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Yukito AYATSUJI – Another, tome 1

another 1Titre original : Another (2009)
Date de parution : 13/04/2016
Editions : Pika Roman
ISBN : 978-2-8116-2639-6
Nbr de pages : 341
Prix constaté : 14.95€

Résumé :
Collège de Yomiyama-Nord, 1972.
Lorsque Misaki, élève de 3e-3, trouve la mort, les autres élèves de la classe refusent de l’accepter, et font « comme si Misaki était toujours en vie ». Tant et si bien que leur camarade apparaît, pâle mais avec le sourire, sur la photo de classe de fin d’année ! Depuis, la « classe maudite » est le théâtre d’accidents en série, terrifiant élèves aussi bien que professeurs. Et si la 3e-3 était devenue l’antichambre de la mort… ?

Impressions :
« Another : celle qui n’existait pas » est le premier tome d’un light novel publié au Japon en 2009 et qui a connu un tel succès qu’une version animée a vu le jour, ainsi qu’un film et un manga. L’anime étant le premier à être arrivé dans nos contrées suivi il y a peu du manga, c’est tout naturellement vers le roman originel qu’ont décidé de se tourner les éditions Pika le mois dernier. Ils inaugurent ainsi leur collection « Romans » qui essayera de mettre en avant des light novel dérivés ou originels d’univers mangatesques. Comme j’avais adoré l’anime (moins sa fin un peu trop alambiquée), j’étais très curieuse de découvrir le roman originel et voir si je pouvais retrouver cette atmosphère horrifique si bien mise en place. Ce premier tome réussit-il à nous donner froid dans le dos ? En partie…

  Le roman nous emmène aux côtés de Kôichi Sakakibara, un jeune garçon de quinze ans qui fait sa rentrée en 3ème à Yomiyama-Nord. Sa mère étant décédée et son père travaillant à l’étranger, Kôichi vient habiter chez ses grands-parents et sa tante le temps d’une année. Victime de deux pneumothorax successifs, l’ado fait malheureusement une rentrée tardive, ce qui le place dans une situation plutôt embarrassante. En effet, dès son arrivée, il se rend compte que ses camarades lui cachent des choses et que le climat qui règne dans sa classe est plutôt pesant. Les drôles de règles qu’on tente de lui imposer (toujours respecter les décisions de la classe, sans se poser de questions) et les réactions étranges de ses congénères lorsqu’il essaye de discuter avec une mystérieuse jeune fille, prennent un tour de plus en plus inquiétant. Cela aurait-il quelque chose à voir avec les sept mystères du collège ou bien Kôichi se ferait-il des illusions ? Pourquoi tout le monde semble-t-il tellement avoir peur lorsqu’il adresse la parole à Mei ? La jeune fille au bandeau est-elle seulement réelle ?

  Bien que la première partie du roman semble un peu mollassonne, le récit se lit d’une traite et on se laisse petit à petit bercer par l’aura mystérieuse qui se dégage de Yomiyama-Nord. Les réactions étranges des élèves et professeurs, les non-dits qui règnent entre Kôichi et ses camarades, tout ceci concourt à installer une ambiance étouffante, qui prend peu à peu un tour plus cauchemardesque. Quand les cadavres commencent à s’empiler, le doute n’est plus permis « Another : celle qui n’existe pas » est un roman d’horreur qui sait jouer avec le suspense. L‘intrigue est prenante, on se pose tout un tas de questions sur Mei, sur ce qui s’est passé il y a 25 ans et un certain nombre d’éléments vient nous faire douter de tout le monde. On est pris au jeu et on se met inconsciemment à chercher « qui est le mort ? ». A la fin du premier tome, je n’avais plus qu’une envie, me jeter sur le tome 2.

  En ce qui concerne la narration, elle est parfois frustrante, Yukito Ayatsuji ne voulant pas dévoiler le « mystère » trop tôt. Ce qui est un peu dommage, étant donné que Kôichi est l’archétype même de l’élève japonais brillant, jamais il ne pousse les autres dans leurs retranchements et n’exige jamais qu’on lui réponde franchement. Attitude typiquement japonaise certes, mais qui nous donne envie de le secouer à de nombreuses fois. Son comportement un peu passif, sauf lorsqu’il s’agit de Mei, ne le rend pas particulièrement attachant non plus. Néanmoins, sa famille semble cacher bien des secrets, ce qui promet encore quelques surprises je pense. Côté écriture, il faut garder à l’esprit qu’il s’agit d’un récit jeunesse (japonais), donc ça reste assez simple. En bref, un premier tome étouffant qui prend un tour vraiment horrifique à la moitié du récit et qui malgré un début un peu lent, sait jouer avec un suspense bien dosé et une intrigue fascinante. Avis aux amateurs de malédictions et de creepy japonais !

Verdict : Bonne pioche

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Atsushi KANEKO – Deathco, tome 1

deathco 1Titre original : Deathco (2014)
Date de parution : 06/01/2016
Editions : Casterman
Collection : Sakka
ISBN : 978-2-203-09842-8
Nbr de pages : 169
Prix constaté : 8.45€

Résumé :
Dans une société où n’importe qui peut s’improviser tueur à gages, Deathko fait régner la terreur. Ado gothique et mélancolique, Deathko hait le monde entier et le lui fait payer. Lorsque la mystérieuse « Guilde » met la tête d’un malheureux à prix, Deathko quitte la cave du château où elle fabrique amoureusement ses instruments de mort.
La nuit venue, Deathko sort chasser.

Impressions :
Le mangaka de « Deathco » est connu pour son style affirmé, loin des classiques du manga, lorgnant plus facilement du côté des comics. Des encrages sombres, beaucoup de contraste et des personnages aux allures un peu rétro, époque fifties. Dans « Deathco », c’est toute une ambiance qui est programmée. Gothique, carnavalesque, grunge, torturée. Si vous êtes fans des romans d’Anonyme, des films de Rodriguez et Tarantino ainsi que de l’esthétique bizarre de David Lynch, « Deathco » ravira vos mirettes ! C’est un titre grinçant, délirant et jubilatoire, au graphisme magnifié. Un coup de cœur pour ce très bon titre de la collection Sakka de Casterman !

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  Atsushi Kaneko n’en est pas à son coup d’essai. Après des titres tels que Bambi, Soil ou encore Wet Moon, le mangaka a su montrer que le genre savait se renouveler et pouvait tout se permettre… Si tant est que l’on en a l’audace. « Deathco » met en scène un univers impitoyable où la Mort s’invite à toutes les pages. A travers ses personnages de tueurs à gages déjantés et dépourvus de scrupules, Atsushi Kaneko nous offre le spectacle le plus hallucinatoire du manga seinen. Clowns tueurs, cheerleaders macabres, lapin meurtrier semblant sortir tout droit de Silent Hill… Le mangaka nous invite à un show grand-guignolesque dont on ne sort pas indemne.

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  Projeté dans un univers fantastique et mortifère où les contrats s’exécutent à la chaine et avec emphase, régulés par une mystérieuse Guilde dont on ne sait presque rien, le lecteur s’en prend plein les yeux. Déluge d’hémoglobine et de corps s’effondrant que vient atténuer l’effet de saturation des noirs, ce manga est à réserver aux amateurs de seinen sombre. L’univers sans concessions d’Atsushi Kaneko est un régal pour qui aime les récits borderline et inventifs. Avec son panel de personnages tous plus étranges les uns que les autres, Deathco est d’une noirceur réjouissante. Un manga peuplé de cauchemars en tous genres, de poupées mortelles et de protagonistes vils.

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  Au beau milieu de toute cette violence, l’héroïne Deathko est peut-être le personnage le plus inquiétant. Une gamine ( ?) gothique qui se balade toujours en compagnie de sa chauve-souris perchée sur son épaule et qui s’enferme dans sa bat-cave pour créer des jouets mortels, il y a de quoi prendre ses jambes à son cou. Son visuel est très réussi : un peu gothique, un peu clown, trèèès dangereuse. Le graphisme est carré. Les planches savamment étudiées pour apporter tout le dynamisme des scènes mais ne faisant pas l’impasse sur une mise en scène théâtrale quand il le faut (comme lors de l’apparition de l’héroïne qui sort de l’ombre). Du grand délire. Bref, « Deathco » ne se lit pas, ne se vit pas, ne tue pas… il se dévore !

Verdict : Nuit blanche

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Holly GODDARD JONES – Kentucky Song

kentucky songTitre original : The next time you see me (2013)
Date de parution : 05/02/2015
Editions : Albin Michel
Collection : Terres d’Amérique
ISBN : 978-2-226-31465-9
Nbr de pages : 478
Prix constaté : 25€

Résumé :
L’étrange disparition de Ronnie Eastman, jeune fille sans histoire aimant faire la bringue et collectionnant les conquêtes, va bouleverser la vie d’une douzaine d’habitants d’une petite ville du Kentucky.
Il y a Susanna, la sœur de Ronnie, bonne épouse, bonne mère de famille, elle n’en mène pas moins une vie morne et a toujours envié la liberté de sa sœur. Il y a Tony, ex star du basket devenu flic. Il y a Émilie, une gamine de treize ans un peu étrange et qui cache un terrible secret. Mais aussi Wyatt, un ouvrier tourmenté par son passé et obsédé par un amour qu’il ne pense pas mériter.
Liés les uns aux autres d’une façon qu’ils ne peuvent imaginer, ces personnages voient leur destin leur échapper. Ils ne découvriront pas seulement ce qui est arrivé à Ronnie mais en apprendront bien davantage sur eux-mêmes.

Impressions :
S’il y a bien une collection que j’aime quand je souhaite lire de la bonne littérature américaine, c’est celle de Terres d’Amérique chez Albin Michel. Ce sont souvent des romans qui fraient avec le thriller, des récits noirs où la psyché humaine est explorée dans ses moindres recoins. Où les humains sont retors, frisant le point de rupture, où l’espoir d’une vie meilleure côtoie le désespoir de situations insondables. Le premier roman d’Holly Goddard Jones gravite autour de la découverte d’un corps et des vies qui vont être bouleversées par ce cadavre.

  De prime abord, les différents personnages introduits n’ont rien en commun. Une jeune adolescente mal dans sa peau, une professeure qui éprouve des difficultés relationnelles avec son mari, un ouvrier débonnaire ridiculisé par ses collègues. Mais pourtant dans cette petite ville à la lisière du Sud profond où tout le monde se connait, chaque habitant se trouve d’une manière ou d’une autre lié à son voisin. Susanna est la prof d’Emily, l’ado renfermée et Wyatt travaille avec le père de celle-ci. Lors d’une promenade en forêt, la découverte du corps d’une femme va venir faire voler en éclats l’équilibre précaire instauré dans cette petite ville en apparence sans histoire. En apparence seulement…

  Holly Goddard Jones n’a pas son pareil pour dresser un portrait corrosif de ses contemporains, poussé dans leurs derniers retranchements, livrés à leurs pulsions intimes. Brimades, intolérance, absence de compassion, les personnages en prennent pour leur grade. Dans ce paysage désolé où les mentalités n’ont pas beaucoup évoluées, la différence est mal perçue. C’est une tare, une aberration, un crime même. Trop gros, trop réservée, trop libérée, trop gentil, tout peut être retenu contre vous. La norme, c’est la meute, se fondre dans cette masse qui se moque et qui se complait dans son étroitesse d’esprit. Pas étonnant, dès lors, d’assister à ce drame que l’on prend à rebours, au fur et à mesure que les personnages nous racontent leur histoire. La narration est brillamment construite, évoluant jusqu’au point de rupture où tout a basculé. Un roman féroce et sans complaisance.

Verdict : Avec les honneurs

rock

Kentarô UENO – Sans même nous dire au revoir

sans-même-nous-dire-aurevoirTitre vo : Sayonara wo iwazuni (2010)
Broché paru le : 4 novembre 2011
Editeur : Kana
Collection : Made In
ISBN : 978-2-505-01318-1
Nbr de pages : 287
Prix constaté : 12.70€

Résumé :

Kentarô Inoue est mangaka. Il habite, avec sa femme et sa fille de 10 ans, dans une petite maison qui lui sert aussi d’atelier. C’est une famille heureuse. Jusqu’au jour où, alors qu’il s’apprête à se coucher, il la retrouve allongée face contre sol, inerte. « Sans même nous dire au revoir » raconte ce qui s’est passé ensuite dans la vie de l’auteur jusqu’à aujourd’hui.

Ce que j’en ai pensé :

  « Sans même nous dire au revoir » est un oneshot triste et un peu étrange, qui retrace le parcours du deuil du mangaka Ueno Kentarô lors du décès de sa femme. C’est donc un récit autobiographique et réaliste, qui fait la part belle aux sentiments et aux impressions « à chaud » de l’auteur confronté à la mort. Le manga est épais (presque 300 pages) et dense, le mangaka s’arrêtant parfois sur une sensation, pour ensuite s’intéresser à l’aspect plus « matériel » de la mort : les cérémonies funéraires japonaises, le coût des obsèques, les rites qui leur succèdent, etc. On se rend compte que par-delà l’horreur de la perte et du chagrin, c’est toute une machine qui se met en branle.

  Le mangaka reste très pudique dans son récit, et certains moments de grâce touchent le lecteur au cœur, comme lorsque celui-ci croque un portrait réaliste de sa femme avec beaucoup de tendresse. On peut dire que ce manga a été une manière pour lui de faire son deuil, de prendre pleinement conscience que l’être aimé ne reviendra pas et de finalement l’accepter. De cette manière, Ueno Kentarô dessine parfois quelques planches surréalistes, comme si une spirale infernale engloutissait toute sa raison et provoquait en lui un vertige. J’ai trouvé cela un peu étrange, même si j’ai bien compris où le mangaka voulait en venir.

  Au-delà de ces dessins singuliers, le trait de l’auteur est un peu « à l’ancienne », avec une griffe résolument réaliste mais pas toujours très harmonieuse ou adroite. Les visages sont très peu expressifs, un peu froids, on sent que l’auteur a du mal à faire passer l’émotion dans son trait, comme s’il cherchait à rester détaché de tout ça. Je vous dis tout de suite, je n’ai pas particulièrement adhéré à ce style, ce n’est franchement pas le point fort du manga. Le peine et le désespoir passe principalement par le texte, l’auteur s’interroge beaucoup, sur les circonstances de la mort de sa femme, sur leur vie passée et sur le souvenir qu’elle lui laissera. Néanmoins, le manga touchera certainement plus ceux qui ont perdu un proche, au risque pour les autres de se sentir un peu éloigner de cette prise de conscience.

Verdict : Bonne pioche

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