « Lilyhammer » ou les films de gangsters comme « Les affranchis ». Avec son anti-héros truculent, qui se décrit lui-même comme un psychopathe étant donné le domaine de sa profession : tueur à gage pour la mafia. Un tueur qui devra se faire passer pour un rabbin suite au meurtre de trois agents fédéraux infiltrés, meurtres qui feront de lui l’ennemi public numéro un. Bien qu’exilé pour se faire oublier, « la famille » n’est jamais loin et Sal, notre tueur grimé, n’aura pas l’occasion de prendre une retraite anticipée…

  Le récit de Todd Goldberg est à lire au second degré. Quand le héros vous explique que tuer quelqu‘un d’une balle dans la tempe est trop salissant et qu’il se lance dans les méthodes les plus efficaces pour parvenir à ses fins, vous savez qu’il ne faut pas tout prendre au pied de la lettre. Sinon, gare aux nausées ! Non, ici, le récit nous entraine dans un monde désenchanté, entre les paillettes de Las Vegas et ses magouilles, entre les prêches à la synagogue et les combines au crématorium, tout n’est qu’apparence et faux-semblants. Le décalage existant entre les considérations philosophiques et religieuses de David (sa nouvelle identité de rabbin) et Sal, le tueur à gage implacable qui nous brosse le portrait de son « métier » avec force détails, est ce qui rend la narration si addictive.

  Bien que Sal soit sans pitié, on éprouve une étrange empathie envers lui, comme si le fait qu’il nous mette dans la confidence faisait de nous un allié en quelque sorte. Son quotidien de tueur, avec sa méthodologie et son histoire, devienne dans sa bouche quelque chose de trivial, un boulot lambda. Le fait qu’il possède une certain « éthique » (il ne tue ni les femmes ni les enfants et s’arrange pour ne zigouiller que les pourris et les véreux) et qu’il tienne à sa femme et à son fils comme à la prunelle de ses yeux nous le rendent tout de suite plus « sympathique » pourrait-on dire. Sa lucidité et son cynisme apporte le ciment de cette histoire loufoque, pleine de suspense et de rebondissements. On se demande comment il va s’en tirer et si l’agent du FBI à sa poursuite réussira à le retrouver. Un roman qui dépote !

Verdict : Bonne pioche

bonne-pioche

Alper CANIGÜZ – Une fleur en enfer

une fleur en enferTitre original : Alper Kamu Cehennem Çiçegi (2013)
Traduit par : Alessandro Pannuti
Date de parution : 05/06/2015
Editions : Mirobole
Collection : Horizons noirs
ISBN : 979-1-092-145434
Nbr de pages : 252
Prix constaté : 20€

Résumé :
Depuis qu’il s’est fait renvoyer de la maternelle, le petit Alper Kamu a du temps libre pour traîner dans son quartier d’Istanbul, comprendre pourquoi ses parents ont des rapports si névrotiques et, plus généralement, cogiter à cette énigme qu’est la vie. Justement, l’oncle d’Alper, Nebi Bey, a succombé à une attaque. Menant une vie de retraité modèle tout en brûlant d’amour pour son ex-femme, il laisse derrière lui quelques disques et des photos-souvenirs. En regardant ces clichés, Alper découvre que l’existence tranquille de son oncle n’était peut-être que la partie émergée d’un iceberg…
L’autre préoccupation d’Alper, c’est ce qu’il vient d’apprendre sur son copain Ümit, 12 ans, nouveau venu dans le voisinage : il aurait étranglé son jeune frère handicapé. Après avoir rencontré les membres de la famille dysfonctionnelle d’Ümit, Alper Kamu commence à douter de la culpabilité de son camarade.

Impressions :
Je découvre ce petit génie d’Alper Kamu dans cette deuxième aventure publiée chez Mirobole et je suis presque triste de ne pas l’avoir fait plus tôt ! Ce drôle de môme de cinq ans qui dégoise comme un vieux lascar, doté d’une mémoire photographique et d’un langage acéré lorsqu’il s’agit de critiquer ses contemporains, est un sacré numéro ! Passé la stupéfaction et le scepticisme du début face à ce gamin grandement en avance pour son âge, on se surprend à sourire et à suivre son raisonnement avec intérêt. Mordant et décalé, « Une fleur en enfer » est un roman original qui mélange un peu tous les genres mais qui surtout met à l’honneur son héros hors du commun : Alper Kamu, détective à ses heures, mais surtout gamin un peu perdu dans une famille dysfonctionnelle.

  Le récit qui se déroule en Turquie mêle enquête policière (bon, c’est surtout Alper qui enquête en s’immisçant dans la vie des gens !) et chronique familiale avec une bonne d’humour grinçant pour faire bonne mesure. Le ton se veut corrosif et marginal, la narration étant faite par le garçonnet qui ne mâche pas ses mots. Manipulateur et beau parleur, Alper Kamu est un personnage truculent auquel on s’attache vite. Que ce soit lorsqu’il parle des psychoses de ses pairs ou lorsqu’il tire des conclusions sur une enquête en prenant connaissance de deux ou trois éléments, on ne peut s’empêcher d’être suspendu à ses lèvres. Même lorsque celui-ci bâtit des châteaux en Espagne à propos de sa nourrice dont il s’est amouraché.

  En toile de fond, la Turquie et ses particularités. Avec son quotidien pas toujours rose, ses frictions entre quartiers et ses mariages de raison. Les parties où Alper parle de sa famille et où il enquête sur le mystérieux amour de son oncle sont les plus touchants. L’air de rien, le petit garçon se montre fragile lorsqu’il mentionne son père, même s’il s’en défend (bien entendu). Et la fin du roman jette un froid sur sa vie de famille. C’est très bien amené. La plume d’Alper Canigüz est enlevée, son petit protégé usant bien souvent d’un langage châtié qui détonne dans la bouche d’un enfant. Le récit est dynamique, les chapitres courts et Alper, avec son babillage ne nous laisse pas une minute de répit. A découvrir !

Verdict : Bonne pioche

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Marcus SAKEY – Les Brillants, tome 1

les brillantsTitre original : Brilliance (2013)
Traduit par : Sébastien Raizer
Date de publication : 18/02/2016
Editions : Folio Policier
ISBN : 978-2-07-046831-7
Nbr de pages : 568
Prix constaté : 8.20€

Résumé :
Dans le Wyoming, une petite fille perçoit en un clin d’œil les secrets les plus sombres de tout un chacun. À New York, un homme décrypte les fluctuations des marchés financiers et engrange 300 milliards de rofit en une semaine. À Chicago, une femme maîtrise le don d’invisibilité en sachant d’instinct se placer là où personne ne regarde. On les appelle les «Brillants», et depuis les années 1980 1 % de la population naît avec ces capacités aussi exceptionnelles qu’inexplicables.
Nick Cooper est l’un d’eux : agent fédéral, il a un don hors du commun pour traquer les terroristes. Sa nouvelle cible est l’homme le plus dangereux d’Amérique, un Brillant qui fait couler le sang et tente de provoquer une guerre civile entre surdoués et normaux. Mais pour l’arrêter, Cooper va devoir remettre en cause tout ce en quoi il croit, quitte à trahir les siens.

Impressions :
Un roman avec des superpouvoirs, du suspense et une touche d’espionnage, il n’en fallait pas plus pour m’intéresser. Ce premier tome des Brillants ne tient pourtant pas toutes ses promesses. Bien que les éditions Folio aient décidé de le publier dans leur collection « Policier » plutôt que SF (une bonne idée somme toute), j’avoue que j’ai été déçue que l’auteur n’exploite pas plus avant les capacités extraordinaires de ses personnages. Marcus Sakey s’intéresse plus à l’aspect thriller et infiltration de l’intrigue qu’au postulat de départ SF, ce que j’ai trouvé dommage tant le potentiel est immense.

  Au lieu de faire de ses « brillants » des êtres cartoonesques aux facultés surhumaines, l’auteur exploite un filon plus réaliste et en fait des êtres de génie, dont le cerveau est bien plus développé que l’humain lambda. Pas de boules de feu, d’yeux lasers ou de personnages se jouant de la gravité, ici on sait lire les auras, anticiper les mouvements, tracer des schémas dans son environnement. J’ai apprécié ce réalisme parce qu’il ancre plus facilement le lecteur dans cet univers pas si éloigné du nôtre. Un futur tangible et terrifiant qui voit naitre une nouvelle forme de terrorisme. Le parallèle avec X-Men et sa lutte entre humains « supérieurs » et humains normaux est tracé. Mais cela s’arrête là.

  Bien que l’auteur donne quelques pistes sur cette évolution, il n’approfondit pas vraiment le background et c’est dommage. Les scènes de traque et d’infiltration sont très enlevées, on s’imagine très bien tout ce petit monde sur le terrain. Coups de filet, attentats, interrogations musclées, tout est mis en place pour nous en mettre plein les yeux et filer à cent à l’heure. Si l’action est au rendez-vous, Marcus Sakey se ménage également des scènes plus quotidiennes qui nous permettent d’en apprendre plus sur l’agent Nick Cooper, le héros du roman. Bien que j’aie apprécié sa capacité à déchiffrer autrui et son amour pour sa famille, il m’a laissé un peu indifférente. Comme si je restais en retrait de son histoire, pas vraiment impliquée par ce qui lui arrive. La faute à un récit un peu aseptisé, la narration étant plus analytique qu’émotionnelle. Il manquait clairement le petit quelque chose selon moi. Un ressenti en demi-teinte donc.

Verdict : Roulette russe

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Claire KENDAL – Je sais où tu es

je sais où tu esTitre original : The book of you (2014)
Date de parution : 03/02/2016
Editions : Albin Michel
Collection : Spécial Suspsense
ISBN : 978-2-226-32283-8
Nbr de pages : 369
Prix constaté : 19.90€

Résumé :
Un matin, Clarissa se réveille dans le lit d’un collègue, sans aucun souvenir de ce qui l’a menée là. Bientôt cet homme fait de sa vie un cauchemar. Espionnée, traquée, harcelée, Clarissa doit faire face à une obsession toujours plus menaçante. Saura-t-elle s’en échapper avant qu’il ne soit trop tard ?

Impressions :
Rarement roman aura pu être aussi bien qualifié de suspense psychologique que celui-ci. « Je sais où tu es » est un huis-clos angoissant qui nous plonge dans l’enfer que vit Clarissa, victime de harcèlement de la part d’un collègue avec qui elle a partagé une nuit. Une nuit maudite qui lui revient par bribes et qui la poussera dans une spirale infernale d’angoisse et de peur. Le récit qui possède deux arcs narratifs différents, alterne entre les extraits du journal intime écrit par Clarissa pour garder une trace de chaque action de son harceleur et son présent où elle est jurée dans un procès pour viol. Le parallèle entre la victime du procès auquel elle assiste et elle-même est vite tiré et on se surprend à remarquer les similitudes malgré deux affaires foncièrement différentes. Car toujours, c’est la parole de la victime qui est mise en doute, avec cette question inadmissible qui revient souvent « Ne l’avez-vous pas cherché ? » « N’étiez-vous pas consentante ? ». NON.

  Bien que le début du roman soit parfois difficile à suivre à cause d’une chronologie des faits pas toujours respectés et des bonds en avant assez abruptes, on se retrouve vite agrippé au roman, angoissé par ce que vit Clarissa. De prime abord un peu passive, on comprend rapidement que l’héroïne ne fait que suivre les directives des brochures anti-harcèlement, brochures qui nous accompagnent tout le long, l’héroïne s’y référant souvent comme une espèce d’exutoire qui lui promettrait une fin heureuse. Au fur et à mesure que les jours puis les semaines passent, ce sentiment de perte de contrôle sur sa vie devient de plus en plus prégnant. Toujours regarder par-dessus son épaule, épier derrière son rideau pour savoir s’il est là, renoncer aux sorties entre amis, aux chemins à pied et à toutes les activités de la vie quotidienne. Tout ça devient pesant et le récit se fait anxiogène, surtout lors des passages où Rafe, le harceleur, est physiquement proche d’elle.

  La grande force de Claire Kendal est de nous immerger complètement dans le récit en nous identifiant à l’héroïne à l’aide des fameux extraits de journal intime. Comme elle, on se sent épié. Comme elle, on se sent harcelé. Comme elle, on se sent amputé de sa vie. On vit lit la peur au ventre. L’auteure décrit également très bien l’obsession grandissante que ressent Rafe pour Clarissa. Un esprit malade qui prend ses désirs pour des réalités et qui s’imagine être aimé. Au point de prendre à partie ses proches, de manière à l’isoler complètement, pour mieux l’acculer tel un chasseur chassant sa proie. J’en ai eu des frissons de dégoût parfois. Ce mécanisme d’obsession est très bien rendu. De même que le laissez-faire assez commun de la police qui n’agit qu’une fois un nombre de preuves phénoménales accumulées. Et encore, souvent trop tard. Bref, un très bon roman psychologique, plein de tension et à l’atmosphère étouffante.

Verdict : Avec les honneurs

rock