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Donal RYAN – Le coeur qui tourne

le coeur qui tourneTitre original : The spinning heart (2012)
Traduit par : Marina Boraso
Date de parution : 25/02/2015
Editions : Albin Michel
Collection : Les Grandes Traductions
Nbr de pages : 2010
ISBN : 978-2-226-31478-9
Prix constaté : 18€

Résumé :
Bobby Mahon était une figure respectée du village. L’ancien contremaître de l’entreprise locale est désormais, comme la majorité des habitants, au chômage. Sans indemnités ni espoir de retrouver du travail. La crise qui frappe de plein fouet l’Irlande comme toute l’Europe déchire les liens de sa communauté autrefois soudée. Les langues se délient, les rumeurs circulent, les tensions et les rivalités émergent. Et, faute de pouvoir s’en prendre au patron qui a mis la clé sous la porte, Bobby devient la cible d’hommes et de femmes démunis et amers. Jusqu’à l’irréparable…

Impressions :
« Le cœur qui tourne », un titre évocateur qui colle parfaitement à ce roman à la narration surprenante. Ce court récit de 200 pages s’articule autour d’un chapitre unique par personnage, à la manière d’une chaîne dont chaque maillon s’intriquerait les uns à la suite des autres et laisserait voix à tout un ensemble d’individus. Un même fait est donc rapporté par de nombreux personnages, chacun avec leur propre version, qui va parfois à l’encontre les unes des autres. On assiste à une véritable valse des sentiments en passant d’un employé à son patron, à sa fille, à une collègue, à son petit-ami, et ainsi de suite. Je n’avais jamais lu un récit aussi ambitieux, qui ne s’attache à aucune intrigue en particulier mais qui laisse le champ libre à ses personnages !

  Il y a pourtant bien une espèce de fil conducteur dans ce roman, l’histoire de Bobby, le premier personnage à faire entendre sa voix dans le roman. C’est lui qui lance les hostilités, et avec quel impact ! Les premières lignes du roman nous secouent de suite :

« Mon père vit toujours dans la maison où j’ai grandi, sur la route au-delà du barrage. Chaque jour je vais voir s’il est mort, et chaque jour il déçoit mes attentes. »

  A partir de là, le récit se construit autour de ses déboires. Son père avec qui il ne s’entend pas mais aussi son patron qui a lésé tous ses employés en ne les déclarant pas et en s’enfuyant avec tout l’argent. Donal Ryan commence son récit en donnant la parole à Bobby, sur qui va se reposer de nombreux personnages qui dépendent de lui ou le tiennent en haute estime, ce qui causera d’autant plus de malaise lorsque l’on apprend qu’on le suspecte d’avoir tué son père.

  Cette manière de passer d’un point de vue à un autre permet également de montrer ce qui se cache réellement derrière certaines attitudes ou comportements. L’abime qui sépare l’interprétation de certains faits et gestes et l’explication qui se cache derrière est vraiment confondant ! De l’embarras passe pour de l’hostilité, de la bienveillance pour de l’opportunisme, c’est incroyablement bien rendu. Et drôle parfois tant certains protagonistes semblent complètement à côté de la plaque. Donal Ryan sait donner voix aux sentiments de ses personnages mais également donner corps à ce petit village irlandais où la détresse côtoie l’espoir de lendemains meilleurs.

Verdict : Avec les honneurs

rock

Colum McCANN – Transatlantic

TransatlanticTitre original : Transatlantic
Paru le : 22/08/2013
Edition : Belfond
ISBN : 978-2-7144-5007-4
Nbr de pages : 375
Prix constaté : 22€

Résumé :
A Dublin, en 1845, Lily Duggan, jeune domestique de dix-sept ans, croise le regard de Frederick Douglass, le Dark Dandy, l’esclave en fuite, le premier à avoir témoigné de l’horreur absolue dans ses Mémoires. Ce jour-là, Lily comprend qu’elle doit changer de vie et embarque pour le Nouveau Monde, bouleversant ainsi son destin et celui de ses descendantes, sur quatre générations. A Dublin encore, cent cinquante ans plus tard, Hannah, son arrière-petite-fille, tente de puiser dans l’histoire de ses ancêtres la force de survivre à la perte et à la solitude.

Impressions :
J’ai découvert Colum McCann à la lecture de « Danseur », qui m’avait transporté par sa plume enivrante. La sortie de son nouveau roman « Transatlantic » était donc l’occasion de renouer avec l’auteur. Tel un pont reliant l’Irlande aux Etats-Unis, le premier vol transtatlantique sert de point de départ au récit qui nous projette à différents moments clefs de ces deux pays. Chronique familiale et historique, le roman joue sur plusieurs registres et les thèmes abordés sont nombreux. On y analyse la relation mère-fille sur plusieurs générations, mais aussi les ravages de la guerre et de la famine, la perte d’un être cher, l’abolition de l’esclavage et l’émancipation des femmes. C’est donc un roman riche et généreux, très évocateur à certains moments (Lily et sa description des conditions de vie des soldats blessés durant la guerre de Sécession est horrible et poignante).

  « Transatlantic » est aussi un roman complexe. La narration, qui alterne entre différentes époques et personnages, se révèle assez perturbante de prime abord. Les phrases courtes et le style saccadé désorientent également. Les différents chapitres de la première partie font d’ailleurs peu de sens pour le lecteur qui se demande comment tous ces événements et protagonistes peuvent être liés. Puis, la deuxième partie vient tout clarifier et peu à peu, le dessein imaginé par Colum McCann prend forme. On en vient à être complètement immergé et on prend plaisir à suivre cette génération de femmes irlandaises immigrées aux Etats-Unis.

  La fameuse lettre qui fait son apparition en début de roman, sert de fil rouge à la trame sinueuse et joue sur le suspense. Certains passages sont émouvants, l’auteur maitrisant à la perfection les émotions qu’il veut susciter chez le lecteur. Les femmes Ehrlicht ont des personnalités fortes, elles sont courageuses et optimistes malgré les tragédies qui leur arrivent. Ce sont des battantes et Colum McCann rend ainsi hommage à toutes ces femmes qui ont quitté leur Irlande natale, alors en proie à la famine, avec au fond d’elles l’espoir d’une vie meilleure. Mon seul regret vient de la fameuse lettre et du dénouement du roman qui n’est pas à la hauteur du secret qui l’entoure.

Verdict : Bonne pioche

bonne-pioche

William TREVOR – Cet été-là

cet-été-làTitre original : Love and summer (2009)
Edition : Points
Collection : Grands romans
Paru le : 20/06/2013
ISBN : 978-2-7578-3463-3
Nbr de pages : 250
Prix constaté : 6.70€

Résumé :
Sur la Grand-Place de ce village irlandais, l’échange fut discret. Quelques mots, un regard furtif, un sourire et la belle Ellie s’enfuit. Florian Kilderry, lui, hésite un instant, avant de repartir. Ellie est la seconde femme d’un fermier aimant mais solitaire, Florian un photographe nomade qui rêve d’ailleurs. Fugitif et brillant, leur amour durera un été…

Impressions :
William Trevor, écrivain irlandais prolifique nominé régulièrement lors de prix littéraires, est un auteur dont j’étais curieuse de découvrir la plume. Les écrivains irlandais ont souvent un petit quelque chose en plus dans leur manière d’écrire – un humour grinçant, un style évocateur – qui fait que l’on embarque complètement dans le périple qu’ils nous proposent. Malheureusement, ce ne fut pas le cas avec Trevor que j’ai trouvé trop mélancolique, mais surtout un peu « poussiéreux » dirons-nous.

  L’histoire nous emmène dans un petit village d’Irlande où le temps semble s’être arrêté, où les tâches quotidiennes sont le seul salut, où enfin, l’ennui vous guette. Au beau milieu de cette apathie ambiante, Ellie, fraichement mariée à un fermier de la région plus par commodité que par amour, rencontre l’anticonformiste Florian et la passion éclate. Du moins semble-t-il de prime abord, ou plutôt par des chemins détournés, William Trevor prenant son temps pour nous présenter tous les personnages de sa tragédie. De fil en aiguille et d’un personnage à un autre, on en apprend plus sur les blessures de chacun. Et au final, ce n’est pas une romance ratée qui nous est présentée mais bien tous les amours perdus des acteurs principaux.

  Un peu à la manière d’une pièce de théâtre, Trevor nous introduit les acteurs et l’histoire prend des chemins de traverse pour en revenir au couple éphémère que forment Florian et Ellie. Rien de sulfureux dans leur passion, la prose de l’auteur rappelant les classiques d’antan où tout est question de non-dits, de qu’en dira-t-on. Si l’ensemble nous offre d’émouvants passages (surtout quand il est question de Dillahan, le mari trompé au passé tragique) et une narration tout en pudeur, je regrette tout de même cette impression de lenteur qui ressort des pages de « Cet été-là ». Comme si le temps était suspendu, statique, presque sans vie finalement. A cela s’ajoute une plume un peu compassée où les descriptions de la vie quotidienne paralysent toute dynamique. Bref, on finit par s’ennuyer malgré un récit assez court. Un essai raté pour moi, question de sensibilité personnelle.

Verdict : Pas ma tasse de thé

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