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George MORIKAWA & NOBUMI – Je reviendrai vous voir

Je-reviendrai--vous-voirTitre vo : Ai ni Iku Yo (2014)
Traduit par : Tetsuya Yano
Date de parution : 28/05/2015
Editions : Akata
ISBN : 978-2-36-974056-8
Nbr de pages : 152
Prix constaté : 6.95€

Pour lire un extrait, c’est par ici !

Résumé :
Nobumi est un jeune père de famille. Il est surtout auteur de livres illustrés destinés aux enfants. À l’instar de nombreux japonais, il sera, le 11 mars 2011, choqué à vie par la triple catastrophe qui s’abat sur son pays. Un peu naïf, et le cœur empli d’espoir, il décide alors d’envoyer gratuitement plusieurs milliers d’ouvrages jeunesse (dont les siens) pour distraire les enfants de la zone sinistrée. Mais quand il annoncera son don sur son blog, les réactions des internautes seront pour le moins… violentes ! Choqué et meurtri jusqu’au plus profond de son âme, Nobumi va alors vivre une véritable crise artistique, dont une seule issue sera possible : laissant pour plusieurs jours sa vie confortable de tokyoïte, il part en tant que bénévole volontaire, pour aider à la reconstruction de la zone sinistrée du nord est du Japon. Il y découvrira un paysage encore pire que tout ce qu’il avait pu imaginer…

Impressions :
« Je reviendrai vous voir » est un très beau manga social qui revient sur la catastrophe de Fukushima de 2011. Devoir de mémoire, c’est aussi une façon de montrer qu’il y a plus d’une façon de venir en aide aux sinistrés, que chaque petite action a son utilité. L’idée de départ vient de l’auteur d’album pour enfants Nobumi, qui raconte dans un petit livre les quelques jours qu’il a passé en tant que bénévole auprès de la population lors de la catastrophe. Il y raconte son expérience mais par-dessus tout explique ses motivations et la façon dont son implication a été perçue par certains japonais. Si toute aide est la bienvenue, en parler est parfois mal perçu, comme si l’on cherchait à profiter du malheur d’autrui. Les Japonais à ce propos sont très pudiques et n’aiment pas que l’on fasse étalage de toute marque de soutien.

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  L’histoire originale est alors reprise par George Morikawa, mangaka du célèbre Hajime no Ippo, qui met en scène avec le concours d’autres mangakas l’expérience humanitaire de Nobumi. Sa transposition en manga possède d’autant plus de poids que lui aussi s’est rendu à Fukushima en tant que bénévole. De manière très pudique, Morikawa dépeint les conditions de vie difficiles de la population, parfois livrée à elle-même, dont la vie se retrouve éparpillée sous les décombres. La boue charriée par la mer ainsi que les gravats enlisent les souvenirs des habitants. Ici, une photo de mariage, là le vélo d’un enfant. Comment reprendre goût à la vie quand l’on a tout perdu dans une catastrophe ? Les quelques témoignages de bonté prennent alors tout leur sens, surtout lorsque l’on a perdu un proche…

Capture

  En parallèle, l’auteur semble sans cesse se demander si ses actions sont utiles à la population. Que pourrait-il faire de plus ? Déblayer les rails d’un tronçon de chemin de fer à moitié détruit est-il futile ? Lire une histoire à un groupe d’enfants pour leur faire oublier leurs soucis ne serait-ce qu’un instant n’a-t-il aucun intérêt ? Vouloir apporter un peu de joie à cette population qui souffre, est-ce vraiment hypocrite ? Beaucoup de questions qui taraudent l’auteur qui aimerait en faire plus sans que ce ne soit perçu comme un acte opportuniste. C’est une belle leçon d’humilité et d’humanité que l’on prend à la lecture de « Je reviendrai vous voir ». Le trait de Morikawa est maitrisé et offre des pages bouleversantes où un simple regard peut émouvoir. Les quelques cases dessinées de-ci de-là par d’autres mangakas se fondent parfaitement dans le décor. Un manga authentique et saisissant à découvrir de toute urgence !

Verdict : Avec les honneurs

rock

Marc DUGAIN – Avenue des géants

avenue-des-géantsEdition : Folio
Paru le : 26/09/2013
ISBN : 978-2-07-045353-5
Nbr de pages : 420
Prix constaté : 7.70€

Résumé :

Al Kenner serait un adolescent ordinaire s’il ne mesurait pas près de 2,20 mètres et si son QI n’était pas supérieur à celui d’Einstein. Sa vie bascule par hasard le jour de l’assassinat de John Fitzgerald Kennedy. Plus jamais il ne sera le même. Désormais, il entre en lutte contre ses mauvaises pensées. Observateur intransigeant d’une époque qui lui échappe, il mène seul un combat désespéré contre le mal qui l’habite. Inspiré d’un personnage réel, Avenue des Géants, récit du cheminement intérieur d’un tueur hors du commun, est aussi un hymne à la route, aux grands espaces, aux mouvements hippies, dans cette société américaine des années 60 en plein bouleversement, où le pacifisme s’illusionne dans les décombres de la guerre du Vietnam

Impressions :
Basé sur un fait divers véridique, « Avenue des géants » nous narre la longue (psych)analyse d’un esprit malsain, rongé par de mauvaises pensées mais que son QI très élevé pousse toujours vers la justification. A l’aide d’un psychothérapeute, l’adolescent revient sur son passé, son enfance, la façon dont il a été élevé par ses parents, à la recherche d’une explication qui l’a conduit à abattre froidement ses grands-parents. Une manière d’appréhender un pur esprit psychotique, pourtant brillant, mais incapable de la moindre empathie envers autrui. Le texte de Marc Dugain est dérangeant parce qu’il se tend, si ce n’est à justifier les actes du tueur, à essayer de comprendre cette alchimie du mal… On en revient donc à son enfance, anarchique, violente, avec des modèles familiaux instables et écrasants pour un enfant. On entend souvent dire que les tueurs en série ont vécu un traumatisme dans leur enfance, ce qui est le cas dans une grande majorité, mais c’est aussi très réducteur de le ramener à cette seule explication. Le problème se situe dans le cerveau, ces êtres étant des sociopathes qui ne ressentent pas les émotions habituelles chez l’Homme.

  A travers cette biographie romancée d’Al Kenner, l’auteur se met à la place du tueur à partir de son premier meurtre, qui va le faire basculer, jusqu’à son devenir de tueur en série. L’exercice est intéressant, prenant d’une manière un peu malsaine car fascinante par certains côtés. Il y a toujours ce côté entre deux eaux, entre la description d’une psyché pervertie et misanthrope qui fait froid dans le dos, et la façon dont a été brimé Al Kenner, qui nous fait ressentir de la compassion pour l’enfant qu’il fut. Au fur et à mesure du roman, on se rend peu à peu compte que l’on est en présence d’un sociopathe qui ne ressent ni culpabilité, ni empathie, sentiment qu’il n’arrive même pas à appréhender. En gros chaque individu qui se dresse sur son chemin est vu comme un frein, un obstacle qu’il faut éliminer pour aller de l’avant. Pire, Al Kenner se complait dans ses humeurs noires, car comme il le dit lui-même, si on lui enlève ça, que lui reste-t-il sinon un vide ? Rien ne le touche, rien ne le passionne. Son physique atypique le rend différent. J’ai eu un peu de mal à me faire au rythme du récit, qui passe sans transition d’une époque à une autre, en changeant de registre. On passe d’un « je » à un « il » à chaque fois que l’on saute entre passé et présent, sans cheminement dans les pensées, du coq à l’âne. Dommage car ça casse le rythme du récit…

   Bref, un exercice intéressant mais dérangeant, qui peut amener à choquer selon la façon dont on le lit. A ne pas mettre entre toutes les mains.

Verdict : Bonne pioche

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