Archives de Tag: 2nde guerre mondiale

Eliza GRANVILLE – Gretel and the dark

gretel and the darkTitre original : Gretel and the dark (2014)
Date de parution : 06/03/2015
Editions : Mirobole
Collection : Horizons pourpres
ISBN : 979-10-92145-37-3
Nb. de pages : 440 pages
Prix constaté : 22€

Résumé :
Voici la sombre et fascinante histoire de deux mondes parallèles. Vienne, à la fin du XIXe siècle. Josef Breuer – célèbre psychanalyste – est sur le point d’être confronté au cas le plus énigmatique de sa carrière. Trouvée près d’un asile d’aliénés, maigre, la tête rasée, la jeune fille prétend n’avoir pas de nom, pas de sentiments – être, en fait, une machine revenue pour tuer le Monstre. Intrigué, Breuer est déterminé à comprendre les racines de ses maux.
Quelque part en Allemagne, bien des années plus tard. Krysta est une petite fille dont la mère a mis fin à ses jours et qui tyrannise ses gouvernantes et son père, médecin dans un étrange dispensaire… Plongée dans le souvenir des contes de fées que lui racontait sa nounou d’antan, elle lutte pour trouver sa place quand, un matin, on découvre son père mort étranglé dans son lit. Désormais, la fillette est véritablement seule au monde, sans rien ni personne pour la protéger.

Impressions :
Encore un roman étonnant déniché par les éditions Mirobole, qui décidément ne cessent de me surprendre (agréablement s’entend). Petit conseil personnel si vous voulez découvrir ce roman et l’apprécier à sa juste valeur, ne lisez pas l’intégralité de la 4ème de couverture qui en révèle beaucoup trop (j’ai tronqué le résumé ci-dessus, pas d’inquiétude). Au-delà de la maquette plaisante en raccord avec le récit et qui annonce assez clairement la couleur, « Gretel and the dark » plaira aux amateurs de contes horrifiques. De ceux que l’on se raconte au coin du feu pour se faire peur, mais surtout de ceux des frères Grimm, avec leur morale ambigüe et leurs histoires à vous glacer les sangs. Le roman d’Eliza Granville est une incitation au voyage, dans un univers fantastique où chaque détail a son importance et possède une portée symbolique. Bienvenue dans un univers onirique envoûtant qui vous emmènera à votre insu dans le pouvoir de l’imagination.

  « Gretel and the dark » est une invite à l’imagination, au monde des rêves où l’on se réfugie en désespoir de cause pour échapper à une réalité trop cruelle. Le récit entremêle deux histoires, celle d’une jeune fille découverte dénudée et le crâne rasée dans une ruelle dans l’Autriche de la fin du 19ème siècle et celle de Krysta, une gamine tyrannique qui vit avec un père au comportement étrange, entourée d’une foule de serviteurs pas toujours aimables. Dans les deux récits, c’est le suspense qui prime. Dans l’un on s’interroge sur l’identité de la jeune fille, sur ce qui lui est arrivé, dans l’autre c’est le mystérieux travail du père de Krysta qui nous interpelle. Ce que l’on croit deviner, on essaye de l’interpeller par le biais des phénomènes étranges qui se produisent ainsi qu’à travers les histoires terrifiantes de la nounou de Krysta. Si l’on prête suffisamment attention aux messages cachés, la réalité finit peu à peu par nous apparaitre dans toute son horreur…

  La grande force du roman d’Eliza Granville repose sur sa narration double, qui mêle réalité et fiction, horreur et espoir, lutte et fuite. La plume de l’auteure a quelque chose de fascinant et d’hypnotique, on se retrouve tels les papillons de nuit qui envahissent le roman et sont attirés par la lumière. On est happé par l’étrangeté du récit, par le mysticisme juif qui pointe le bout de son nez et par le côté sordide qui transpire de celui-ci. Eliza Granville possède cette « magic touch » qui rend un roman inoubliable parce que symbolique et éclairé. L’auteure nous offre une plongée dans un univers aux allures fantastiques et terrifiantes, peuplé de comportements étranges, de contes horribles et de personnages terrifiants. Où se cache la vérité ? Quel point commun y a-t-il entre les deux récits ? Si certains éléments nous mettent la puce à l’oreille, la fin n’en est pas moins une surprise. Un roman psychologique et fantastique d’une finesse rare.

Verdict : Avec les honneurs

rock

Robert ALLISON – Lettres mortes

lettres mortesTitre original : The letter bearer (2014)
Traduit par : Isabelle D. Philippe
Paru le : 30/10/2014
Editions : Denoël
Collection : & D’ailleurs
ISBN : 978-2-207-11621-0
Nbr de pages : 296
Prix constaté : 22€

Résumé :
1942, au beau milieu du désert libyen. Un jeune soldat anglais reprend connaissance, sa moto totalement détruite à quelques mètres de lui. Il a sauté sur une mine et est grièvement blessé. Une musette pleine de lettres gît à ses côtés. Il ne se souvient de rien, ni de qui il est, ni pourquoi il se retrouve dans cet endroit. À la surprise de tous, il se remet peu à peu de ses blessures et occupe sa convalescence à lire les missives. L’une d’entre elles le touche particulièrement : celle qu’un lieutenant, Tuck, a écrite à la femme aimée. Le jour où une tribu de Bédouins attaque le campement, le jeune amnésique saisit l’occasion de changer d’identité et d’endosser celle de Tuck. Il va s’inventer une vie rêvée.

Impressions :
« Lettres mortes » est un roman contemporain sur fond historique qui suit pendant un court laps de temps la vie de soldats paumés au beau milieu du désert libyen pendant la seconde guerre mondiale. Si ce n’est pas le genre de récits vers lequel je me tournerais habituellement, j’y ai fait de belles découvertes comme «Le chemin des âmes » de Joseph Boyden. L’histoire de ce soldat amnésique qui usurpe l’identité d’un soldat disparu parce qu’il a été ému par une lettre qu’il transportait me semblait porteur de tout un tas d’émotions. Malheureusement, je n’ai pas du tout été transportée par ce roman, que j’ai trouvé lourd dès les premières pages, avec un style un brin présomptueux (ça démarrait mal).

  Le style et la narration me plaisait si peu que j’ai lu le roman en diagonale, peu intéressée par la destinée de ce jeune soldat anglais. Le récit est pourtant plutôt court mais il manque de dynamisme et ne véhicule pas beaucoup d’émotions. On se sent sans cesse en dehors de l’histoire, peu touché par le héros et par ce qui lui arrive. Malaise en partie expliquée par la manière dont a l’auteur de rester en retrait, à la façon d’un narrateur externe qui ne fait que rapporter des faits. Sans parti pris ni sentiments. Et quand Robert Allison s’essaie à la réflexion dans une débauche de métaphores et de grandiloquence, ça tombe carrément à plat à cause de son style pompeux… Bref, je suis complétement passée à côté de ce roman qui n’a pas réussi à m’émouvoir et qui m’a paru « froid ».

Verdict : Pas ma tasse de thé

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Kristin HARMEL – L’heure indigo

l'heure indigoTitre original : The Sweetness of Forgetting (2012)
Traduit par : Christine Barbaste
Date de parution : 18/09/2014
Editions : Denoël
ISBN : 978-2-207-11395-0
Nbr de pages : 423
Prix constaté : 21.50€

Résumé :
A Cape Cod, Hope s’affaire derrière les fourneaux de la pâtisserie qu’elle a hérité de sa grand-mère, mais entre la rébellion de sa fille, son récent divorce et ses soucis financiers, elle frôle parfois le burn out.
Aussi, quand sa grand-mère lui demande d’aller en France retrouver sa famille disparue pendant la guerre, Hope part-elle hésiter en quête de ce passé dont elle ignore tout…

Impressions :
Avec « L’heure indigo » de Kristin Harmel, on entre de plein fouet dans la chronique familiale à consonance historique, avec une pointe de romance juste ce qu’il faut, pour en faire un roman efficace et prenant. L’histoire tourne autour de Hope et de sa famille : ses relations ombrageuses avec sa fille Annie, ses difficultés financières dans la boulangerie familiale et les secrets enfouis de sa grand-mère qui souffre de la maladie d’Alzheimer. Si de prime abord, le récit semble se concentrer sur la vie quotidienne de Hope et de la mauvaise passe qu’elle traverse, la trame prend peu à peu une tournure plus historique avec le mystérieux passé de son aïeule qui a fui la France au début de la 2nde guerre mondiale. De quoi nous tenir en haleine le long de ses 400 et quelques pages que j’ai trouvées captivantes.

  Le ton pudique et juste de Kristin Harmel fait le charme de ce roman tranche de vie qui ne tombe jamais dans le mélodrame. Les sentiments des personnages sont convaincants, entre l’adolescente en colère après le divorce de ses parents et la mère de famille dépassée par ses obligations et sa vie de famille chaotique. Trop souvent, on en vient à s’agacer de tel ou tel personnage dont les émotions paraissent surjouées. Ici, rien de tout ça. J’ai été sous le charme de tout ce petit monde, des personnes comme vous et moi, qui apporte une authenticité rafraichissante. Le passé douloureux de la grand-mère Rose m’a beaucoup émue. C’est en quelque sorte un bel hommage à toutes ces familles détruites par la guerre. Preuve que le devoir de mémoire est important.

  De même, il semble évident que l’auteur a cherché à démontrer que le clivage entre les différentes religions n’a pas lieu d’être. Juifs, musulmans, catholiques, nous pouvons tous apprendre les uns des autres et créer des liens d’amitié. Un beau message. Puis vient le petit plus, les fameuses recettes de pâtisserie tirées de la boulangerie familiale. En partageant le secret de ces recettes avec nous, c’est un peu comme si Kristin Harmel nous intégrait dans la famille de Hope et Rose. C’est qu’on humerait presque les odeurs de pâtisserie au moment de leur sortie du four ! De quoi faire saliver le lecteur qui espère de tout son cœur que Hope pourra sauver la boutique familiale. Un beau roman à découvrir !

Verdict : Avec les honneurs

rock

David BENIOFF – La ville des voleurs

la-ville-des-voleursTitre original : City of thieves (2008)
Poche paru le : 04/09/13
Edition : J’ai Lu
ISBN : 978-2-290-05931-9
Nbr de pages : 410
Prix constaté : 7.60€

Résumé :
Leningrad, 1941. Arrêtés pour vol et accusés de désertion, deux adolescents, Lev et Kolya, attendent leur exécution au fond d’une cellule. Alors qu’ils se croient condamnés, on leur propose un étrange ultimatum : ils auront la vie sauve à condition de se procurer une douzaine d’oeufs pour le gâteau d’anniversaire de la fille d’un puissant colonel soviétique. Cette quête surréaliste, dans une ville en proie aux pires privations, va les entraîner de l’autre côté des lignes ennemies à la recherche de l’impossible.

Impressions :
Le nom de David Benioff vous dit peut être vaguement quelque chose, sans que vous réussissiez à mettre le doigt dessus… Pas étonnant car ce nom apparait régulièrement dans le casting de séries tv à succès (Game of thrones par exemple) ou de films. Il s’agit d’un scénariste très apprécié Outre-Atlantique, qui n’a jusqu’à présent, écrit que deux romans. « La ville des voleurs » est une fiction historique qui s’inspire de la vie du grand-père de l’auteur, qui a vécu en Russie à l’époque de la seconde guerre mondiale. Période qui a plongé le pays dans une grande famine et le chaos le plus total.

  Réalité historique ou pas, je ne saurai évidemment pas vous dire, n’étant pas spécialiste de l’époque mais le roman est très évocateur et s’imprime avec une facilité déconcertante dans notre esprit. On sent la patte du scénariste qui sait comment insuffler la vie à son histoire. Le roman se déroulant à une époque très difficile, certains passages sont particulièrement pénibles et laissent le lecteur le cœur au bord des lèvres. Oui, le récit est éprouvant mais prend aux tripes, si bien que l’on passe par toute une palette d’émotions diverses. Peur, joie, dégoût, espoir… C’est toute la magie d’un récit saisissant.

  Malgré un contexte historique intense, David Benioff laisse de côté la grande histoire pour s’intéresser plus spécialement aux conditions de vie déplorable des russes pendant la guerre. La famine avait projeté son ombre sur tout un territoire, les gens étant contraints aux pires bassesses dans l’espoir de survivre juste un jour de plus. Les combines pour tromper la faim étaient nombreuses et le plus souvent dangereuses, voire carrément mortifiantes. Le désespoir laissait le champ libre au fameux système D : racler la colle dans les livres pour en faire des espèces de bonbons, faire bouillir le cuir des chaussures, récupérer l’huile de moteur pour en filtrer un semblant d’alcool pour tenir face au froid, etc. Puis, dans l’ombre, des combines plus ignobles se dessinaient : s’attaquer aux animaux de compagnie, aux morts voire… aux vivants. Je vous laisse imaginer l’horreur de ces scènes.

  Entre deux scènes d’une horreur indescriptible, des passages plus légers font place. Il ne faut pas oublier que le duo improbable qui rythme le récit, j’ai nommé Lev et Kolya, a été réuni par un concours de circonstances des plus loufoques. Nos deux pauvres compères, pour échapper à une exécution sommaire, ont accepté une mission chimérique : celle de trouver des œufs pour le gâteau de mariage de la fille d’un haut gradé. Dans le cas présent, la dernière plume de poule étant un doux souvenir, autant dire qu’ils ne sont pas tirés d’affaire… Heureusement cette quête inepte permet au récit de ne pas s’enfermer dans un univers sordide. Lev et Kolya qui s’entendent comme chien et chat au départ, se lancent dans des joutes d’esprit et des blagues foireuses (surtout Kolya) qui relâchent la tension. Kolya est l’antithèse de Lev. Si le premier est un beau parleur, le second est un taiseux. Quand le premier est le tombeur de ces dames, l’autre est timide et maladroit. On finit assez facilement à se prendre d’affection pour ces héros. Plus le roman progresse et plus l’humour de Kolya, éternel optimiste, parait forcée. Comme pour appuyer le côté illusoire de cette quête stupide. La fin, déchirante, caustique et irréelle apporte la touche finale à un récit qui aura su me secouer. A découvrir.

Verdict : Nuit blanche

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Connie WILLIS – Blitz, tome 2 : All Clear

blitz2Titre original : Blitz, book 2: All clear
Paru le : 23/08/2013
Edirtion : Bragelonne
ISBN : 978-2-35294-633-5
Nbr de pages : 719
Prix constaté : 25€

Résumé :
Londres, 29 décembre 1940 : l’une des nuits les plus meurtrières du Blitz. Pris au coeur de l’un des pires raids de l’époque, les historiens du futur Michael, Merope et Polly cherchent désespérément à revenir au XXIe siècle. En attendant de trouver un moyen de s’échapper, le trio tente de survivre aux bombardements et aux évacuations, mais il y a plus grave encore: d’après les archives oxfordiennes de 2060, il semblerait que leurs interventions aient modifié le cours des événements et la guerre pourrait bien se terminer autrement, bouleversant l’Histoire à jamais.
Quelle que soit l’ampleur des sacrifices exigés, les voyageurs du futur doivent s’engager dans un combat acharné contre le temps.

Impressions :
Enfin terminé les deux pavés qui complètent ce diptyque que j’ai enchainé à la suite. Mon sentiment une fois la dernière page tournée, c’est que Blitz aurait pu tenir sur un tome unique, de bonnes grosses coupes n’auraient pas été de trop. Au contraire, l’intrigue aurait pu y gagner au change. En terme de rythme et de suspense, l’ensemble s’étirant en longueur au point que des redondances nous sautent aux yeux. Pourtant le sujet de la seconde guerre mondiale est vaste et cette immersion dans le quotidien des Londoniens de l’époque alimente bien le moulin. Le concept du paradoxe temporel (les actions de nos historiens en herbe bouleverseront-ils le cours de l’histoire ?) est aussi un sujet qui permet plein de choses et il y avait matière à scinder le roman en deux tomes. Je repoche à Connie Willis de ne pas avoir su agencer le tout pour que l’ennui ne pointe jamais le bout de son nez. Comme si elle n’avait pas su doser les divers éléments (la petite et la grande Histoire avec l’aspect SF). Le mieux aurait peut-être été d’écrire un roman historique et de laisser tomber toute la partie SF, qu’elle n’a pas su mener avec passion.

  Ça saute d’ailleurs aux yeux dans la manière d’être de ses personnages qui n’ont d’historiens que le nom. Les pauvres rament totalement dans la semoule. Ne devraient-ils pas être archi-documenté ? Connaitre leur sujet sur le bout des doigts ? On les voit beaucoup s’inquiéter des erreurs temporelles mais pas beaucoup du pourquoi du comment finalement. Comme s’ils étaient là en touriste et que l’époque n’était pas dangereuse. Les interrogations dont ils nous abreuvent finissent par nous saouler. Heureusement la deuxième partie est beaucoup plus intéressante et l’histoire décolle enfin. Connie Willis sait faire preuve de talent lorsqu’elle nous plonge dans l’ambiance anxiogène de l’époque. On est saisi par le réalisme de la reconstitution et par les émotions qui nous submergent. Les personnages secondaires n’y sont pas étrangers et montrent une force de caractère que n’a pas forcément notre trio principal.

  Bref, un pitch de départ intéressant mais un mauvais dosage des divers éléments de l’intrigue font que le tome nous paraît poussif et parfois un peu répétitif. Le quotidien décrit avec beaucoup de réalisme et la grande connaissance de l’auteur des petits détails de l’époque se révélent par contre très prenant, et font que l’on s’accroche jusqu’à la dernière ligne droite. Captivant par bien des aspects mais pas exempt de défauts non plus. C’est d’autant plus rageant car Blitz possède un potentiel incroyable. À découvrir tout de même.

Verdict : Bonne pioche

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