Titre original : Yawarakana hoho (1999)
Réédition parue le : 24/10/2013
Edition : Points
ISBN : 978-2757837139
Nbr de pages : 543
Prix constaté : 8.20€
Résumé :
A dix-huit ans, Kasumi est montée dans un bus et a fui la maison familiale pour tenter sa chance à Tokyo.
Après quinze ans d’absence, elle revient pour quelques jours à Hokkaido. Mais plus elle se rapproche de cette région inhospitalière de montagnes rudes et de mer grise, plus elle éprouve une inquiétude diffuse. Peut-être est-ce parce qu’il y a, toute proche, cette ville natale qu’elle a oubliée. Est-ce l’incongruité de la situation dans laquelle elle se trouve, dans cette voiture, entre son mari, ses enfants et son amant ? Ou ressent-elle confusément résonner entre ces montagnes écrasantes tous les signes de la tragédie à venir : la disparition inexplicable de sa petite fille…
Commence alors pour Kasumi une lente dérive, une enquête désespérée au cours de laquelle elle recevra l’aide inattendue d’Utsumi, un ancien inspecteur de police.
Impressions :
Voilà quelques années que je n’avais pas lu un roman de Natsuo Kirino, qui est l’une des auteurs japonaises de thriller les plus doués de sa génération (si, si ! je vous assure). Ses personnages sont toujours des êtres vils, ambitieux, brisés et la dame sait rendre à merveille une ambiance étouffante et angoissante en jouant sur l’aspect psychologique de ses intrigues. La réédition de Disparitions chez Points était pour moi l’occasion rêvée de me replonger dans un de ces Kirino’s brain games. Si le roman n’est pas tout récent (1999 déjà), on retrouve la patte de l’auteur, qui, si elle ne versait pas cette fois-ci dans le glauque, maitrise déjà son suspense avec doigté. La construction du récit est tout bonnement hallucinante car l’auteur passe des souvenirs d’un personnage à un autre, à la manière de pièce de puzzle que l’on emboiterait petit à petit. Les flashbacks sont nombreux et ne sont pas présentés de manière chronologique, ce qui pourrait déstabiliser facilement le lecteur. Mais Natsuo Kirino nous confronte aux différents narrateurs (trois en tout et pour tout) en nous plaçant directement dans leur tête. Et de fil en aiguille, un souvenir en amenant un autre, tout le processus narratif se met en branle. Le procédé semble fluide et si le récit ne mise pas sur une mise en scène échevelée (pas d’action à proprement dit), on ne s’ennuie pas une seconde. Le suspense s’en retrouve alimenté, l’angoisse montant inexorablement, au point que dès que je posais le livre, j’avais très envie d’y retourner pour en apprendre plus.
Le roman se concentre sur l’aspect psychologique et émotionnel des personnages, avec le côté sociétal, le regard des autres, les attentes du monde contemporain et en même temps un aspect plus « abstrait » avec l’idée de karma et de culpabilité, qui amènerait les personnages à payer pour leurs mauvaises pensées et leur comportement inconvenant, au point de déchoir. Kasumi se noie dans sa solitude, Utsumi dans la souffrance et l’oubli, Ishiyama devient gigolo, lui le carriériste talentueux… La vérité au final, est peut-être plus violemment matérialiste que l’on ne croit. Les personnages, en chute libre, se trouvent pris dans un cercle infernal dont ils ne semblent pas pouvoir sortir. Volontairement ou pas. Consumés par la maladie ou par les remords, Kasumi et Utsumi sont tous deux esclaves de leur corps et de leur esprit qui les trahit. Mais comment accepter la disparition d’un enfant ? Ou s’arrête la culpabilité et où commence le pardon ? L’auteur explore vraiment tous les aspects de la psyché de ses personnages et offre une vision très réaliste bien que tragique de la condition humaine. Le suspense est haletant et la fin précipite les personnages dans un aspect plus onirique, une fois toutes les pistes exploitées que reste-t-il sinon l’inconcevable ? Un grand final qui vous filera à coup sûr quelques frissons…
Commentaires récents