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Gardner DOZOIS – L’étrangère

l'étrangèreIllustration de couverture : Jamy Van Zyl
Titre original : Strangers (1978)
Date de parution : 02/06/2016
Editions : ActuSF
Collection : Perles d’épice
ISBN : 978-2-36629-814-7
Nbr de pages : 262
Prix constaté : 18€

Un extrait par ici !

Résumé :
La première fois que Joseph Farber vit Liraun Jé Genawen, il la trouva pleine de mystères. C’était durant l’Alàntene, « la Pâque du solstice d’hiver, l’Ouverture-des- Portes-de-Dûn » sur la planète Lisle. Pour l’extraterrestre, Farber bravera tous les interdits et tabous, jusqu’à se faire modifier génétiquement pour pouvoir s’unir à elle. Et pourtant, comme toutes les plus grandes histoires d’amour, leur idylle connaîtra une fin tragique…

Impressions :
Ce roman datant de 1978, on pourrait craindre un style vieillot et une histoire passée de mode dont le message ne parviendrait plus à nous toucher. Pourtant, c’est tout le contraire. « L’étrangère » est un récit universel, celui de Farber et Liraun, un Terrien et une Cian, qui choisiront de s’aimer malgré leurs différences et l’adversité. Une histoire d’amour loin des romances sirupeuses, qui place en son cœur les problèmes de communication, les disparités ethniques et l’incompréhension qui naissent entre deux êtres foncièrement opposés. Une tragédie dans la grande veine de Roméo et Juliette, qui connaitra une fin tout aussi tragique.

  La grande force de Gardner Dozois, c’est de ne pas s’étendre sur la dimension « romantique » de l’histoire de Farber et Liraun, mais plutôt de se concentrer sur tous les problèmes que soulève leur union. Incompréhension de la part des proches des deux côtés, divergences de croyances et de modes de vie pour les deux amants qui ne dialoguent pratiquement pas tout au long du roman. Chacun semble finalement tourné vers lui-même, projetant ses convictions à l’aune de son éducation – terrienne ou cian -, ne cherchant pas vraiment à s’impliquer dans la culture de l’autre. Des étrangers, tout du long. Jamais titre n’aura aussi bien porté son nom.

  L’autre point fort du récit, c’est l’aspect ethnique et sociétal qui est mis en avant par l’auteur. La découverte des peuplades indigènes sur Weinunach/Lisle, là où Farber s’est installé suite à l’expansion spatiale, est développée avec beaucoup de soin. Le choc des cultures entre cians et terriens est indéniable. Mais là où les humains aiment à s’épancher, les cians restent très secrets, sûrs de leur supériorité sur les humains. Il y a un petit air de colonialisme avec l’arrogance dont font preuve les uns et les autres, qui se jugent plus évolués, plus éclairés qu’autrui. L’aspect SF ne choque pas tant que ça, le récit offrant de nombreux parallèles avec notre Histoire. Seul bémol pour cet incroyable récit, une narration qui peine un peu à se mettre en place. Même si elle s’explique par l’ambiance que cherche à installer Dozois, toute en poésie et en observation. Bref, un texte à redécouvrir !

Verdict : Avec les honneurs

rock

Karim BERROUKA – Le club des punks contre l’apocalypse zombie

le club des punks contre l'apcalypse zombieIllustration de couverture : Diego Tripodi
Date de parution : 04/05/2016
Editions : ActuSF
ISBN : 978-2-36629-816-1
Nbr de pages : 413
Prix constaté : 18€

Un petit extrait ?

Résumé :
Paris n’est plus que ruines.
Et le prix de la cervelle fraîche s’envole.
Heureusement, il reste des punks.
Et des bières.
Et des acides.
Et un groupe électrogène pour jouer du Discharge.
Le Club des punks va pouvoir survivre à l’Apocalypse.
Enfin, si en plus des zombies, les gros cons n’étaient pas aussi de sortie…

Il est grand temps que l’anarchie remette de l’ordre dans le chaos !

Impressions :
Ce roman est jubilatoire ! Que dis-je, c’est un défouloir. Un exutoire ! Dans quel autre roman pourrait-on voir une Christine Boutin zombifiée qui se prend des tartes dans la gueule ? Hum ? Des membres du MEDEF se faire lyncher par une armée zombie ? Bah non, personne n’avait jamais osé. Mais Karim Berouka l’a fait. N’est-ce pas là le but ultime de l’imaginaire ? Inventer tout ce que l’on souhaite, quitte à réinventer, à utiliser des lieux connus, à s’approprier notre réalité pour mieux la réaménager comme on l’entend ? Quitte à partir dans des délires anarcho-mystico-punk complétement irrévérencieux ? Qu’on se le dise, l’apocalypse zombie ne se fera pas sans le retour de la revanche des groupes punk ! (qu’en voilà une belle phrase).

  Je me suis régalée à suivre les délires mystico-punk de ces anti-héros catapultés dans un Paris contemporain où les zombies ont envahi les rues, au grand dam des classes dirigeantes. L’apocalypsie zombie vu par Karim Berrouka se fait à base de musique punk, de zombies écrasés, de tripailles et de militantisme revanchard. L’heure des représailles des keupons a sonné et attention ! Ça va saigner, fumer, se révolter, délirer (rayer la mention inutile). Notre petit groupe du collectif 25 n’a rien de ces gentils groupes d’amis que l’on voit habituellement dans ce genre de récit et qui essayent de rester en vie coûte que coûte. Non, le collectif 25 constitué d’un anarchiste, d’une militante écolo, d’un freegan fan de culture zombie et de deux keupons complètement givrés ont décidé de prendre leur revanche sur la classe dirigeante en faisant flotter le drapeau de l’anarchie sur Paris ! Bien installés dans leur squat retranché, ils s’inquiètent plus d’un possible manque de binouze et de fumette que de nourriture… On est loin du post-apo de base.

  Karim Berrouka joue avec les ficelles du genre, qu’il mixe à sa grande culture punk, pour nous offrir un divertissement culotté et délirant à contre-courant des post-apo horrifiques. C’est un peu l’apocalypse zombie version Monty Python, avec tout le côté absurde que le roman dégage. Les délires hallucinatoires dans lesquelles tombent les personnages à tour de rôle et l’influence pernicieuse de la musique sur nos amis en décomposition sont autant d’éléments qui nous prouvent que l’auteur ne se prend pas au sérieux. Le récit n’en est pas pour autant dénué de message, l’auteur réglant quelques comptes de-ci de-là (ah ! France Télévisions et ses émissions subliminales !), mais c’est surtout un roman drôle et farfelu bourré de références à la culture punk. Politiquement incorrect, « Le club des punks contre l’apocalypsie » est un trip hallucinatoire 100% pur jus, avec grand risque d’addiction. Vous voilà prévenus !

Verdict : Avec les honneurs

rock

Jeanne-A. DEBATS – Testament, tome 2 : Alouettes

testament 2Illustration de couverture : Damien Worm
Date de parution : 31/03/2016
Editions : ActuSF
Collection : Les 3 souhaits
ISBN : 978-2-36629-803-1
Nbr de pages : 438
Prix constaté : 19€

Résumé :
Je m’appelle Agnès, et je suis orpheline. Ah ! Et sorcière, aussi. Mon oncle m’a engagée dans son étude notariale. Ne croyez pas que le job soit ennuyeux, en fait, ce serait plutôt le contraire. En ce moment, tout l’AlterMonde est en émoi à cause d’une épidémie de Roméo et Juliette. Imaginez : des zombies tombant amoureux de licornes, des vampires roucoulant avec des kitsune, des sirènes jurant un amour éternel à des garous. Et tout ce beau monde défile dans notre étude pour se passer la bague au doigt. Mais la situation commence à sérieusement agacer les hautes autorités. Et comme l’AlterMonde n’est pas Vérone, à nous de faire en sorte que cette fois l’histoire ne se termine pas dans un bain de sang…

Impressions :
Quel plaisir de retrouver Agnès dans ce second tome de Testament, avec sa gouaille, ses sentiments ambivalents envers le beau Navarre et son travail pas de tout repos au cabinet de notaire de son oncle ! Une héroïne qui me plait parce que ce n’est ni une cruche, ni une badass. Elle a ses failles, son franc-parler, et sait si bien être indécise quand il est question de la gente masculine. Sans compter que l’auteure la fait se débattre dans ce nouveau tome avec ses problèmes de poids et que du coup, on s’éloigne de l’héroïne super sexy que l’on voit partout, c’est assez rafraichissant.

  L’intrigue gravite autour d’un artefact un peu… spécial dirons-nous, qui fait tomber les membres inter-espèces amoureux à la manière de Roméo et Juliette (lutte de clans et tutti quanti) et du coup le karma s’en mêle. Je salue l’imagination de l’auteure ainsi que son sens de l’humour, il fallait oser quand même ! Entre le panthéon des dieux et autres créatures fantastiques visitées et le côté technologique et moderne du club où se connectent nos amants maudits en puissance, on peut dire qu’Alouettes est le récit d’urban fantasy par excellence. Du sexe, oui, mais tourné en dérision avec malice par l’auteure. Le mix de tout ce bestiaire fantastique (kitsune, satyre, kère…), quel que soit leur origine, fonctionne vraiment bien, les pages défilent à une allure folle !

  Si l’intrigue est rondement menée et nous tient parfaitement en haleine, c’est surtout la plume de Jeanne-A Debats (et le langage cash de ses personnages) qui me plait. La propension d’Agnès à user de métaphores et autres comparaisons pour décrire le monde qui l’entoure, est ce qui, selon moi, fait l’identité de ce cycle. Il n’y a qu’à lire la manière dont elle décrit son oncle au caractère calme en apparence mais explosif si on le cherche, pour se payer des tranches de rire. L’auteure manie la langue française avec beaucoup de verve mais aussi beaucoup d’érudition je trouve, c’est un vrai régal à lire ! Et bien sûr le mystérieux Navarre et sa relation ambiguë avec notre héroïne n’est pas pour me déplaire ! Agnès finira-t-elle pas succomber ? J’ai hâte de le découvrir dans le troisième (et dernier normalement) tome du cycle de « Testament ».

Verdict : Avec les honneurs

rock

Damien SNYERS – La stratégie des as

la stratégie des asIllustration de couverture : Dogan Oztel
Date de parution : 05/02/2016
Editions : ActuSF
ISBN : 978-2-36629-801-7
Nbr de pages : 244
Prix constaté : 18€ (version numérique : 5.99€)

Résumé :
Pour vivre, certains choisissent la facilité. Un boulot peinard, un quotidien pépère. Humains, elfes, demis… Tous les mêmes. Mais très peu pour moi. Alors quand on m’a proposé ce contrat juteux, je n’avais aucune raison de refuser. Même si je me doutais que ce n’était pas qu’une simple pierre précieuse à dérober. Même si le montant de la récompense était plus que louche. Même si le bracelet qu’on m’a gentiment offert de force risque bien de m’éparpiller dans toute la ville. Comme un bleu, j’ai sauté à pieds joints dans le piège. L’amour du risque, je vous dis. Enfin… c’est pas tout ça, mais j’ai une vie à sauver. La mienne.

Impressions :
Cela faisait bien longtemps que je n’avais pas lu une histoire de voleurs en fantasy et « La stratégie des as » avec ses personnages hétéroclites me semblait une bonne pioche pour renouer avec ce genre que j’aime tant. Damien Snyers, nouveau venu dans la sphère littéraire, livre un récit complet qui brasse de nombreuses thématiques que l’on a peu l’habitude de voir en fantasy (voire pas du tout). Bien que « La stratégie des as » soit une aventure de bout en bout et joue sur l’aspect « souffle romanesque », il y est également fait mention de vieillesse, de maladie et de tolérance. Ce qui rend le récit très humain car malgré ses personnages fantastiques (troll, elfe, demi), on se sent proche de leurs soucis et de leur monde.

  Côté histoire, Damien Snyers nous livre un récit dans la plus pure tradition des maitres cambrioleurs avec la mise en scène du casse du siècle. Bon, peut-être rien d’aussi grandiose, la discrétion étant de mise ! Nos voleurs sont sensés dérober le rein d’Isis, un joyau très mystérieux, semant les morts sur son passage. Le récit se déroule de la préparation du casse à son aboutissement, tout n’allant bien sûr pas sur des roulettes. Si l’intrigue est sympathique bien que plutôt classique, la narration manque sérieusement de peps. Dans ce type de récit, il faut que tout aille vite, que les enchainements et les quiproquos se multiplient, or j’ai trouvé l’intrigue assez peu dynamique dans l’ensemble. Ce qui est plutôt étonnant, le récit se faisant à la première personne du singulier et qu’en général ce choix narratif apporte un certain élan au récit.

  L’univers développé mélange fantasy et steampunk mais reste malheureusement un peu trop en retrait tout au long de l’histoire. J’aurais aimé en apprendre plus sur ce XIXème siècle imaginaire, avec son contexte politique, social et géographique. La pluralité culturelle où trolls, elfes et humains se côtoient mais sans jamais se mélanger. On sent tout le potentiel de ce Nowy-Krakow, ce qui est d’autant plus dommage. Les personnages sont réussis et malgré leurs différences, se complètent joliment. Mon personnage préféré reste Jorg, le troll, qui malgré son air peu avenant cache un cœur d’or. Il reste une part d’ombre chez ce héros qui m’a beaucoup intrigué. James, malgré son statut de narrateur, ne m’a pas fait grande impression. Je l’aurais préféré plus gouailleur, un plus affirmé peut-être. L’humour, c’est vraiment ce qui m’a manqué dans ce roman. Il y en a bien quelques touches de-ci de-là mais ça reste discret.

  Bref, un premier roman sympathique avec une intrigue et une fin réussie mais qui manque de complexité et de peps. Les thèmes abordés sont le gros point fort du récit, preuve s’il en est besoin que la fantasy peut faire réfléchir. Des personnages agréables mais qui ne se démarquent pas vraiment (à part Jorg) et un humour que j’aurais aimé plus présent. Un auteur à suivre.

Verdict : Bonne pioche

bonne-pioche

Claire KRUST – Les Neiges de l’éternel

les neiges de l'éternelIllustration de couverture : JungShan Chang
Date de parution : 21/08/2015
Editions : ActuSF
Collection : Les trois souhaits
ISBN : 2917689927
Nbr de pages : 344
Pris constaté : 18€
Existe en ebook à 5.99€

Résumé :
Dans un Japon féodal fantasmé, cinq personnages racontent à leur manière la déchéance d’une famille noble. Cinq récits brutaux qui voient éclore le désespoir d’une jeune fille, la folie d’un fantôme centenaire, les rêves d’une jolie courtisane, l’intrépidité d’un garçon inconscient et le désir de liberté d’un guérisseur. Le tout sous l’égide de l’hiver qui s’en revient encore.

Impressions :
Premier roman d’une jeune lilloise qui allie un Japon féodal poétique et fantasmé à la pure tradition des histoires de fantômes chinois. Une merveille de sensibilité et d’élaboration, qui force le respect pour un premier essai. Si vous aimez les nouvelles mais que vous n’aimez pas leur aspect limité qui ne permet pas de développer un univers plus avant, « Les neiges de l’éternel » devrait vous plaire. Car il s’agit d’un recueil structuré autour d’un même univers, que l’auteure exploite à travers différents personnages et diverses époques, navigant de l’un à l’autre par des passerelles subtiles, un fil d’Ariane reliant les protagonistes entre eux.

  Perdus dans les méandres d’un hiver glaçant à souhait, saison qui s’apparente à un personnage à part entière tant l’influence pernicieuse de celui-ci semble décisive, les protagonistes se débattent avec la maladie mais aussi avec leurs peurs les plus secrètes. Quel point commun y a-t-il entre un fantôme, une fille de daimyo, un jeune garçon très malade, un guérisseur et une courtisane ? Quel puissant lien les unit ? Les cinq récits que l’on peut lire indépendamment se combinent pour mieux nous laisser appréhender un univers fantastique consciencieusement élaboré. Cinq voix, cinq personnalités qui chacune à leur manière apporte un nouvel éclairage sur cet hiver perpétuel, sur ce Japon qui balance entre féodalité et mysticisme.

  La plume de Claire Krust est envoûtante et parvient à nous immerger dans les frimas de l’hiver, un courant d’air froid semblant à chaque instant peser sur notre nuque. Outre de belles descriptions, l’auteure met en place un univers qui prend appui sur la culture japonaise, avec ses croyances, sa société de l’époque féodale et de nombreuses autres petites références. Pas forcément poussé, l’auteure cherchant principalement à présenter sa vision d’un Japon chimérique, ce contexte permet au lecteur de se focaliser sur les émotions qui se dégagent de ces cinq textes. Deuil, solitude, amitié, éternité, foi… L’auteur explore des sentiers où point la tristesse et la poésie. Mon seul regret ? J’aurais aimé en savoir plus sur Yuki et sur le devenir des autres personnages. Un premier roman trsè réussi.

Verdict : Avec les honneurs

rock