Paru le : 03/01/2013
Editions : Albin Michel
ISBN : 978-2-226-24517-5
Nbr de pages : 284
Prix constaté : 19€
Résumé :
La vie d’une famille hongroise à Budapest, de 1978 à nos jours. Les Mandy habitent de génération en génération la même maison en bois au bord des rails, et tous travaillent à la gare centrale. Le jeune Imre grandit dans un monde opaque de non-dits et de secrets familiaux. A la chute du Mur, au lieu de poursuivre ses études, il se fait embaucher dans un sex shop puis rencontre une jeune Allemande qui incarne pour lui le mythe de l’Ouest libre et heureux.
Mais pour les Mandy, quel que soit le régime, la vie consiste davantage à regarder les trains qui passent qu’à en devenir les voyageurs… Un roman familial tout en dégradés de lumière, de nostalgie, de drame historique, de décalage et d’inéluctable. Du communisme au consumérisme, pas de changement pour les Mandy. Imre, type même du looser sympathique, rêveur, sensible, tendre et romantique, incarne bien une société qui n’attend rien de l’avenir mais dont l’histoire tragi-comique exprime l’impuissance à prendre sa destinée en mains.
Ce que j’en ai pensé :
« Sombre dimanche » est un roman qui mélange habilement récit historique et drame familial. En nous faisant partager la petite histoire d’une famille hongroise, Alice Zeniter nous fait rentrer par la petite porte de la grande Histoire, depuis la guerre froide et le communisme jusqu’à la chute du mur de Berlin. Ce sont trois générations qui vivent sous le même toit et cultivent leur souffrance comme si c’était autant de trésors. Entre le grand-père gâteux qui peste contre le capitalisme naissant qui pousse toujours plus de touristes jusqu’à sa porte, le père taiseux qui ressasse de vilaines blessures qui lui ont été infligées par le suicide de sa femme et les enfants qui sont, au choix, fou ou plein d’un espoir mort-né, difficile de ne pas se laisser par la mélancolie ambiante, par cette chape de plomb qui semble peser sur l’âme de cette famille meurtrie par la vie. Ce n’est pas un récit facile, il n’a rien de joyeux, mais pourtant la plume délicate et sincère de l’auteur fait des merveilles, au point que le pathos nous échappe…
Volontiers nostalgique, « Sombre dimanche » sait également nous tirer un sourire devant l’une ou l’autre expression du grand-père, qui a l’art de tirer dans le mille quand il s’agit d’exprimer une évidence de l’époque. Le fatalisme et la tristesse ambiante se trouvent ainsi un peu gommées l’espace de quelques pages. Mais on en oublie pas pour autant le climat tendu de l’époque, qui est exacerbé par les allers-et-retours dans le temps que cultive l’auteur. Une période où la répression sanglante du stalinisme a brisé bien des familles, qui ne cherchaient même plus à fuir. C’est dans cet environnement suffocant que devra composer la famille Mandy, qui perd ses femmes petit à petit. Trop lourds à porter, leurs souvenirs enfouis les rongeront de chagrin avec déterminisme. Un roman à la fois triste et beau, sublimé par une plume sensible, mais qui ne plaira peut-être pas à ceux que les histoires tragiques rebutent.
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