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Alper CANIGÜZ – Une fleur en enfer

une fleur en enferTitre original : Alper Kamu Cehennem Çiçegi (2013)
Traduit par : Alessandro Pannuti
Date de parution : 05/06/2015
Editions : Mirobole
Collection : Horizons noirs
ISBN : 979-1-092-145434
Nbr de pages : 252
Prix constaté : 20€

Résumé :
Depuis qu’il s’est fait renvoyer de la maternelle, le petit Alper Kamu a du temps libre pour traîner dans son quartier d’Istanbul, comprendre pourquoi ses parents ont des rapports si névrotiques et, plus généralement, cogiter à cette énigme qu’est la vie. Justement, l’oncle d’Alper, Nebi Bey, a succombé à une attaque. Menant une vie de retraité modèle tout en brûlant d’amour pour son ex-femme, il laisse derrière lui quelques disques et des photos-souvenirs. En regardant ces clichés, Alper découvre que l’existence tranquille de son oncle n’était peut-être que la partie émergée d’un iceberg…
L’autre préoccupation d’Alper, c’est ce qu’il vient d’apprendre sur son copain Ümit, 12 ans, nouveau venu dans le voisinage : il aurait étranglé son jeune frère handicapé. Après avoir rencontré les membres de la famille dysfonctionnelle d’Ümit, Alper Kamu commence à douter de la culpabilité de son camarade.

Impressions :
Je découvre ce petit génie d’Alper Kamu dans cette deuxième aventure publiée chez Mirobole et je suis presque triste de ne pas l’avoir fait plus tôt ! Ce drôle de môme de cinq ans qui dégoise comme un vieux lascar, doté d’une mémoire photographique et d’un langage acéré lorsqu’il s’agit de critiquer ses contemporains, est un sacré numéro ! Passé la stupéfaction et le scepticisme du début face à ce gamin grandement en avance pour son âge, on se surprend à sourire et à suivre son raisonnement avec intérêt. Mordant et décalé, « Une fleur en enfer » est un roman original qui mélange un peu tous les genres mais qui surtout met à l’honneur son héros hors du commun : Alper Kamu, détective à ses heures, mais surtout gamin un peu perdu dans une famille dysfonctionnelle.

  Le récit qui se déroule en Turquie mêle enquête policière (bon, c’est surtout Alper qui enquête en s’immisçant dans la vie des gens !) et chronique familiale avec une bonne d’humour grinçant pour faire bonne mesure. Le ton se veut corrosif et marginal, la narration étant faite par le garçonnet qui ne mâche pas ses mots. Manipulateur et beau parleur, Alper Kamu est un personnage truculent auquel on s’attache vite. Que ce soit lorsqu’il parle des psychoses de ses pairs ou lorsqu’il tire des conclusions sur une enquête en prenant connaissance de deux ou trois éléments, on ne peut s’empêcher d’être suspendu à ses lèvres. Même lorsque celui-ci bâtit des châteaux en Espagne à propos de sa nourrice dont il s’est amouraché.

  En toile de fond, la Turquie et ses particularités. Avec son quotidien pas toujours rose, ses frictions entre quartiers et ses mariages de raison. Les parties où Alper parle de sa famille et où il enquête sur le mystérieux amour de son oncle sont les plus touchants. L’air de rien, le petit garçon se montre fragile lorsqu’il mentionne son père, même s’il s’en défend (bien entendu). Et la fin du roman jette un froid sur sa vie de famille. C’est très bien amené. La plume d’Alper Canigüz est enlevée, son petit protégé usant bien souvent d’un langage châtié qui détonne dans la bouche d’un enfant. Le récit est dynamique, les chapitres courts et Alper, avec son babillage ne nous laisse pas une minute de répit. A découvrir !

Verdict : Bonne pioche

bonne-pioche

Glen David GOLD – Carter contre le diable

gold-carter-contre-le-diableTitre original : Carter beats the Devil (2001)
Date de parution : 17/04/2014
Edition : Super 8
ISBN : 978-2-37056-010-0
Nbr de pages : 810
Prix constaté : 22€
Existe au format numérique pour 12.99€

Résumé :
1923, San Francisco : c’est l’âge d’or du cirque et des magiciens, qui connaissant un succès sans précédent à travers tout le pays. Carter le Grand, l’un des prestidigitateurs les plus célèbres du pays, donne ce soir-là un spectacle exceptionnel devant le président des Etats-Unis, Warren G Harding, qu’il invite sur scène pour participer à l’un de ses stupéfiants numéros. La représentation est un triomphe mais, quelques heures plus tard, le président meurt mystérieusement dans sa chambre d’hôtel.
Sachant qu’il va être suspecté, Carter disparaît afin de mener sa propre enquête. Persuadé que le magicien est dépositaire d’un secret d’une importance capitale, l’agent Griffin, des services secrets, se lance alors à ses trousses. Affronter un génie du trompe-l’œil et de l’illusion tel que Carter ne va pas être chose aisée.

Impressions :
« Carter contre le diable » est un roman atypique, difficile à classer parce qu’il mélange plusieurs genres (historique, thriller, tranche-de-vie, un chouïa de fantastique) sans vraiment s’arrêter sur un domaine particulier. Ce qui aura le don d’en frustrer certains mais d’en captiver d’autres. Pour ma part, j’ai bien accroché à ce melting-pot mais surtout à l’ambiance que réussit à installer Glen David Gold. Avec cette aura de magie, de poudre aux yeux et ce personnage à la destinée tragique et hors du commun, ce roman ne pouvait que me plaire. Le récit lie des faits historiques (Carter le grand étant un personnage ayant réellement existé) à une peinture d’une époque marquée et marquante : les Etats-Unis des années 20-30. On plonge de plein fouet dans la période de la prohibition où les avancées technologiques étaient spectaculaires et l’âge d’or des magiciens était à son apogée. Le public se bousculait pour voir les plus grands prestidigitateurs et ceux-ci rivalisaient d’inventivité pour nous éblouir.

  Glen David Gold est particulièrement brillant lorsqu’il s’agit de nous décrire l’atmosphère de ces shows avec des représentations orchestrées au millimètre, la manière de détourner l’attention du public pour mieux le mystifier et le combat acharné que se livraient en sous-main les magiciens pour être celui qui lançait LE nouveau numéro spectaculaire. Carter, en personnage central du roman, nous est présenté de manière non conventionnelle puisque le récit qui commence par la mort du président Harding et les soupçons qui pèsent sur Carter, intègre de nombreuses ellipses temporelles qui reviennent sur l’enfance du héros et sur la naissance de sa vocation de magicien. On le découvre par le biais de coupures de journaux dont prend connaissance l’agent Griffin (qui mène l’enquête sur le meurtre du président). Malheureusement ces articles de presse ne sont pas toujours très au fait de la réalité et donnent une impression du personnage erroné. Seul le lecteur est conscient de ce qui s’est réellement passé car là où les journaux nous laissent sur notre faim, l’auteur rétablit la vérité par le biais de réminiscences du personnage. Un procédé plutôt ingénieux, qui tient en haleine !

  Le roman ne se concentre pas sur une enquête, comme il est signalé sur la quatrième de couverture un brin trompeuse, mais se penche plutôt sur la carrière et la vie personnelle d’un homme de génie. Bien qu’hanté par plusieurs drames, la magie gravite toujours autour de Carter, depuis sa plus tendre enfance jusqu’à la mystérieuse mort du président Harding. Les personnages secondaires, nombreux, sont croqués avec soin et sont souvent truculents. Entre les agents des services secrets lourdauds qui nous amusent par leur naïveté et leur bêtise et les amis/ennemis de Carter qui auront un impact sur le devenir de Carter, rien n’est laissé au hasard. Le soupçon de suspense intégré à la trame est la touche qu’il fallait pour rendre le roman addictif. Sur 800 pages, jamais le roman n’ennuie, ni ne lasse, au point que je l’ai « avalé » en 3 jours. Un exploit quand on sait que le roman n’est au final, qu’un hommage au monde de la magie et à un des magiciens les plus doués de sa génération.

  En bref, si « Carter contre le diable » offre quelques rebondissements, c’est surtout le portrait de Carter qui fascine et le talent de conteur de Glen David Gold qui nous prend dans ses filets. Un roman « à ambiance » qui sait bousculer le lecteur et le faire passer par toute une palette d’émotions. Une réédition aux petits oignons par la toute jeune maison d’édition Super 8, dont le catalogue promet de bonnes choses !

Verdict : Avec les honneurs

rock

Michel HONAKER – Le Val de la morte embrassée

valParu le : 02/10/2013
Edition : Flammarion Jeunesse
ISBN : 978-2-08-128665-8
Nbr de pages : 265
Prix constaté : 13€

Résumé :
Jubella, une jeune journaliste, n’y croyait pas avant de rencontrer Lord Denholm, ancien magnat de la presse aujourd’hui retranché dans son manoir. Alors qu’il lui accorde une interview exclusive, Lord Denholm lui dévoile un secret : des individus sont capables de ramener des morts à la vie grâce à un simple baiser. Folie ? Mensonge ? Le lendemain de cette révélation, il meurt mystérieusement. Jubella se lance alors dans sa propre enquête.

Impressions :
   Michel Honaker est un auteur jeunesse très prolifique. J’ai d’ailleurs sa trilogie « Terre noire » qui m’attend bien sagement dans ma PAL. Le val de la morte embrassée est un tome unique qui se lit très vite. D’une part parce que l’histoire est prenante, d’autre part parce que le roman est très court. L’intrigue mélange aventure, conte de fées (dans une moindre mesure) et une enquête à propos d’un mystérieux tableau (dont le titre est celui du roman justement). Roman jeunesse oblige, l’auteur va à l’essentiel et le récit progresse sur des chapeaux de roue. Si ce procédé permet au récit de tenir un bon rythme, le suspense étant de la partie, il a également le revers de ne pas assez délayer l’univers. Ce qui est fort dommage, car non seulement il y a matière à étoffer le récit mais en plus l’histoire est des plus sympathiques.

  Le personnage de Jubella, journaliste en herbe, est volontaire et énergique, on la suit dans ses péripéties avec beaucoup de plaisir. J’ai apprécié que celle-ci ait plus d’un tour dans son sac et ne se laisse pas marcher sur les pieds. Petit problème, elle prend pour argent comptant certaines révélations et j’ai été plus qu’étonnée de ne pas la voir s’affoler ou se poser des questions plus que ça. Le mystère qui enveloppe Lord Denholm et ses étranges « pouvoirs » nous tiennent en haleine un bon moment jusqu’à l’apparition des Vicaires et leurs drôles de machines. On nage dans un bain mi-fantastique, mi-SF, plutôt bien rendu.

  La singulière compulsion exercée par le fameux tableau reste selon moi, le point fort du roman. Je regrette tout de même, encore une fois, que l’auteur n’aille pas au fond des choses et ne nous en apprennent pas plus sur le procédé des princes charmants et de leurs éveillées à travers les âges. Sur son mécanisme, et sur ses répercussions sur lesdites éveillées. Je voulais en savoir plus que diable ! C’était intéressant ! Enfin, dernier regret : on n’apprend bien peu de choses sur la mère de Jubella qui reste entourée d’une aura de mystère. Pourquoi a-t-elle été choisie finalement ? On nous laisse dans le flou. Dommage encore une fois. La fin, clin d’oeil aux contes de fée, plaira aux jeunes filles en fleur. Symapthique.

Verdict : Bonne pioche

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Graham MOORE – 221b Baker Street

221b baker streetTitre original : The Sherlockian (2010)
Broché paru le : 12 janvier 2012
Editeur : Le Cherche Midi
Collection : NéO
ISBN : 978-2-7491-1767-6
Nb. de pages : 451 pages
Prix constaté : 21€

Résumé :
Octobre 1900, Londres.
Après avoir reçu un étrange courrier, Conan Doyle se retrouve mêlé à la disparition de plusieurs jeunes filles dans les bas-fonds de la ville. Sur les traces d’un tueur en série, il demande l’assistance d’un de ses amis, l’écrivain Bram Stoker, auteur de Dracula. Janvier 2009, New York. C’est un grand jour pour Harold White : son article mettant en parallèle les exploits de Sherlock Holmes et la naissance de la médecine légale lui vaut d’être intronisé dans la prestigieuse association des « Baker Street Irregulars ».
C’est aussi un grand jour pour ladite association : Alex Cale, l’un de ses membres les plus renommés, vient de retrouver le « Saint-Graal » des fanatiques de Conan Doyle, le fameux tome perdu du journal intime de l’écrivain, couvrant les mois d’octobre à décembre 1900. C’est en effet à cette époque que Conan Doyle, après avoir fait mourir Sherlock Holmes sept ans plus tôt au grand dam de ses admirateurs, a décidé, pour une raison demeurée inconnue, de faire revivre le célèbre détective.
Mais Alex Cale est assassiné avant d’avoir pu dévoiler le contenu du fameux journal et Harold, inspiré par l’art de la déduction de son illustre modèle, se lance sur la piste du meurtrier. Deux enquêtes à plus d’un siècle de distance, de mystérieuses correspondances, un formidable coup de théâtre. Avec ce premier roman passionnant, Graham Moore, s’inspirant de faits réels, nous offre un voyage fascinant dans le monde des collectionneurs et des obsessionnels de Sherlock Holmes, et met le lecteur à l’épreuve : saura-t-il résoudre l’énigme avant le héros ?

Impressions :

  Dernièrement, Sherlock Holmes a le vent en poupe. Cinéma, série TV, romans, tous les médias se mettent à surfer sur la vague Holmésienne, difficile de passer à côté. Difficile également de ne pas connaitre le plus fameux détective « fictif » de tous les temps (à moins d’habiter dans une grotte), auquel Graham Moore rend un bel hommage avec son roman « 221b Baker Street ». Disons-le clairement, ce premier roman est un pur plaisir de lecture, un de mes premiers coups de cœurs de ce début d’année. Elémentaire !

  Le titre du roman nous plonge dès le départ dans l’ambiance holmésienne du roman, les références, faits historiques et citations venant constamment émailler le récit pour notre plus grand plaisir. Malgré cela, ne vous attendez à voir débarquer Sherlock Holmes « en chair et en os » dans le roman, Graham Moore prenant le parti de nous introduire son nom moins célèbre créateur, Arthur Conan Doyle, en tant que personnage principal (et narrateur) d’une partie du récit. Les faits commencent en 1893, quand Conan Doyle, las de la popularité quasi-fanatique de son héros, décide d’en finir avec lui au détour des chutes du Reichenbach. Enfin débarrassé (croit-il) de ce personnage encombrant… Les réactions de ses fans viendront à bout de ce soulagement. Avance rapide vers le présent, nous sommes en 2010 et l’esprit de déduction du célèbre détective passionne toujours autant les foules. Au point que de nombreuses associations dédiées au détective ont été créés dans le but de continuer à faire vivre le personnage. Harold White vient justement de se faire introniser dans la plus prestigieuse d’entre elles : Les « Baker Street Irregulars ». On y raconte qu’un de ces membres auraient retrouvé le fameux journal manquant d’Arthur Conan Doyle et s’apprêterait à en dévoiler le contenu. Le malheureux se fera assassiner avant d’avoir révélé au monde ces secrets… et bien sûr le journal a disparu !

  A partir de là, l’auteur alterne les chapitres entre passé et présent. Un chapitre pour Conan Doyle, un chapitre pour Harold White. Ce sont donc deux époques et deux enquêtes différentes que nous propose de suivre Graham Moore, mais toujours la même méthode de raisonnement : le fameux esprit déductif de Sherlock Holmes. Les deux enquêtes sont tout aussi passionnantes, la recherche d’indices amenant de nouveaux questionnements, nous faisant parfois tomber dans des impasses, on se prend vite au jeu et les pages défilent toutes seules. A ce niveau-là, l’auteur réussit son pari haut la main et nous ballade allégrement comme savait si bien le faire Conan Doyle. On en redemanderait ! L’ambiance est, quant à elle, parfaitement restituée. Le cadre du Londres du début du XXème siècle est brumeuse et tortueuse à souhait, avec ses bars à opium, ses quartiers mal famés et son Scotland Yard toujours aussi peu efficace. Le roman est très rythmé, les chapitres plutôt courts apportant du peps à un récit déjà bien cadencé par sa narration à deux voix. C’est vif, tantôt drôle, tantôt sombre dans ses descriptions soignées des crimes commis. Il est aussi amusant d’essayer de démêler la réalité de la fiction, Graham Moore mêlant les faits historiques à ceux créés de toute pièce pour la circonstance. Les fans du célèbre détective seront quant à eux, comblés de retrouver autant de clins d’œil tout au long du récit. Sans compter les moult détails insolites qui jalonnent le roman (Petit jeu : Connaissez-vous la différence entre Sherlockien et Doyléen ?). Sans oublier le coup de théâtre final, qui clôt ce roman de manière opportune et ironique. Hat’s off to Graham Moore !

Verdit : Nuit blanche

nuit-blanche

Paul CLEAVE – Un père idéal

un père idéalTitre vo : Blood men (2010)
Broché paru le : 6 octobre 2011
Editeur : Sonatine
ISBN : 978-2-355-84071-5
Nb. de pages : 405

Résumé :
Jack Hunter a longtemps été un bon époux et un père idéal.
Un homme bien sous tous rapports, hormis cette petite manie secrète et discutable : le meurtre violent de prostituées. Aussi son fils Edward ne s’attendait-il pas à ce que la police vienne un jour frapper à la porte de leur maison si tranquille pour arrêter le premier serial killer de l’histoire de Christchurch, Nouvelle-Zélande. Vingt ans plus tard, Edward est à son tour devenu un citoyen modèle. Comptable sans histoire dans un cabinet d’avocats de la ville, il a tout fait pour oublier et faire oublier ses sombres origines.
Mais le jour où sa femme est sauvagement assassinée, c’est vers son père, toujours derrière les barreaux, qu’il va se tourner pour prendre conseil.

Impressions :
Après « Un employé modèle » salué par la critique, Paul Cleave nous revient avec « Un père idéal », thriller psychologique virulent et cruel qui, non content de faire réfléchir son lectorat sur des questions d’éthique et d’hérédité, réussit à émouvoir. Une très bonne pioche !

Conté à la première personne, « Un père idéal » met en scène Edward Hunter, comptable tout ce qu’il y a de plus lambda, qui coule des jours paisibles auprès de sa femme et de sa fille dans la petite ville de Christchurch. Pourtant, on apprend dès le prologue que le narrateur n’est pas aussi ordinaire qu’il n’y parait, son père se faisant arrêter pour le meurtre de dizaines de prostituées quand il n’a que 9 ans. Dès lors, c’est la spirale infernale qui s’enclenche pour lui, jusqu’au jour où il rencontre sa femme et met son passé de côté. Pourtant, un jour, l’impensable se produit : sa femme se fait assassiner. Comment Edward va-t-il réagir ? Dans ses veines coule-t-il le sang d’un tueur en série, tout comme l’était son père ? La scène est posée, les protagonistes avancés, le compte à rebours vers l’horreur commence…

De cet impensable tragédie va découler tout un enchainement d’événements, qui ne feront que précipiter un peu plus le héros vers l’abime de cette noirceur qui sommeille en lui. Et c’est là que l’auteur démontre toute son habileté à manier son intrigue, car au-delà de l’aspect thriller avec son lot d’hémoglobine et de violence, Paul Cleave nous offre également une tragédie bouleversante, sur fond de cynisme et d’interpellations. La petite ville de Christchurch est décrite comme une ville où la criminalité a la main haute, où les crimes restent impunis et les policiers sont au mieux des incapables. C’est cinglant à souhait, la critique cuisante mais point gratuite car l’auteur (à travers Edward Hunter) s’interroge sur le système. On montre du doigt les « fils de » (tueurs), tout en les gardant à l’œil, craignant qu’ils ne finissent pas sombrer du mauvais côté, mais existe-t-il réellement une hérédité du crime ? Ou est-ce la façon dont la société nous juge (coupable jusqu’à preuve du contraire) qui nous façonne ? Le narrateur s’interroge tout au long du roman, lui qui se sent brimé d’être le fils de Jack Hunter, tueur en série.

Et pour une fois dans un thriller, nous avons le droit à un héros poignant, humain, certes déchiré par sa perte, mais que l’on ne peut détester à aucun moment. Au contraire, Edward Hunter nous émeut et on finit par espérer pour lui un dénouement heureux, même si l’on sent qu’il n’en sera rien. La fin, poignante, m’a secoué, Paul Cleave réussissant avec pudeur à nous décrire l’inacceptable. L’auteur excelle véritablement dans la psychologie de ses personnages, leurs états d’âme décrits avec talent. Même l’inspecteur Schroder est loin d’être un mauvais bougre, car il essaiera sincèrement d’aider Jack tout au long de l’intrigue. Néanmoins, « un père idéal » reste un thriller avant tout, certes différent des critères usuels – car plus étoffé au niveau de ces thèmes – mais tout de même assez sanglant avec certains passages particulièrement violents.

En bref, « Un père idéal » est un thriller psychologique original, grinçant et abouti. Paul Cleave nous interpelle sur une criminalité du sang, sur un certain laxisme du système qui parait de plus en plus souvent comme dysfonctionnel. D’une intensité croissante, « Un père idéal » bluffe par son intrigue maitrisée, par ses révélations opportunes et son final bouleversant. Avis aux amateurs de thriller !

Verdict : Avec les honneurs

rock