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Karen LORD – Le meilleur des mondes possibles

le meilleur des mondes possiblesTitre original : The Best of all Possible Worlds (2013)
Paru le : 12/06/14
Edition : Panini Books
Collection : Eclipse science-fiction
ISBN : 978-2-809-4395-88
Nbr de pages : 380
Prix constaté : 16€

Résumé :
Autrefois la race la plus avancée de la galaxie, les Sadiris ont été exterminés et leur monde natal détruit. Pour préserver leur espèce de l’extinction, les derniers survivants, en majorité des mâles, doivent s’organiser. Sur Cygnus Beta, des conseillers sadiris partent à la recherche des descendants d’une ancienne diaspora de leur peuple, dans l’espoir de trouver des femelles génétiquement compatibles afin de sauvegarder la société et le mode de vie sadiris.
Commence alors pour les derniers Sadiris une quête désespérée qui les amènera à percer les secrets de leur passé. Mais la survie de l’espèce passera par l’acceptation de leur condition, la refonte de leur société et ultimement, la recherche de l’amour…

Impressions :
« Le meilleur des mondes possibles » est le second roman d’une jeune auteure barbadienne qui ne laisse pas indifférent par son message de tolérance, de partage et d’empathie multiethnique. Bien que je ne sois pas férue de romance, j’ai trouvé ce récit touchant et porteur de belles valeurs, une ode à l’ouverture d’esprit et à la bienveillance. Car ici, la romance est portée par la question identitaire, par l’appartenance à une race, une religion et par son combat pour exister voire persister. Alors oui, il s’agit d’un roman de science-fiction où l’on découvre un monde différent du nôtre avec ses voyages temporels, ses différentes planètes, sa faune et sa flore. Mais le genre sert plus de support à une vision différente d’appréhender la vie, l’amour et la mort, à analyser des sentiments qu’à introduire une intrigue clairement SF.

  En quelque sorte, on pourrait même dire que « le meilleur des mondes possibles » possède quelques notions de fantasy, le récit nous plongeant dans une quête identitaire que ne renieraient pas les modèles du genre. Bien sûr l’apparition de vaisseau mental et de capacités psi permettant de lire dans les pensées ou d’influencer son entourage rappellent résolument la SF ou le fantastique. Loin de l’action trépidante, la narration est posée et on se laisse porter par le voyage entrepris par notre petit groupe de personnages à la recherche d’épouses potentielles pour les deniers survivants Sadiris. C’est l’occasion de découvrir les us et coutumes des uns et des autres, mais aussi leurs codes comportementaux et leur héritage. Sur ce point-là, Karen Lord se livre à un développement poussé, car les émotions et interactions entre les personnages sont de la plus haute importance.

  Etrangement, si l’on se fait petit à petit une idée précise de la manière d’être des uns et des autres, à travers de nombreux non-dits où perce une certaine pudeur, on a beaucoup de mal à se figurer les détails physiques des personnages. L’auteure détaille parfois les vêtements ou une posture pour les besoins d’une scène mais elle ne nous donne pas vraiment de particularité physique précise. On reste dans le flou. Ce qui est plutôt dommage vu le genre très ouvert de la SF. Reste que les protagonistes sont brossés avec soin, on s’y attache assez rapidement. Les amitiés qui se nouent au fur et à mesure sont plaisantes à suivre. Le comportement des Sadiris étant parfois surprenant selon les normes humaines, on ne saisit pas toujours au vol une tentative d’humour, mais il faut avouer que ça colle plutôt bien à la vision de l’auteure. C’est parfois un peu perturbant, à l’image de la rencontre avec le « faux » peuple Faërie dont on ne comprend pas de suite les paroles de la reine. Mais j’imagine que cette ambivalence était voulue par l’auteur, les Sadiris ne s’exprimant qu’à demi-mots. Bref, une chouette découverte.

Verdict : Bonne pioche

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Catherynne M. VALENTE – Immortel

immortelIllustration de couverture : Beth White
Titre original : Deathless (2011)
Editions : Panini Books
Collection : Eclipse
ISBN : 978-2-8094-3850-5
Nbr de pages : 465
Prix constaté : 20€

Résumé :
La jeune Maria Morevna, une brillante enfant de la révolution, devient la belle épouse de Kochtcheï avant de causer sa perte. En chemin, elle croisera des lutins stalinistes, accomplira des quêtes magiques, apprendra des secrets, se heurtera à la bureaucratie, à des jeux de désir et de domination.

Impressions :
Le genre imaginaire n’a jamais autant mérité son nom qu’à la lecture des récits de Catherynne M. Valente. Parce que du féérique, du magique, du fantastique, du mythe, vous n’en rencontrerez jamais autant que dans les romans de l’auteure, qui s’affranchit de tous les codes pour nous embarquer dans ses univers inventifs, poétiques et pittoresques. « Immortel » n’échappe pas à la règle. Ici, le lecteur plonge dans une ambiance irréaliste où les créatures les plus saugrenues et les plus saisissantes prennent corps au milieu d’un folklore peu revisité, celui de la mythologie slave. Si l’on retrouve quelques figures emblématiques telles que Baba Yaga ou l’oiseau de feu (qui s’apparente au phénix), on découvre également tout un bestiaire peuplé de créatures et de plantes fabuleuses : domovoï, roussalki, gamaïoun, raskobnik, alkonost, etc. Dépaysement assuré !

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  Catherynne M. Valente mêle folklore russe à des créations personnelles, le tout sous toile de fond historique, permettant ainsi de jolies métaphores et un sens caché que l’on se surprend à chercher (tels les cailloux du petit poucet). L’atmosphère est si opulente, l’univers décrit si étoffé que le lecteur ne peut qu’en prendre plein les mirettes ! Avec Valente, il est aisé de se laisser transporter en dehors du temps pour finir par se laisser prendre au jeu (de mots) dès les premières pages (et les premiers « boum badaboum » !). « Immortel » est un conte cruel et ambitieux difficile à présenter sans maladresse. Il faut le lire en mettant de côté toute vraisemblance, car ici le réel n’a plus corps, même quand l’auteure intègre une part de faits historiques. A charge pour le lecteur de se laisser emmener par la main par Maria Morevna dont la vie est faite d’aventures douces et tragiques.

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  Certains lecteurs resteront peut être hermétiques à cet univers décalé, intemporel mais en même temps ancré dans l’ère soviétique du début du XXème siècle. Personnellement, je suis sensible à cette débauche de saveurs oniriques et à cette épopée tumultueuse qui ne ressemble à nulle autre. Si vous savez faire abstraction de toute logique, si les films les plus fantastiques de Ghibli vous fascinent, probablement que vous saurez savourer comme il se mérite ce conte funeste. Car l’auteur joue sur les critères de vie et de mort, de non-vie et de non-mort. Dans le fond « Deathless » c’est plus qu’être immortel comme Kochtcheï, c’est ne pas pouvoir mourir mais ne pas être totalement vivant non plus. Cette jolie phrase décrit très bien le roman : « Et la mort n’aura pas d’empire sur elle ».

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  La grande force de Valente, c’est sa langue si riche, son talent de conteuse hors du commun, qui fait de la narration d’Immortel un petit bijou de style. Oubliez les règles concrètes, le tangible, le palpable, tout est question d’harmonie, de poésie. Au point qu’une lecture à haute voix peut sembler nécessaire pour profiter au mieux de certains passages. On se laisse transporter par le rythme des phrases, par ces envolées lyriques et ces métaphores. Impossible de ne pas saluer, en passant, le merveilleux travail de traduction de Laurent Philibert-Caillat. Je vous déconseille de vous essayer à la vo sans un très bon niveau d’anglais, au risque de vous y casser les dents.

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  Le récit nous immerge dans le quotidien de Maria Morevna, jeune fille banale pourtant sensible à la magie et aux vieilles croyances. Bien malgré elle, mais sans résister beaucoup non plus, la jeune héroïne se laisse emmener dans cet univers de conte pour être prise pour épouse par le glacial et séduisant Kochtcheï, dit l’immortel. Les rebondissements sont spectaculaires et fantastiques, les péripéties et autres épreuves que devra traverser Maria pour accomplir sa destinée ne laissent pas indifférent. Haine, jalousie, passion, fatalité sont au cœur de ce roman imaginatif. Si avec tout ça, je ne vous ai pas donné envie de vous jeter sur « immortel », blâmez-moi et ma pitoyable chronique mais pas le magnifique roman de Catherynne Valente.

  Un avertissement pour finir : « Méfiez-vous donc de cet oiseau qui vous observe depuis sa branche. Il n’est pas dit qu’un tsar cruel et attirant ne se cache pas sous ses habits de plume et viennent pour vous enlever… boum badaboum ! »

Verdict : Nuit blanche

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Dru PAGLIASSOTTI – Icarus

IcarusIllustration de couverture : Marc Simonetti
Titre original : Clockwork heart (2008)
Paru le : 17/07/2013
Editions : Panini Books
Collection : Eclipse
ISBN : 9782809432077
Nbr de pages : 512
Prix constaté : 14€
Existe au format epub à 8.99€

Résumé :
Taya survole Ondinium grâce à ses ailes de métal. C’est une Icarus, une messagère qui circule d’un niveau à l’autre de la cité, en côtoyant librement les membres des différentes castes. Mais ce privilège a un prix : le danger ; particulièrement lorsqu’elle se trouve impliquée dans les intrigues de la cité, après avoir sauvé de la mort des membres d’une éminente famille. À son insu, son destin va se retrouver lié à celui des frères Forlore qui cachent de dangereux secrets.
Dans cette ville où la vie est rythmée par un cœur mécanique, mais également par les trahisons, la mort et les complots, Taya risque fort de s’y brûler les ailes.

Impressions :
Les éditions Eclipse, que l’on avait craint voir disparaitre il y a peu, renaissent de leurs cendres cette année avec l’arrivée en force de nouveaux titres intrigants et novateurs, des choix intéressants dans le monde de la SFFF quelque peu stagnant. Le choix d’éditer « Icarus » est intéressant, déjà car c’est un tome unique (ce qui devient de plus en plus rare de nos jours), mais surtout parce qu’il mélange les genres et les thèmes pour mieux casser les codes. Amalgame d’urban fantasy et de SF, « Icarus » nous offre un pur moment de divertissement, sans défis à relever. Efficace, Dru Pagliassotti manie humour, romance, complot et univers steampunk avec allant. La lecture se fait rapide, comme lorsque l’on visionne un épisode de notre série TV préférée. Si ce n’est certes pas une tuerie (terme que l’éditeur évite de jeter à tort et à travers contrairement à certains), c’est plaisant, frais, pétri de bonnes idées et dépourvu d’un manichéisme trop lisse qui peut vite devenir barbant.

  J’avais craint, à un moment de ma lecture, que la romance (un bon vieux triangle amoureux) et les scènes coquines (que l’on associe souvent à ce genre de titres) s’en mêlent, mais heureusement l’auteur évite au moins cet écueil. Ouf ! Lectrices fans de « bit-lit » passez donc votre chemin. L’aspect romantique s’avère au final sympathique et pas trop « poussé », la relation de Taya et Cristof étant plutôt attendrissante et parfois drôle. Ce qui m’a plu principalement dans « Icarus », c’est l’aspect SF de l’univers décrit par Dru Pagliassotti. Les avancées technologiques innovantes, le mode de déplacement des icarus, tout le système de harnachement est d’ailleurs restitué avec moult détails, preuve que l’auteur avait une idée très précise en tête. De même que l’aspect diplomatique et sociologique des castes se révèle prenant et abouti, avec tout un panel de subtilités à appréhender.

  Niveau point négatif, ce qui m’a le plus gênée, c’est qu’arrivée aux 2/3 du roman, la trame s’enlise (j’avais l’impression d’en être déjà au grand final, c’est pour dire). Et certaines révélations auraient pu être soit occultées, soit être dispatchées plus tôt. En cela, la construction du récit a été mal agencée par l’auteur, comme si l’idée lui était venue trop tard et qu’elle avait tout de même décidé de l’ajouter à la trame. Dommage car le rythme s’en retrouve bizarrement ralenti, voire cassé comme un faux départ (ici plutôt une fausse arrivée !), pile au moment où l’action devrait être au rendez-vous. Si les éléments de la narration avaient été mieux pensés, j’aurais pu classer « Icarus » comme une très bonne découverte car l’auteur fourmille d’idées qu’elle arrive parfaitement à faire s’imposer à notre esprit. Tous les ingrédients sont réunis pour offrir du spectacle, ce qui est d’autant plus regrettable. Néanmoins, j’ai passé un moment fort sympathique en la compagnie de ces exaltés et icarus, j’espère que l’auteur nous réserve de bonnes choses pour l’avenir.

Verdict : Bonne pioche

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