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Vladimir LORTCHENKOV – Camp de gitans

camp de gitansTitre original : Tabor uhodit (2010)
Traduit par : Raphaëlle Pache
Date de parution : 03/09/2015
Editions : Mirobole
Collection : Horizons Pourpres
ISBN : 979-1-092-145458
Nbr de pages : 373
Prix constaté : 21.50€

Résumé :
A l’Assemblée générale des Nations Unies, un terroriste moldave prend en otages tous les grands de ce monde, d’Obama à Poutine, en passant par Merkel, Berlusconi et Sarkozy. Ses revendications stupéfient la planète.
Pendant ce temps en Moldavie, entre incurie, corruption et culte aveugle de l’Union européenne, le pays a sombré dans l’anarchie, la capitale Chisinau est envahie par des hordes d’enfants abandonnés et une étrange religion se répand : les Moldaves seraient le Peuple élu, le nouvel Israël, qui réclame une Terre promise au bord de la Méditerranée… L’ONU va devoir agir, sans quoi, adieu les otages !
Découvrez dans ce roman à l’écriture étourdissante comment les Moldaves marchandent avec Dieux, ou pourquoi le major Plechka, maton filou, oblige ses prisonniers à écouter en boucle les trésors de la poésie nationale…

Impressions :
Autant j’avais été charmée par le récit farfelu de Vladimir Lortchenkov dans « Des mille et une façons de quitter la Moldavie », autant « Camp de gitans » qui reprend pourtant les mêmes ingrédients, m’a laissée perplexe. Est-ce à cause de l’effet de surprise qui ne joue plus ? Est-ce que c’est la caricature de ce peuple moldave qui a atteint ses limites ? Difficile à dire. Une chose est sûre, l’ensemble sent un peu le réchauffé et la surenchère dans laquelle se lance l’auteur n’apporte pas grand-chose au schmilblick. Pire, à plusieurs reprises Lortchenkov nous perd dans son délire quand il nous énumère par le détail les écrits mystiques de son nouveau prophète. A trop forcer le trait, le récit en devient parfois laborieux.

  Bien que rien n’oblige le lecteur à avoir lu « Des mille et une façons de quitter la Moldavie » avant d’entamer « Camp de gitans », il faut savoir qu’on y retrouve certains personnages et que l’intrigue suit une certaine continuité depuis ce précédent roman. Nous retrouvons donc notre chère peuplade moldave qui essaie par tous les moyens de se carapater de ce pays gangréné et honnis. Aux grands maux les grands remèdes, cette fois-ci ils se sont mis en tête de prendre en otage l’assemblée de l’ONU et d’exiger une terre promise… Oui comme dans la Bible. Délires pseudo-mystiques, discussions absurdes, personnages aux bords de la rupture, rien ne nous est épargné. Le ton est d’autant plus à prendre au 2ème voire au 3ème degré tant les comportements sont vils. On rit, jaune, mais on grince aussi un peu des dents quand ça coince. C’est un exercice d’équilibre constant dont l’auteur joue et la morgue des propos (notamment avec le gang des enfants violeurs et meurtriers) n’est pas toujours heureux.

  Qu’à cela ne tienne, on ne pourra pas dire que l’auteur ne met pas les pieds dans le plat. Mieux, il le casse et s’en donne à cœur joie à pieds joints. Corruption carcérale, conditionnement pavlovien hérité de l’époque de l’URSS, abus de confiance. Vladimir Lortchenkov ne se met aucune barrière et aborde tous les sujets qui fâchent. C’est noir, très noir mais en même temps éclairé sous bien des aspects. Ça rappelle la situation désespérée des migrants qui pensent que tout va s’arranger s’ils vivent en Europe ou ces pays qui pensent que rentrer dans l’Union Européenne va les tirer vers le haut. Ce n’est malheureusement pas souvent le cas… A charge du lecteur de savoir lire entre les lignes de cette satire sociale et laisser de côté l’aspect aberrant du récit pour saisir la critique sous-jacente. Bref, un bon roman tout de même mais moins drôle que son prédécesseur et surtout qui fait trop dans la démesure, jusqu’à la rupture.

Verdict : Roulette russe

roulette-russe

Vladimir LORTCHENKOV – Des mille et une façons de quitter la Moldavie

des mille et une façons de quitter le MoldavieTitre original : Vse tam budem (2008)
Date de parution : 04/04/14
Editeur : Mirobole
ISBN : 979-10-92145-20-5
Nb. de pages : 250
Prix constaté : 20€

Résumé :
« Vassili réfléchit un peu, puis il décréta :
– Nous allons faire voler mon tracteur. »

Drôle, grotesque, cruel. Partez à la rencontre du peuple le plus pauvre d’Europe.
Ceci est l’histoire d’un petit village moldave. À Larga, tous les habitants ne rêvent que d’une chose: rejoindre l’Italie et connaître enfin la prospérité. Quitte à vendre tous leurs biens pour payer des passeurs malhonnêtes, ou à s’improviser équipe moldave de curling afin de rejoindre les compétitions internationales.
Dans cette quête fantastique, vous croiserez un pope quitté par sa femme pour un marchand d’art athée, un mécanicien génial transformant son tracteur en avion ou en sous-marin, un président de la République rêvant d’ouvrir une pizzeria. Face à mille obstacles, ces personnages résolument optimistes et un peu fous ne renonceront pas. Parviendront-ils à atteindre leur Eldorado ?

Impressions :
Parce que c’est agréable de temps en temps de tomber sur un OVNI littéraire qui nous prenne totalement de court et nous fasse pousser des « oh ! » et des « ah ! », je vous recommande chaudement la lecture « Des mille et une façons de quitter la Moldavie » de Vladimir Lortchenkov. Je n’irais pas jusqu’à vous dresser la liste des 1001 raisons de lire ce roman (pas courageuse à ce point !) mais coupons plutôt la poire en 91 parts avec la liste des 11 raisons de le lire :

1. Bien que l’auteur soit moldave d’origine, il n’hésite pas à se moquer ouvertement de ses concitoyens qui s‘en prennent plein la tronche. Benêts, influençables, pauvres, misanthropes et naïfs, les Moldaves deviennent sous la plume de Lortchenkov de drôles de zouaves que l’on n’envie pas pour un sou.
2. Le récit est une comédie, absurde et cynique, qui nous fait rire autant qu’elle nous fait grincer des dents. Comment ne pas s’esclaffer face à ses situations abracadabrantes qui tiennent plus du conte cruel que de la chronique anthropologique ? Parce que parvenir à nous faire rire d’un suicide, ça tient de l’art quand même !
3. Vous ne trouverez nulle part ailleurs des tracteurs volants, des sous-marins bicyclettes et des équipes de curling moldaves sans patinoire où s’entrainer.
4. Pour l’édition aux petits oignons de Mirobole avec sa couverture réfléchie et ses petits détails (tracteur sur la tranche, etc.)
5. Quand on gratte le vernis rocambolesque des événements, on voit aussi se profiler en filigrane la critique envers la Moldavie et les politiques d’immigration qui donnent de faux espoirs aux gens qui voient en l’Europe un Eldorado.
6. Les légendes et mythes qui entourent l’Italie valent leur pesant de cacahuètes. En particulier celle qui voudrait nous faire croire que l’Italie n’existe pas car personne n’est revient jamais !
7. Si les moldaves passent pour de drôles de gus, ils font aussi preuve d’un optimisme à toute épreuve et d’une opiniâtreté sans limite ! Comme quoi croire en ses rêves, c’est important.
8. Pour son pope illuminé à qui l’on doit la plus grande découverte supercherie de l’histoire moldave !
9. Des personnages plus barrés les uns que les autres, dont le génie frôle la folie et qui se trouvent une utilité même dans la mort…
10. Une plume dynamique, un texte court et un don pour manier les mots et livrer des dialogues pas piqués des vers.
11. Parce que finalement, c’est une façon comme une autre de découvrir la Moldavie (oui, parce qu’on n’a pas plus envie que ça de la visiter, hein…).

Verdict : Avec les honneurs

rock