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Reiko MOMOCHI – Double Je, tome 3

double je 3Titre original : Inochi, book 3 (2009)
Date de parution : 02/07/2015
Editions : Akata
Collection : M
ISBN : 978-2-36974-069-8
Nb. de pages : 192 pages
Prix constaté : 6.95€

Résumé :
Nobara doute de l’identité de Murase, le petit copain de son amie. Elle le soupçonne d’être Gôtôda, le meurtrier de sa soeur qui a eu recours à la chirurgie esthétique. La jeune fille enquête pour découvrir la vérité.

Impressions :
Dans ce troisième tome de « Doule Je », Nobara prise dans un engrenage des plus malsains, découvre que sa résolution n’est peut-être pas aussi ferme qu’elle le croit. Au bout du compte, prendre une décision radicale, à même de changer toute sa vie, est plus difficile qu’il n’y parait. Sa soif de vengeance va la pousser à s’acharner et l’obligera à faire un examen de conscience. Ce tome nous plonge plus loin dans le processus de deuil des victimes, entre déni et acceptation. La tension est extrême. Reiko Momochi s’interroge sur la notion de pardon et sur le désir de rédemption. Chaque acte est-il pardonnable ? Peut-on mettre de côté le passif des gens s’ils montrent patte blanche ? La réponse est ambiguë car chaque situation est différente, de même que nous ne sommes pas égaux face à nos émotions.

 La mangaka maitrise très bien son récit avec ce tome qui marque la transition entre les deux premiers et les deux derniers tomes. Ici, tout s’accélère, les révélations pleuvent, mais forcément celles que l’on attend, le meurtre de Kotori n’étant pas élucidé pour autant. Il faut plutôt chercher du côté des émotions de Nobara et de ses proches. Chacun a une vision différente de l’avenir, entre ceux qui veulent oublier pour mieux aller de l’avant et ceux qui veulent pardonner pour pouvoir faire leur deuil. La façon dont réagit Nobara est l’antithèse de celle de sa grand-mère. La colère de Nobara la ronge et ce troisième tome nous le démontre avec clarté. Sa culpabilité envers sa sœur n’est au final pas si différente de la culpabilité qu’éprouve Gôtoda, prêt à mourir pour se racheter. Un tome tout en émotions bouillonnantes et en tension dramatique, et un aperçu du tome 4 qui pique l’intérêt.

Verdict : Avec les honneurs

rock

 

Reiko MOMOCHI – Double Je, tome 2

double-je-2Titre original : Inochi, book 2 (2008)
Date de parution : 15/05/2015
Editions : Akata
ISBN : 978-2-36974-062-9
Nbr de pages : 162
Prix constaté : 6.95€

Résumé :
Deux mois ont passé depuis le décès de Kotori. Et la pauvre Nobara, hantée par sa culpabilité, a bien du mal à se faire passer pour sa sœur.

Comment faire pour recommencer à vivre, sous les traits d’une sœur trop parfaite ?
Est-il possible de mentir éternellement à tout son entourage ?
Mais les choses prendront un nouveau tournant, quand le meurtrier présumé sera retrouvé et que commencera son procès…
Un procès dont la tournure pourrait s’avérer dévastatrice.

Impressions :
Si le premier tome nous permettait de faire connaissance avec Nobara et sa famille dysfonctionnelle, ce second tome taille dans le vif du sujet ! Résolument polar, ce tome fait la part belle à l’enquête sur le meurtre de Kotori, avec une belle critique sous-jacente du système judiciaire japonais ! Le procès et son fonctionnement est passionnant à suivre et permet à la mangaka de lancer de nombreuses pistes de réflexion sur la notion de responsabilité, de justice et de rédemption.

  D’un autre côté, Reiko Momochi accentue le trait sur l’abnégation dont fait preuve Nobara pour épargner ses proches. Doit-elle renoncer à elle-même pour apporter la paix à sa mère ? Comment vivre avec cette culpabilité de tous les instants ? Est-ce que tout ça a un sens ? En pensant préserver sa mère, elle se rendra compte qu’elle a fait du mal à ses amis. Un cercle vicieux dans lequel Nobara s’enfonce au fur et à mesure que le temps passe…

  Le manga possède toujours des planches très dynamiques, peu de vide mais des expressions qui sont mises en valeur à certains moments clé (le petit sourire de Gotôda, brrr). En seconde partie de tome, le manga prend une tournure plus énigmatique, Nobara se lançant sur les traces du meurtrier présumé de Kotori. De nombreuses questions sont soulevées, on s’interroge beaucoup sur les motivations de Manabu Gotôda. La fin donne la furieuse envie de connaitre la suite, un bon point pour ce shôjo atypique !

Verdict : Avec les honneurs

rock

Reiko MOMOCHI – Double Je, tome 1

double-je-1Titre original : Inochi, book 1 (2008)
Date de parution : 26/03/2015
Editions : Akata
ISBN : 978-2-36974-055-1
Nbr de pages : 172
Prix constaté : 6.95€

Un extrait ici !

Résumé :
Nobara et Kotori sont des soeurs jumelles que tout oppose. La première est plutôt espiègle, la seconde une fille sage. Mais deux terribles drames vont venir bouleverser leurs vies… Surtout de l’une d’entre elles ! Comment faire face à la mort d’un être cher ? Au manque d’amour ? A l’injustice et à la culpabilité ? Faut-il renoncer à son propre bonheur pour se construire un avenir dans une société trop cruelle ? La route sera longue, torturée et tumultueuse, mais au bout du chemin demeure un espoir : celui du pardon…

Impressions :
Le premier tome de « Double Je », shôjo complet en 5 tomes publié chez Akata, est une excellente surprise. Parce qu’il fait partie de ces shôjo qui changent la donne et ne se concentrent pas uniquement sur des amours entre collégiens/lycéens comme on en voit trop souvent publiés en France. Le genre est tellement plus vaste que ça mais les éditeurs misent parfois sur la facilité et ne cherchent pas à innover. Akata l’a bien compris en publiant des œuvres telles qu’Orange d’Ichigo Takano, l’un de mes shôjo préférés du moment (et dont je vous parlerais plus amplement une prochaine fois) et maintenant Double Je.

  Entre le drame et le polar, « Double Je » est un manga bouleversant qui a réussi à me tirer quelques larmes. Reiko Momochi y explore les thèmes du deuil, de la culpabilité et des liens familiaux. Les liens entre un mari et sa femme, entre une mère et sa fille, entre deux sœurs jumelles. Tout un tas de sentiments mis à jour, qui viendront bousculer la vie de Nobara, l’héroïne du manga. Celle-ci m’a beaucoup émue, les drames s’enchainant à chaque fois qu’elle croit pouvoir accéder au bonheur. On pourra regretter une emphase un peu trop importance sur les tragédies qui touchent Nobara, mais rien de bien méchant, la mangaka réussissant à nous intriguer juste ce qu’il faut.

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  Au-delà du côté dramatique du manga, Reiko Momochi instaure également un climat plus sombre, plus mystérieux et soulève tout un tas de questions à propos d’un certain assassinat. (Chut, pas de spoil !).L’intrigue mise en place est très habile car elle apporte de multiples réflexions sur le pourquoi du comment. Le trait typiquement shôjo avec ses visages aux grands yeux et ses gros plans sur les expressions est agréable. Reiko Momochi dépeint soigneusement la détresse ou le désarroi, ce qui contraste assez bien avec le trait plutôt doux.

  Bref, un premier tome qui tire son épingle du jeu face aux shôjo qui se concentrent sur les histoires d’amour et qui entremêle drame et polar habilement.

Verdict : Avec les honneurs

rock

Kate ATKINSON – Une vie après l’autre

une vie après l'autreTitre original : Life after life (2013)
Date de parution : 14/01/2015
Editions : Grasset
ISBN : 978-2-246-80765-0
Nbr de pages : 515
Pris constaté : 22.50€ (version numérique 15.99€)

Résumé :
11 février 1910 : Ursula Todd naît – et meurt aussitôt.
11 février 1910 : Ursula Todd naît – et meurt, quelques minutes plus tard, le cordon ombilical enroulé autour du cou.
11 février 1910 : Ursula Todd naît- le cordon ombilical menace de l’étouffer, mais cette fois le médecin est là pour le couper, et Ursula survit.
Ursula naîtra et mourra de nombreuses fois encore – à cinq ans, noyée ; à douze ans dans un accident domestique ; ou encore à vingt ans, dans un café de Munich, juste après avoir tiré sur Adolf Hitler et changé ainsi, peut-être, la face du monde. Etablis dans un manoir bucolique du nom de Fox Corner, les Todd portent sur leur environnement le regard distancié, ironique et magnanime de ceux que les tragédies de l’Histoire épargnent.
Hugh, le père, travaille à la City, tandis que Sylvie, la mère, reste à la maison et élève ses enfants à l’ancienne. Mais le temps, en la personne d’Ursula, va bientôt se détraquer, se décomposer en une myriade de destins possibles qui vont, chacun à sa manière, bouleverser celui de la famille. Si l’on avait la possibilité de changer le cours de l’histoire, souhaiterions-nous vraiment le faire ?

Impressions :
Mon premier gros coup de cœur de cette année est sans conteste le magnifique roman de Kate Atkinson « Une vie après l’autre » paru chez Grasset. Je n’ai pas pu m’en détacher jusqu’à la dernière page tant j’étais hypnotisée par la destinée d’Ursula et des siens. Ca faisait bien longtemps qu’un auteur n’avait pas réussi à me mettre le grappin dessus comme ça, preuve que le texte dégage ce petit quelque chose de spécial qui vous agrippe. Un roman à la croisée des genres, entre le roman tranche-de-vie, la SF, l’historique et le fantastique. Difficile de le classer et c’est tant mieux car « Une vie après l’autre » est une bouleversante histoire qui pourrait plaire à de nombreux lecteurs.

  Le récit repose sur une idée qui se rapproche de celle de l’effet papillon mais de manière inversée. A savoir que chaque décision que vous prenez peut définitivement changer votre vie. Se rendre à une fête, faire un détour un jour donné, accepter les avances de cet homme bien sous tous rapports, chaque choix que vous faites mène à une destinée légèrement différente. Parfois en bien, d’autre fois… la mort semble inévitable. C’est sur ce concept que se base Kate Atkinson pour nos dépeindre l’histoire d’Ursula Todd, une petite fille qui naitra et mourra de nombreuses fois. A chaque décès, un retour en arrière se produit et Ursula (ou ses proches) prennent une décision différente qui lui permet de vivre. On traversera ainsi la vie d’Ursula de ses premiers gazouillements à l’âge adulte.

  Inutile de dire que l’on se prend bien vite d’affection pour notre chère héroïne dont la vie mouvementée ne laisse pas indifférent. Née en 1910, elle traversera les deux guerres mondiales, ce qui bien évidemment aura une incidence sur sa vie. Sa vie de famille dont les membres sont décrits avec beaucoup de soin et/ou de tendresse est le petit plus qui rend le récit saisissant. Entre la tante excentrique, le grand frère insupportable, la mère qui donne des leçons de vie en citant ses auteurs préférés et toute une flopée d’autres personnages qui gravitent autour d’Ursula, Kate Atkinson dresse un portrait étoffé d’une famille privilégiée attachante. Car les actions d’Ursula n’auront pas seulement d’impact sur sa propre vie mais aussi sur celle des gens qui l’entourent.

  Au-delà des personnages fouillés, du contexte exploité avec intelligence sur l’importance de nos décisions, et de la tension insoutenable à chaque nouvelle mort d’Ursula, « Une vie après l’autre » met surtout en relief une construction ingénieuse qui permet à l’auteure de nombreux allers-retours entre passé et présent en rembobinant le fil de la vie d’Ursula. Au bout de quelques centaines pages, j’étais complètement suspendue au moindre événement du récit, fébrile de découvrir comment l’héroïne allait réussir à se sortir d’une situation à priori insurmontable. Un suspense diabolique ! Enfin, Kate Atkinson introduit une part de fantastique en rendant Ursula apte à ressentir le danger lorsqu’elle atteint un point clé de sa vie. Ce qui n’est qu’au départ qu’une impression de déjà-vu puis d’oppression d’un danger imminent va devenir une sorte de don de préscience qui aura des conséquences sur son jugement. En bref, un roman généreux, réfléchi et bouleversant que je conseille à tous !

Verdict : Nuit blanche

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Darren WILLIAMS – Conséquences

consequencesTitre original : Angel Rock (2002)
Broché paru le : 11/10/2012
Edition : Sonatine
ISBN : 978-2-35584-165-1
Nbr de pages : 392
Prix constaté : 20€

Résumé :
1969. Angel Rock est une petite localité du sud de l’Australie, austère et abandonnée du monde. Le village a été durement touché par la crise, l’industrie du bois peine à le maintenir en vie. Nature hostile, conditions de vie difficiles, familles isolées, c’est dans ce contexte douloureux qu’un drame s’abat sur la communauté : Tom Ferry, 13 ans, et son petit frère Flynn disparaissent dans le bush, aux abords du village.
Une battue est organisée pour les retrouver, en vain. Sydney, quelques semaines plus tard. Une adolescente en fugue originaire d’Angel Rock est retrouvée morte dans une maison abandonnée. Le suicide ne fait aucun doute pour les autorités. Mais Gibson, un policier sombre et tourmenté, décide, de poursuivre ses investigations. Défiant sa hiérarchie, il gagne Angel Rock ou il va mener une enquête qui, bien vite va tourner à l’obsession.
Dans cette petite communauté où rien ne s’oublie mais où rien ne se dit jamais, Gibson devra affronter le poids du passé, le sien et celui du village, pour mettre à jour des secrets enfouis depuis trop longtemps.

Impressions :
Les éditions Sonatine ont gagné leurs galons en nous proposant des thrillers à la croisée des genres, navigant parfois entre le fantastique et l’historique, nous offrant des romans hétéroclites et de qualité. « Conséquences » n’échappe pas à la règle, même s’il reste de nature plus classique. Darren Williams, écrivain australien, m’a bluffé par la maitrise de son intrigue. C’est comme s’il jouait avec nous et nous baladait dans cette petite ville aux règles singulières et inconnues, auxquelles seuls ses habitants répondent.

  L’action plante son décor à Angel Rock (Castle Rock, people ?), une petite bourgade d’Australie profonde où chacun se connait, où la vie n’est pas une sinécure, la nature sauvage et impossible à dompter étant de la partie. Malgré cela, il faut survivre, s’adapter pour s’en sortir. Sur cette base, Darren Williams nous concocte une intrigue tentaculaire, mêlant enquête policière et secrets de village, drame familial et monstres humains. La tension, tapie entre les pages de « Conséquences », nous fait craindre pour ses jeunes protagonistes, les enfants devant payer un lourd tribut pour les erreurs commises par leurs parents. C’est incroyablement bien mené, tant et si bien que j’ai été émue aux larmes et que j’ai tremblé de peur pour Tom qui perd son petit frère dans le bush et devra en subir les effroyables « conséquences », lui, le mal-aimé de la famille…

  Vous l’aurez compris, les relations familiales sont au cœur de ce thriller oppressant dont le malaise nous gagne très rapidement. On vibre en compagnie des personnages, tellement humains, criant de réalisme, l’auteur faisant montre d’une dextérité rare quand il s’agit de nous présenter des personnages et leurs émotions. Darren Williams n’hésite d’ailleurs pas à explorer leur psyché sans retenue. Bien entendu, le roman reste « classique » dans le sens où il n’innove pas et que la trame a un petit côté déja-lu, mais on oublie vite cela face à l’efficacité de l’auteur. « Conséquences » est un thriller désenchanté, mais profondément sensible et émouvant, où les personnages prennent le pas sur l’intrigue. C’est un monde rude et impitoyable que nous décrit Darren Williams, où les enfants perdent leur innocence très tôt et où la douceur de l’enfance passe en un instant. Un roman à fleur de peau, que je recommande chaudement (ça tombe bien, il vient de sortir en poche chez Points !)

Verdict : Bonne pioche

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