Archives de Tag: Homosexualité

Saki AIDA & Yuh TAKASHINA – Deadlock, tome 1

deadlock 1Titre original : Deadlock (2012)
Date de parution : 25/02/2016
Editions : Taifu Comics
ISBN : 978-2-35180-980-8
Nbr de pages : 180
Prix constaté : 8.99€

Un extrait par ici !

Résumé :
Agent de la brigade des stups à Los Angeles, Yûto Lennix, 28 ans, est accusé du meurtre de son coéquipier après que ce dernier a été retrouvé assassiné dans son appartement. Deux semaines auparavant, ils avaient réussi à démanteler l’un des plus gros réseaux de drogue de New York après un an d’infiltration. Victime d’un coup monté, Yûto est condamné et envoyé à la célèbre prison de Schelger où il devient rapidement la cible des autres détenus. Face à cette situation, Yûto refuse l’aide de son codétenu, Dick Burnford, un homme énigmatique respecté par tous les autres détenus. Quelque temps après son arrivée, Yûto reçoit la visite de Mark Hayden, un agent du FBI venu lui proposer sa libération s’il arrive à retrouver Corvus, le mystérieux leader d’un groupe terroriste.

Lu dans le cadre d’un partenariat entre Livraddict et les éditions Taifu Comics que je remercie !

Impressions :
Ce manga publié chez Taifu Comics est l’adaptation d’une série de trois light novel sortis au Japon en 2006-2007 et qui a connu son petit succès. Le manga qui s’en inspire ne compte pour l’instant que deux volumes, celui-ci semblant être en pause depuis un petit bout de temps au pays du soleil levant. Il s’agit d’un shônen-ai, donc une romance h/h assez soft qui met en scène un ancien agent de la brigade des stups, injustement accusé du meurtre de son partenaire et condamné à une lourde peine de prison. Dans ce premier tome, où l’on découvre les premiers pas de Yûto dans la prison de Schelger, les deux auteures mettent en place les différents acteurs et la scène principale : l’enfer carcéral.

  L’univers carcéral est très bien rendu. Les auteures prennent le temps de nous introduire les règles qui régissent la prison avec ses blocs divisés en ethnies et toujours à couteaux tirés. En gros, pour survivre à sa peine, mieux vaut se rapprocher de son groupe racial et lui demander protection. Ou alors faire montre d’une certaine violence et de beaucoup de cran. Les viols sont courants, surtout chez les nouveaux venus et les beaux éphèbes. Alors certes, on pourrait craindre du graveleux le manga étant shônen-ai mais pas du tout. Saki Aida insiste plus sur le climat de tension constant qui règne dans la prison que sur des scènes graphiques à tendance voyeuriste. En gros, pas d’inquiétude si vous êtes choqués par les relations homosexuelles, ce premier tome est loin de l’univers de la série tv Oz.

  L’intrigue mise en place est intéressante, même si pour l’instant on ne fait que l’effleurer. Ce premier tome fait la part belle aux personnages, à leurs interactions et à la découverte de la vie dans une prison. Shônen-ai oblige, les personnages sont pratiquement tous jeunes et beaux (même l’agent du FBI avec lequel Yûto passe un marché) mis à part quelques seconds rôles. Dommage, ça casse un peu la crédibilité même si forcément c’est plus plaisant à regarder. Le trait de Yuh Takashina est très fin, un peu aérien, les cases sans vides notoires. Yûto est un peu fade pour l’instant, je le trouve un peu passif malgré ses beaux discours. Le personnage de Dick est plus intrigant, on se demande ce qu’il cache et s’il a quelque chose à voir avec le fameux Corbus. En bref, un premier tome intéressant, qui pose les bases de l’intrigue et qui rend assez fidèlement le quotidien dans une prison (bon, à part les sisters quand même…). Curieuse de lire la suite !

Verdict : Bonne pioche

bonne-pioche

Andrew Sean GREER – Les vies parallèles de Greta Wells

les vies parallèles de Greta WellsTitre original : The Impossible Lives of Greta Wells (2013)
Traduit par : Hélène Papot
Date de parution : 15/01/2015
Editions : Points
ISBN : 978-2-75784949-1
Nbr de pages : 310
Prix constaté : 7.20€

Résumé :
Dans le dédale du temps, une femme cherche son chemin…
New York, 1985. Après une douloureuse rupture et la mort de son frère jumeau, Greta Wells suit un traitement par électrochocs pour guérir sa dépression. Mais des effets secondaires pour le moins inattendus apparaissent : Greta se trouve régulièrement transportée dans ses « vies parallèles », en 1918 et 1941. Différentes vies, différentes époques, mais dilemmes similaires : suivre sa passion ou protéger sa famille, s’affirmer ou se taire. et surtout, dans quelle vie rester ? A travers ces enivrants voyages dans le temps, Andrew Sean Greer nous fait revivre les moments-clés de notre siècle passé, auxquels se mêlent les tragédies intimes de Greta et de ses proches.

Impressions :
Un récit de science-fiction qui se cache dans la littérature blanche ? Ça arrive plus souvent qu’il n’y parait. « Les vies parallèles de Greta Wells » est un roman contemporain qui baigne dans une ambiance SF puisque son héroïne vit plusieurs existences à la fois, passant d’un univers parallèle à un autre et changeant de dimension temporelle en cours de route. OK, dit comme ça, ça a l’air compliqué mais ne fuyez pas ! Je vous assure que l’auteur maitrise sa narration avec doigté et que le récit est très accessible.

  Les sauts temporels sont particulièrement bien amenés. L’histoire se concentre sur la vie de Greta, une trentenaire habitant à New York au milieu des années 80. L’auteur pose le postulat de départ suivant : Greta passe d’un monde à l’autre à chaque électrochoc qu’elle subit. En effet, l’héroïne suite à un deuil particulièrement éprouvant et à une rupture difficile, se laisse doucement glisser vers la mélancolie et la déprime l’engloutit. Après avoir testé toutes les solutions médicamenteuses possibles, son médecin parvient à la décision que seule la « convulsivothérapie » (comprenez des électrochocs bien barbares) pourrait l’amener à se dépêtrer de ses humeurs noires.

  Et voilà notre héroïne précipité dans une dimension alternative, à une autre époque où elle retrouve tous ceux qu’elle connait mais où les cartes sont rebattues et un nouveau jeu distribué. Parfois elle y est mère de famille, parfois délaissée par son mari parti à la guerre mais jamais aucune de ces existences n’est parfaite. Le plus étonnant est que Greta se retrouve projetée à une époque différente. Parfois c’est en 1918, parfois en 1941. Andrew Sean Greer se paie ainsi le luxe d’explorer des contraintes historiques différentes : la guerre qui menace d’exploser dans les années 40, la fin de la première guerre mondiale en 1918 avec son épidémie de grippe mortelle, l’explosion du SIDA dans la communauté gay dans les années 80. De quoi offrir à son récit une grande richesse narrative.

  L’auteur analyse ainsi de nombreuses thématiques comme la condition féminine, l’homosexualité, la gémellité (Greta ayant un frère jumeau qui représente tout pour elle) mais il exploite surtout cette manne historique qui lui permet de nombreuses interrogations sur la notion de bonheur, d’abnégation. Peut-on être heureux et réussir sa vie même à une époque troublée ? L’importance des convenances joue t’elle sur le choix de nos partenaires ? Félix, le frère de Greta n’accepte pas son homosexualité dans ses vies parallèles, mais au moins, il y est en vie… A chaque bond dans son moi alternatif, Greta essaie d’améliorer « sa » vie, se sentant délivrée du poids de son passé. Le caractère introspectif du roman amène des réflexions pertinentes. On se glisse dans la peau de Greta comme dans un vieux vêtement, petit à petit. Bref, un récit émouvant et convaincant qui ne laisse pas indifférent.

Verdict : Avec les honneurs

rock

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Sarah WATERS – Derrière la porte

derrière la porteTitre original : The paying guests (2014)
Traduit par : Alain Defossé
Paru le : 17 avril 2015
Editions : Denoël
Collection : & d’ailleurs
ISBN : 978-2-207-11896-2
Nbr de pages : 700
Prix constaté : 24.90€

Résumé :
Angleterre, 1922. La guerre a laissé un monde sans hommes. Frances, vingt-six ans, promise à un avenir de vieille fille revêche, habite une grande maison dans une banlieue paisible de Londres avec sa mère. Pour payer leurs dettes, elles doivent sous-louer un étage. L’arrivée de Lilian et de Leonard Barber, tout juste mariés, va bousculer leurs habitudes mais aussi leur sens des convenances. Frances découvre, inquiète et fascinée, le mode de vie des nouveaux arrivants : rires, éclats de voix, musique du gramophone fusent à tous les étages. Une relation inattendue entre Frances et Lilian va bouleverser l’harmonie qui régnait dans la maison…

Impressions :
Sarah Waters est une auteure qui m’avait beaucoup marqué avec son roman « Du bout des doigts » il y a quelques années. Elle récidive aujourd’hui avec « Derrière la porte », qui reprend les mêmes ingrédients qui m’avaient tant plu précédemment : un mélange de thriller et d’analyse de mœurs, ici à l’époque de l’après-guerre (celle de la première guerre mondiale). L’auteure nage en plus à contre-courant puisque son héroïne est gay et doit vivre son homosexualité à une époque encore très opaque où celle-ci est même signe de folie. C’est donc un roman qui se joue des codes du classicisme britannique, Sarah Waters usant d’une narration caractéristique de l’époque édouardienne, avec une prose dense (parfois un peu trop verbeuse) mais bien ancrée dans son époque après-guerre avec ses nombreuses considérations historiques.

  Le récit bien que long (un bon gros 700 pages) est aussi substantiel et explore d’intéressantes thématiques telles que la place des femmes dans ce monde d’après-guerre, la fin de la petite bourgeoisie, l’évolution industrielle qui se profile et surtout un remaniement de la famille traditionnelle maintenant que les femmes ont pris goût au travail et que de nombreux hommes sont morts à la guerre. J’ai vraiment apprécié la part historique du roman avec ses réflexions sur le féminisme, le progrès et la fin d’une époque dorée pour les rentiers. Fini le petit personnel prêt à exécuter la moindre tâche ingrate, il faut dorénavant mettre la main à la pâte et récurer soi-même les sols, faire la cuisine, les courses, etc. Il est amusant de constater que c’est encore et toujours les apparences qui comptent, avec ce souci constant de ce que vont penser les voisins et amis de cette chute de rang social. On en ressort avec l’impression que le regard des autres est un boulet duquel on ne peut se défaire, peu importe l’époque.

  Au-delà de cette analyse des mœurs d’une époque, Sarah Waters livre également un drame sensuel et fascinant, le portrait de deux femmes très différentes mais qui se complètent. Et la plus moderne des deux n’est pas forcément celle que l’on croit. Frances, la narratrice du roman, est l’archétype de la vieille fille qui vit avec sa mère et s’occupe de toutes les tâches domestiques, mettant de côté tout espoir d’émancipation. Lilian est une femme mariée, bohème et oisive mais qui fait figure de femme indépendante. Petit à petit, en grattant la première couche de peinture, on se rend compte que Frances n’est pas si transparente que ça, et a vécu à une époque une passion interdite, plus insouciante des apparences que jamais. Lilian, quant à elle, n’est pas aussi frivole qu’elle le parait et son mariage n’a rien d’idyllique non plus. Leurs histoires respectives, livrées avec mesure, laissent peu à peu la place à une passion dévorante et un drame dévastateur. Le récit nous plonge alors dans une spirale de malheurs, avec son lot de situations insupportables et de décisions sans espoir de rédemption. Une peinture des mœurs corrosive, où tout est question de convenance et qui nous habite longtemps.

Verdict : Avec les honneurs

rock

Brigitte KERNEL – A cause d’un baiser

à-cause-d'un-baiserBroché paru le : 11 janvier 2012
Editeur : Flammarion
ISBN : 978-2-08-126709-1
Nb. de pages : 364
Prix constaté : 18€

http://www.gillesparis.com/

Résumé :

« Elle était si parfaite, comment avais-je pu soudain aimer une autre personne ? Que deux coups de téléphone, un déjeuner, un baiser, un seul baiser, et quelques caresses remettent à ce point ma vie, notre vie, en question ? Qu’est-ce qui m’avait pris de dire aussi vite à Léa : j’ai embrassé une autre femme ?

La greffe avait pris, en un baiser. Un baiser qui avait duré plus de deux heures et ses mains, les doigts de Marie, sous mon pull, sur ma poitrine. Il m’avait semblé que ma vie basculait. Et maintenant comment faire ?

Léa, Marie ; Marie, Léa. Peut-on donc l’espace d’un court moment, ou même d’un temps plus long, aimer deux personnes à la fois ? »

Ce que j’en ai pensé :

  « A cause d’un baiser » est un roman d’amour d’un genre un peu différent. En effet, il aborde l’homosexualité féminine et la relation mise à mal d’un couple « à cause d’un baiser », avec une autre bien sûr.

  Le roman est structuré en trois parties : la déchirure, la déconstruction et la reconstruction et nous suivons le cheminement intérieur de la narratrice qui essaye d’oublier son attirance envers Marie. Pleine d’interrogations, celle-ci remet en cause son couple, s’interroge sur la passion qui n’est plus là, remplacé par une tendresse et une accoutumance inévitable. L’auteure décortique avec réserve et délicatesse les relations amoureuses, l’avenir du couple, la passion sujette au temps qui passe. Le sujet est traité avec pudeur, certains passages sont très beaux, la plume éloquente.

  Pour autant, je ne peux pas dire que c’est mon genre de prédilection, ni que j’ai vraiment apprécié ma lecture. Je reconnais que le roman a des qualités, mais j’ai personnellement trouvé ça un peu trop redondant sur 350 pages. La narratrice se pose sans cesse les mêmes questions, ça tourne en rond et il faut bien avouer que l’analyse des sentiments pour l’analyse des sentiments ce n’est pas particulièrement intéressant (pour moi, s’entend). Bref, un roman qui ne me marquera pas spécialement.

Verdict : Pas ma tasse de thé

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Andrew O’HAGAN – Sois près de moi

sois près de moiTitre VO : Be near me(2006)
Poche paru le : 27 octobre 2011
Editeur : Points
ISBN : 978-2-7578-2401-6
Nb. de pages : 352 pages

Résumé :
Le père Anderton, 57 ans, débarque d’Angleterre dans une petite ville ouvrière d’Ecosse, Dalgarnock.
Il est immédiatement rejeté par la population locale qui le voit comme un étranger. Il se lie cependant d’amitié avec deux jeunes de la région : Lisa et Mark. Seul repère de ces jeunes un brin paumés, il les sort de leur quotidien sinistre. Ce nouvel équilibre bascule le soir où le prêtre échange un baiser avec le jeune homme.

Impressions :
Mon premier roman d’un auteur écossais, je crois, « Sois près de moi » est un roman un peu déstabilisant, pas tant dans son propos que dans sa prose, érudite, parfois, il faut bien avouer aussi, un peu pédante. Si je n’ai pas totalement adhéré au style d’Andrew O’Hagan, le roman n’en reste pas moins intéressant, surtout qu’il s’attaque à nombre de thèmes forts : alcool et drogue chez les ados, tabou de l’homosexualité, tolérance envers les religions et même abus sexuel envers mineur.

  Sur la première moitié du roman, l’auteur s’attache à décrire la vie quotidienne de David, prêtre irlandais exilé en Ecosse, dans une petite ville où les étrangers sont mal accueillis. Celui-ci a bien du mal à se faire accepter par la communauté, qui ne voit en lui qu’un gêneur, un « anglais ». Face à ce mur, le protagoniste perd de sa dévotion et préfère de loin les discussions intellectuelles et les joutes verbales qu’il se plait à échanger avec sa femme de ménage, Mrs Poole. Entre deux réminiscences de son enfance perdue, David finit par se lier d’amitié avec deux jeunes délurés, Mark et Lisa. Et là, c’est la spirale infernale qui commence. Les adolescences échangent des vulgarités, tiennent des propos extrêmes, tout en buvant et fumant plus que de raison…surtout quand on a 15 ans. Bizarrement, plutôt qu’être choqué, David se laisse entrainer par les deux ados, et leur offrent un œil complaisant. Il s’assimile à eux, les rejoint dans leurs beuveries, délaisse sa charge de prêtre. C’est une espèce de retour en arrière pour lui, une deuxième adolescence. Puis, tout bascule, le jour où il échange un baiser avec le jeune Mark…

  Andrew O’Hagan construit un roman complexe, cultivé, les conversations entre les divers personnages apportant autant de réflexions sur la guerre ou l’ostracisme, voire le sectarisme, le chômage et les tentations de la vie. « Sois près de moi » est un peu le cheminement intérieur du héros, il s’interroge sur sa vie, sur ce qui l’a amené à rentrer dans la prêtrise. Si la dévotion et la foi semble s’être perdus en cours de route, c’est un peu parce que celui-ci s’est engagé par dépit dans cette voie à la suite de la mort de son amant. Sur cette partie de sa vie, l’auteur ne s’attarde finalement pas beaucoup et j’avoue avoir été surprise car la 4ème de couverture semblant suggérer que c’était le propos même du roman. Il n’y a donc aucune allusion choquante dans le récit, et la scène du baiser échangé, bien que dévastateur pour David, n’est là que pour apporter une réflexion sur les limites à ne pas dépasser, sur les effets que peuvent avoir un geste malheureux. C‘est d’ailleurs plus révoltant de voir la haine des gens et le racisme dont ils font preuve envers les étrangers à la toute fin du roman.

  En bref, un roman intéressant et certes érudit, mais dont je n’ai pas adhéré à la prose, un peu trop élitiste à mon goût. Certains passages sont pourtant magnifiques, empreint de poésie, et le roman apporte de nombreuses réflexions sur les affres du quotidien et sur notre cheminement intérieur. Le dernier paragraphe est d’ailleurs sublime et résume à lui seul le propos du roman. Je vous laisse avec celui-ci :

« J’ai connu cet homme qui marcha jusqu’au pont de chemin de fer de la ville et regarda en direction du lieu où les gens vivaient dans leurs maisons. Il était différent de beaucoup de gens, mais jamais aussi différent de lui-même. En arrivant en haut du pont, il fut heureux d’observer qu’il n’était pas grand-chose, rien qu’une personne en quête de foi dans l’air froid de la nuit. […]. »

Verdict : Bonne pioche

bonne-pioche

Lu dans le cadre d’un partenariat entre Libfly et les éditions Points, que je remercie.