Illustration de couverture : Johan Camou
Paru le : 11/09/2013
Edition : J’ai Lu
Collection : Fantasy
Nbr de pages : 635
Prix constaté : 9.90€
Résumé :
Long de presque deux kilomètres du museau à la queue, haut de plus de deux cents mètres, pesant plusieurs milliers de tonnes, telles sont les mensurations de Griaule. le dragon qui, des siècles durant, fit régner la terreur sur la vallée des Carbonales. Jusqu’à ce qu’un puissant magicien le pétrifie pour l’éternité. Pourtant Griaule n’est pas mort : au cœur de la montagne qu’est devenu son corps. son esprit rumine sans relâche de funestes pensées, dont la noirceur corrompt irrémédiablement toute vie dans la vallée…
Impressions :
Lucius Shepard nous a quitté il y a quelques jours, et je tenais à lui rendre hommage, conquise que je suis par sa plume et son imaginaire. Je l’ai découvert à rebours avec « Le calice du dragon » où l’auteur continuait d’exploiter la pierre angulaire de son œuvre : le dragon Griaule. C’est donc tout naturellement que j’ai voulu prolonger l’aventure en découvrant « Le dragon Griaule », ce recueil de nouvelles qui voue une véritable ode au dragon assoupi. Considéré par beaucoup comme son chef-d’œuvre, ce pavé regroupe six nouvelles, écrites à des moments différents et réunies ici de manière à créer une grande fresque du dragon (à l’image de sa taille exceptionnelle). Un patchwork qui fonctionne très bien, chaque nouvelle apportant un nouvel éclairage de Griaule.
Classé en Fantasy, « Le dragon Griaule » est en fait un recueil transgenre qui emprunte à plusieurs genres et styles. Certes, chaque histoire gravite autour du dragon et de son influence sur la faune et la flore l’entourant, mais celui-ci étant figé dans une éternité toute relative, ce n’est pas sur lui que se concentre l’auteur. On pourrait dire que Griaule est la petite voix en arrière-plan, celle qui vous pousse à vous affranchir de toutes les règles et lois des Hommes. En ce sens, le dragon Griaule est l’instigateur du roman, celui qui tire les ficelles dans l’ombre, qui vous manipule. A bon ou à mauvais escient, là est toute la question, le recueil jouant sur un certains nombres de thèmes et de notions. De quoi vous faire réfléchir sur le libre-arbitre, la culpabilité, la dépendance et même la passion. On peut d’ailleurs, si l’on cherche bien, retrouver toutes les grandes notions philosophiques dans les nouvelles qui composent ce recueil (la conscience, la perception, le désir, le temps, l’existence, etc.). Qui a dit que la Fantasy ne poussait pas à la réflexion ?
Vu comme ça, vous vous dites « Oh là là ! Ça m’a l’air bien compliqué cette histoire… ». Vous auriez bien tort, parce que « Le dragon Griaule », c’est avant tout un univers imaginaire luxuriant et ambitieux, qui ne s’impose pas de limites. Lucius Shepard emprunte aux codes du polar, de la fantasy, du fantastique et mixe tout ça allégrement, mais avec maitrise. Le recueil gagne ainsi une vraie densité qui ne permet pas l’ennui. La fascination qu’exerce le dragon sur les personnages du recueil déteint sur nous et la compulsion qui les empêche de fuir son influence est très habilement menée. On est saisi par une foule d’émotions, les descriptions de la végétation qui prolifère sur cette carcasse moribonde sont juste magnifiques et saisissantes. Lucius Shepard réussit très bien à transmettre ce sentiment de danger imminent qui émane de cette nature sauvage. Notre imagination se met très facilement en marche. Ajoutez à cela, encore et toujours, ce qui fait le bonheur des lecteurs de Lucius Shepard, à savoir sa plume électrisante, au charme suranné (mais pas péjorativement). J’ai même envie de dire « noble ». Prose en rien gâchée par la superbe traduction de Jean-Daniel Brèque. J’arrête là cet hommage avec une citation de Charles de Leusse qui a dit : « La mort est un mot. Qui tue tous les mots. ». Espérons que ceux de Lucius Shepard se perpétuent à travers son œuvre.
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