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J.C. HUTCHINS & Jordan WEISMAN – Chambre 507

chambre 507Titre original : Personal effects :Dark arts (2009)
Parution : 21/08/2014
Edition : Super 8
Traduction : Valérie Le Plouhinec
ISBN : 978-2-37056-002-5
Nbr de pages : 416
Prix constaté : 20€

Résumé :
Construit en 1875 à New York dans les profondeurs d’une ancienne mine de grès, l’hôpital Brinkvale renferme les criminels les plus extrêmes : trop dangereux pour l’asile, trop déséquilibrés pour la prison. C’est là que Zachary Talylor, thérapeute, doit analyser la personnalité de Martin Grace, afin de déterminer si celui-ci est suffisamment sain d’esprit pour répondre pénalement des crimes dont on l’accuse. Soupçonné de douze homicides, Grace a annoncé à chaque fois aux victimes leur mort imminente. Et les meurtres ont cessé deux ans plus tôt, lorsqu’il est devenu aveugle. Mais l’affaire est délicate, Grace disposant d’un alibi solide pour chacun des meurtres. Dans la chambre 507 de l’hôpital Brinkvale, l’interrogatoire prend peu à peu l’allure d’un jeu aussi dangereux que passionnant ou un esprit hanté, en proie à des visions prémonitoires, comme il veut le faire croire ? Et surtout, pourquoi sait-il tant de choses sur la vie privée de Zachary ? Est-il vraiment là par hasard ?

Impressions :
Après la découverte du très bon « Carter contre le diable », Super 8 nous revient en cette rentrée littéraire avec trois nouveaux titres à la frontière du thriller et du fantastique. « Chambre 507 » nous emmène dans les couloirs d’un hôpital psychiatrique où la folie revêt plusieurs costumes. Le personnage principal, Zachary, est un jeune art-thérapeute qui essaye d’aider à sa manière ses patients à exprimer leurs obsessions. Etonnamment, c’est lui que l’on choisit pour évaluer un cas assez délicat : un tueur en série présumé qui soufrerait d’une cécité psychosomatique. S’engage alors un jeu du chat et de la souris qui poussera Zachary à déterrer des éléments de son passé et à affronter ses peurs les plus profondes.

  « Chambre 507 » génère une atmosphère hasardeuse, qui nous précipite entre hallucination et réalité, avec vue plongeante dans un cerveau dément. Du moins en apparence. Car très vite le doute s’installe : cet aveugle qui se dit poursuivi par une entité noire est-il réellement un tueur sans pitié ou bien ses délires sont-ils plus que le fruit de son imagination ? Pourquoi les gens autour de lui deviennent-ils paranoïaques à son contact ? Et pourquoi l’obscurité semble-t-elle le précéder ? Autant de questions auxquelles Zachary essaiera d’apporter des réponses en poussant son patient dans ses derniers retranchements et en fouillant son passé plus que mystérieux.

  Si les deux auteurs parviennent à établir une ambiance oppressante en ballotant le lecteur entre cauchemar et réalité, ils ont aussi le travers de rester dans le vague, sans jamais aller au fond des choses. Au point qu’une fois la dernière page tournée, on n’est sûr de rien, la narration restant trop nébuleuse par moments. Des propos volontairement évasifs qui ne m’ont pas convaincu. L’intrigue tournant autour du passé tragique de Zachary offrait une piste intéressante, que les deux auteurs n’exploitent pas assez profondément une fois encore. Un choix délibéré étant donné que l’art-thérapeute est devenu le personnage central d’une saga tournant autour de l’hôpital psychiatrique Brinkvale, mais qui m’a surtout agacé parce que j’aurais aimé connaitre le fin mot de l’histoire.

  Le récit de « Chambre 507 » se veut actuel d’où sa narration moderne avec un langage ostentatoire et la nature geek et borderline de ses personnages. On apprécie ou pas, mais il est clair que les auteurs ont voulu dépoussiérer un peu le genre en mettant en scène des protagonistes jeunes mais accomplis. Certaines expressions ou choix de mots m’ont du coup fait tiquer, car les références ne sont pas toujours expliquées, ce qui n’aide pas à la compréhension. Zachary accompagné de son frère et de sa petite amie s’affranchissent des limites imposées ordinairement et n’hésitent pas à contourner la loi quand ça leur chante (hacking, cambriolage). Du coup, la progression de l’enquête sur Martin Grace s’offre des facilités flagrantes, qui desservent un peu le suspense. Dommage car le roman possédait un sacré potentiel qui ne demandait qu’à s’exprimer pleinement.

Verdict : Roulette russe

roulette-russe

Céline LANDRESSIE – Rose Morte, tome 1 : La Floraison

rose-morte-1Paru le : 03/04/2012
Edition : L’Homme sans nom
ISBN : 978-2-918541-04-2
Nbr de pages : 480
Prix constaté : 19.90€

Résumé :
C’est dans ce pays en proie à de terribles dissensions religieuses que se réfugient les Greer, fuyant l’Angleterre élisabéthaine. Eileen, seule enfant du comte, est une jeune femme vive et au caractère bien tranché. Mais son âge avance, et son père la met au pied du mur : elle doit se marier. Et c’est en faisant tout pour se soustraire à cette obligation, avec l’aide de sa fidèle amie Charlotte, que Rose fera la connaissance d’Artus de Janlys.
Le séduisant et mystérieux comte l’entraînera dans un univers dont elle ne soupçonnait pas l’existence, où les crimes terribles qui secouent Paris trouveront une explication apparemment inconcevable, mais bel et bien réelle…

Impressions :
Après avoir enchainé des romans de SFFF, des thrillers et autres romans contemporains, comme il est plaisant de goûter au style d’antan de Céline Landressie. Ce premier tome de Rose-Morte nous fait voyager dans le temps, entreprenant un retour à la fin du XVIème siècle, à une époque tumultueuse pour la France (à cause de ses infortunées guerres de religion). L’époque est parfaitement rendue, avec son contexte historique, ses mœurs et son langage fleuri. Langage que l’auteure manie avec dextérité, en faisant preuve d’une aisance certaine, ce qui n’est pas donné à tout le monde vu que l’exercice peut vite finir en eau de boudin (en paraissant pompeux ou lourd, ce qui n’est pas le cas ici, heureusement). Au contraire, le style sert joliment l’intrigue et l’époque évoquée, et concourt à apporter un côté désuet au roman. Bien vu.

  Les personnages, bien ancrés dans leur temps, sont flamboyants (surtout Rose-Morte, mais je ne vous dirais pas pourquoi !). Ça me rappelle les romans à la Dumas, avec ses personnages qui ont du panache. J’ai particulièrement aimé la façon dont l’auteure les anime. Leurs gestes, leurs attitudes qui sont détaillés. Ce qui les rend vivaces à nos yeux (je me suis plus d’une fois fait la réflexion qu’ils passeraient bien sur le petit écran !). L’apparence des personnages et les décors décrits sont richement parés et revêtent une certaine importance. Qui dit roman d’époque, dit forcément toilettes appropriées ! Et oui, les atours étaient importants dans le temps, passer à côté ne semblerait pas très réaliste. Surtout que notre chère Rose-Morte est à marier.

  Côté intrigue, le contexte historique côtoie une atmosphère plus surnaturelle, qui vient chambouler la donne. Cet aspect est plutôt subtil, ce premier tome se focalisant principalement sur la vengeance de Rose. Le suspense n’est donc pas l’élément moteur, ne vous attendez pas à des retournements de situation en veux-tu en voilà, ce premier tome servant de base à une intrigue plus vaste je pense. « La floraison » (tome qui porte bien son nom je trouve), est donc le récit d’une vengeance, d’une quête pour la vérité et de son exécution. Mais c’est aussi le récit de l’envol d’une jeune femme, qui refuse le carcan dans lequel l’enferme la société de l’époque. Chercher un époux à tout prix, se soumettre aux hommes. A son père puis à son mari. J’ai d’ailleurs hâte de voir Rose voler de ses propres ailes, subjuguée comme elle l’est par le comte de Janlys. Bouh! Liberté ! ^^ Je préfère ne pas trop en révéler sur l’aspect fantastique parce que ce serait vous gâcher le plaisir de la découverte. Mais j’en attends beaucoup dans les prochains tomes, il y a de quoi faire.

Verdict : Avec les honneurs

rock

Christopher BUEHLMAN – Ceux de l’autre rive

ceux-de-l-autre-riveTitre original : Those across the river (2011)
Paru le : 12/09/2013
Edition : Fleuve Noir
ISBN : 978-2-265-09704-9
Nbr de pages : 351
Prix constaté : 20.50€

Résumé :
1935. Suite à un héritage, Frank et Eudora s’installent à Whitbrow, en Géorgie, ou le grand-père de Frank possédait une plantation. Le village, entouré d’une forêt obscure, se révèle accueillant, et le couple s’intègre vite à la communauté. Pourtant, en cherchant à retracer l’histoire de son aïeul, un général de l’armée confédérée esclavagiste, Frank va réveiller des forces qui le dépassent.

Impressions :
Ambiance petit hameau américain au milieu des années 30. Notre couple protagoniste vient de s’installer dans ce trou perdu de Georgie après avoir touché en héritage une charmante bicoque. L’occasion pour monsieur de renouer avec ses ancêtres honnis, propriétaires d’esclaves mal vus de la région, et d’y trouver l’inspiration pour un livre peut-être… L’occasion pour madame de devenir professeur dans la petite école du village et pour tous les deux de laisser leur passé tourmenté derrière eux… On se doute bien que le côté idyllique ne durera pas et que les culs terreux du coin ne se montreront pas si inoffensifs que ça. Sauf que… le récit nous fait doucement glisser dans une atmosphère fantastique à laquelle on ne s’attend pas forcément et qui prend de court. Un malaise insidieux nous submerge peu à peu et la forêt revêt des allures inquiétantes. Que se cache-t-il réellement au-delà de la rivière ? Pourquoi cette coutume qui consiste à envoyer des offrandes de cochons vivants de l’autre côté de la rivière se perpétue-t-elle ? A qui peut-on se fier ?

  Vous l’aurez compris ce roman est angoissant parce qu’il sait instiller une ambiance oppressante qui va de mal en pis. Entre la restitution réaliste d’une époque raciste et hostile aux étrangers et la lente décrépitude de ses petits villages qui n’offrent aucun débouché, le décor est posé. Les habitants du patelin qui sont encore très attachés au folklore et aux superstitions anciennes peinent à prendre parti et sont décrit comme des couards et des ladres qui précipiteront la fin de leur communauté. Quand les corps commencent à tomber, la machine est déjà en marche. J’ai particulièrement apprécié la façon dont Christopher Buehlman balise son intrigue en plaçant deci delà un élément qui trouvera son explication dans le schéma final. Notamment avec l’histoire de la plantation et le lynchage des esclaves. La narration ne s’encombre pas d’allusions et l’auteur est plutôt direct dans ses descriptions.

  Un certain nombre de choses m’ont tout de même chiffonnée. Premièrement les deux personnages principaux que l’on n’arrive pas à apprécier. Même s’il faut resituer notre couple dans le contexte de l’époque, j’ai trouvé qu’Eudora, l’épouse, était très caricaturale. Limite elle ne renvoie qu’un comportement sexuel, sans subtilité. La fin du roman me conforte dans cette impression. Dommage. De même certaines réactions des habitants sont un peu étranges et Frank, l’époux, ne réagit pas à ces bizarreries. C’est notamment le cas avec le comportement de Martin, que j’aurai envoyé bouler depuis longtemps personnellement. Pas très crédible. L’arrivée du fantastique sauve heureusement les pots cassés et le suspense fait le reste. L’épilogue du récit est plutôt bien choisi. Ça m’a rappelé Le bal des vampires de Polanski.

Verdict : Bonne pioche

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Mark Z. DANIELEWSKI – L’épée des cinquante ans

l'épééTitre original : The fifty year sword (2005)
Paru le : 12/09/2013
Edition : Denoël
ISBN : 978-2-207-11528-2
Nbr de pages : 285
Prix constaté : 22€

Résumé :
« Une épée tuera une saison. Une épée tuera un pays. Celle que je fabrique maintenant saura même tuer une idée. »

Impressions :
Dur, dur, de vous pondre un avis argumenté pour vous présenter ce roman unique tant c’est une expérience à vivre, mais je vais faire de mon mieux. « L’épée des 50 ans » est une œuvre à part, un OLNI que vous auriez tort de rejeter parce qu’il ne ressemble pas à l’image que l’on se fait d’un roman. Danielewski nous propose belle et bien une fiction mais sa structure narrative est si singulière que l’on ne sait pas par quel bout la prendre. Comme je ne veux pas gâcher la surprise de l’histoire en elle-même, je vais m’efforcer d’aborder la narration et la construction sans trop vous en révéler, ce qui gâcherait quelque peu l’effet du roman.

  Pour chaque page de gauche nous entrainant dans le récit, la page de droite sert d’illustration, de support visuel de l’œuvre. Mais orner le récit d’un joli dessin aurait un je-ne-sais-quoi d’un peu trop commun vu la particularité du récit et Danielewski a choisi des illustrations au point de croix, cousues de fil blanc colorés. Voilà de quoi sortir des sentiers battus. Et je vous prie de croire que ces représentations font partie intégrante du récit, au même titre que la narration elle-même. « L’épée des 50 ans » est donc une œuvre graphique, marginale, à la croisée des genres. Et l’histoire, angoissante à souhait, est magnifiquement servie par ce mode de représentation (ah! les fameuses bougies !).

  Le récit n’est pas présenté de manière lambda non plus. Des guillemets de couleurs différentes introduisent un narrateur différent – un enfant – qui veut nous raconter sa version des faits à sa manière enfantine (comprenez que ces petits narrateurs se télescopent et se coupent la parole à qui mieux mieux, voire inventent des mots). Ce qui concourt à nous perdre un peu au début, la narration paraissant étrange. L’effet obtenu est bizarrement hypnotique. L’auteur joue sur les mots, sur leur musicalité, et à la lecture du récit, on se prend au jeu de laisser lesdits mots rouler sur notre langue pour mieux les savourer. L’histoire narrée ressemble à un de ces contes qui font peur, que l’on se raconte au coin du feu lors d’une veillée, mais je n’en dirais pas plus…

  Bref, une découverte à faire, histoire de sortir des carcans de la littérature habituelle. « L’épée des 50 ans » marque durablement l’esprit, que ce soit par sa présentation atypique, que par son histoire qui file la frousse. Voilà une œuvre ingénieuse que Danielewski nous pond là ! Un grand bravo à la traductrice qui a dû s’arracher les cheveux pour donner corps à la singularité de l’œuvre et des jeux de mots.

Verdict : Bonne pioche

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