Archives de Tag: Roman noir

Colin WINNETTE – Là où naissent les ombres

là où naissent les ombresTitre original : Haints stay (2014)
Traduit par : Sarah Gurcel
Date de parution : 22/04/2016
Editons : Denoël
Collection : Gothic
ISBN : 9782207131602
Nbr de pages : 222
Prix constaté : 20.50€

Résumé :
Plongez dans l’essence même de l’Amérique profonde et violente, celle des âmes perdues.

Brooke et Sugar se disent frères et sont chasseurs de primes. Partout où ils passent, ils sèment effroi et désolation. Contraints de quitter la ville après une tuerie particulièrement violente, ils se réfugient dans les bois. Un matin, à leur réveil, ils trouvent à leurs côtés un mystérieux garçon amnésique. Ils l’appellent Bird et en font leur mascotte. Lors d’une expédition punitive dans un village, les deux frères sont capturés par la police locale et mis en prison. Brooke parvient à s’enfuir, mais Sugar, sorte de bête humaine, sale et effrayante, reste derrière les barreaux.

Impressions :
Oubliez tout ce que vous avez pu lire en 4ème de couverture, ce synopsis semblant avoir été écrit par quelqu’un qui ne se souvenait plus dans les détails de l’histoire. Oubliez également tout ce que vous connaissez sur les westerns, Colin Winnette réécrivant sa propre version du genre avec une âpreté qui se ressent jusque dans sa plume. Ce roman à l’ambiance très sombre se lit d’une traite grâce à un pouvoir d’attraction très fort. Attraction exercée par des personnages belliqueux mais fascinants, par un univers impitoyable et sauvage, par une construction labyrinthique où chaque personnage finit par se retrouver inextricablement lié à un autre. Le portrait croisé d’individus brisés qui se croisent, font un bout de route ensemble pour mieux se quitter et qui au final ne peuvent compter que sur eux-mêmes. Un récit magnétique où tout est mal qui finit mal. A déconseiller aux âmes sensibles ou à ceux qui n’aiment pas les romans à l’aura trop noire.

  On retrouve tout ce qui fait le sel d’un bon western : la poussière des cavalcades, les errances le long de la lande désertique, l’odeur de la poudre lors des joutes de pistolero, le déchainement de violence de personnages aculés. Mais le roman de Colin Winnette ne se résume pas à ça. Il introduit un élément étrange (je ne dirais rien qui pourrait vous gâcher la surprise) qui confère à son récit une singularité qui viendra bousculer la destinée des personnages. Tout découlera de ce simple fait et l’effet boule de neige se mettra dès lors en marche. De quoi confirmer l’adage : « On récolte ce que l’on a semé ». J’ai beaucoup apprécié la manière dont l’auteur bouscule le genre pour en faire quelque chose de plus personnel et de plus recherché. On est loin de l’impression des westerns spaghetti. Il y a un vrai travail sur l’ambivalence des personnages, des réflexions sur leur environnement hostile, sur la précarité de la vie.

  Si le récit dégage une violence certaine, il en émane aussi une sensibilité subtile. Quoi qu’aient commis les protagonistes, on a du mal à les détester. Ils ne sont que la somme de ce qu’ils ont vécu. Une vie d’errance, un monde froid et cruel qui ne fait de cadeau à personne, voilà tout ce qu’ils ont connu. Brooke et Sugar, les deux chasseurs de prime, mais aussi Bird, l’enfant amnésique ainsi que Martha et Mary, tous sont perdus, tous ont été abandonnés à un moment ou à un autre. Bien que l’auteur ne passe pas des dizaines de pages à fouiller le passé de ses personnages, il en livre suffisamment de lambeaux pour nous les rendre profondément humains. A cela s’ajoute la narration hypnotique qui nimbe le récit d’un appel souverain. On ne peut plus lâcher le livre. Il faut dire que Colin Winnette possède une plume soignée, offrant de belles figures de style et des analogies qui nous restent longtemps à l’esprit. Bref, carton plein pour « Là où naissent les ombres » et un auteur que je suivrai à l’avenir.

Verdict : Nuit blanche

nuit-blanche

Sandrine COLLETTE – Il reste la poussière

il reste la poussièreDate de parution : 25/01/2016
Editions : Denoël
Collection : Sueurs Froides
ISBN : 978-2-207-13256-2
Nbr de pages : 302
Prix constaté : 19.90€

Résumé :
Patagonie. Dans la steppe balayée de vents glacés, un tout petit garçon est poursuivi par trois cavaliers. Rattrapé, lancé de l’un à l’autre dans une course folle, il est jeté dans un buisson d’épineux.
Cet enfant, c’est Rafael, et les bourreaux sont ses frères aînés. Leur mère ne dit rien, murée dans un silence hostile depuis cette terrible nuit où leur ivrogne de père l’a frappée une fois de trop. Elle mène ses fils et son élevage d’une main inflexible, écrasant ses garçons de son indifférence. Alors, incroyablement seul, Rafael se réfugie auprès de son cheval et de son chien.
Dans ce monde qui meurt, où les petits élevages sont remplacés par d’immenses domaines, l’espoir semble hors de portée. Et pourtant, un jour, quelque chose va changer. Rafael parviendra-t-il à desserrer l’étau de terreur et de violence qui l’enchaîne à cette famille?

Impressions :
Le dernier roman de Sandrine Collette est un thriller désespéré, sans concessions, qui joue avec l’âme humaine dans tout ce qu’elle a de plus abjecte. A l’image de cette image de couverture, de ce désert aride où rien ne pousse, l’auteure ne semble rien attendre de ses personnages dont il ne sort rien de bon. Au beau milieu de la steppe patagonienne, vit une famille que seuls lient les liens du sang. D’amour point. Ni même une infime trace de tendresse. Se serrer les coudes face à l’adversité ? Plutôt dire trainer ses proches dans la même fosse à purin. A l’instar de la mère qui si elle n’est pas heureuse, ne veut pas que les autres le soient non plus. Même s’il s’agit de ses fils. Surtout s’il s’agit de ses fils…

  Dans « Il reste la poussière », on retrouve cette noirceur que j’avais tant apprécié dans « Des nœuds d’acier ». C’est un roman sombre, pesant, à l’atmosphère étouffante et poussiéreuse. Un petit air de western, une grande part de tension psychologique avec des personnages poussés dans leurs retranchements. On suit la fratrie la peur au ventre, une boule d’angoisse dans la gorge, se demandant à chaque instant comment tout cela va finir. Sandrine Collette réussit à merveille à nous happer dans cette steppe stérile. Le suspense est tiré au cordeau. Chaque petit événement vient nous oppresser un peu plus encore. Jusqu’au dénouement final.

  Des personnages finalement, on en sait si peu. Mais l’auteure nous dévoile leurs pensées les plus profondes, leurs peurs, leurs attentes. Juste ce qu’il faut pour tendre un suspense psychologique effrayant. Certains passages et certaines descriptions sont brutales, mieux vaut ne pas débuter ce roman dans un moment de déprime. Entre les coups et le mépris constant, on se demande comment Rafael le petit dernier réussit à garder espoir. Car oui, il y a bien une petite étincelle de vie au beau milieu de cette fureur. L’espoir d’un geste de tendresse, d’un regard de reconnaissance ou d’une parole de réconfort. Qui se verra récompensé d’une drôle de manière. Bref, un récit âpre, cruel même mais qui ne laisse pas indifférent.

Verdict : Bonne pioche

bonne-pioche

Jérôme NOIREZ – Brainless

brainlessDate de parution : 21/05/2015
Editions : Gulf Stream
Collection : Electrogène
ISBN : 978-2-35488-248-8
Nbr de pages : 247
Prix constaté : 16€

Résumé :
Jason, adolescent médiocre surnommé Brainless, habite Vermillion, petite ville du Dakota du Sud où la jeunesse s’ennuie. Tous les jours, Brainless se fait une injection de formol, pour ne pas pourrir. Depuis qu’il est mort, étouffé par une ingestion massive de maïs, les deux hémisphères de son cerveau peinent à communiquer. Son estomac ne digère que de la viande crue. Il a cessé de dormir et de respirer. En dehors de cela, son quotidien n’a pas beaucoup changé depuis qu’il est atteint du SCJH – le syndrome de coma homéostasique juvénile, une nouvelle maladie touchant les adolescents, de plus en plus répandue aux États-Unis – depuis qu’il est un zombie, autrement dit… Il lui arrive seulement, de temps à autres, de se demander quel goût a le cerveau humain. Mais parmi ses camarades de classe, certains ont des projets bien plus macabres.

Impressions :
Les cellules de votre cerveau se ramollissent ? Vous n’arrivez plus à vous concentrer ? Lisez « Brainless » ! Qui sait, vous êtes peut-être atteint du même syndrome que le héros de ce roman qui est revenu à la vie après un décès des plus… cocasses ! Le remède à vos soucis de concentration se trouve probablement entre ces pages…

  Plus sérieusement, même si vous n’êtes pas un zombie (non ? Sûr ? Même pas une touuute petite envie de cerveau ?), je vous conseille de lire ce récit qui nous fera rire tout comme il vous fera réfléchir. Ce roman jeunesse de Jérôme Noirez qui inaugure la nouvelle collection Electrogène chez Gulf Stream est une petite bombe ! Entre le roman noir et l’humoristique, Brainless se moque des clichés du mouvement ado américain. Avec ses b**tchs délurées, ses sportifs décérébrés et ses laissés-pour-compte qui s’en prennent plein la tronche. Au milieu de ce cirque, notre ami Brainless avec son cerveau à la ramasse passe presque pour une lumière. En tout cas, c’est l’un des rares à « réfléchir » un tant soit peu. Le comble…

  La narration alterne entre les confidences de Jason, alias « Brainless », et un narrateur omniscient qui nous rapporte les faits avec beaucoup d’humour. Jérôme Noirez se moque de ses personnages et les tacle à coup de jeux de mots et de remarques assassines et franchement on en redemande ! Le récit est parsemé de nombreuses références aux films d’horreur, le héros en étant d’ailleurs un grand fan, et c’est cette même culture cinématographique qui est raillée. J’ai beaucoup aimé l’aspect persifleur du roman, l’auteur maniant les mots avec une aisance impressionnante. J’avais déjà adoré cette gouaille dans « Féérie pour les ténèbres », et « Brainless » vient me conforter dans le fait que Jérôme Noirez est devenu un de mes auteurs français d’imaginaire préférés avec Anthelme Hauchecorne et Fabien Clavel.

  Mais « Brainless », ce n’est pas seulement un roman humoristique, c’est aussi un roman noir comme je vous le disais. Si l’auteur se moque de ces ados américains bouffis de ridicule, il nous en montre aussi la déviance avec une tuerie comme on en voit régulièrement dans les lycées. Nourris par l’internet, gavés d’idées raclées dans les jeux vidéo et les films, certains de ces jeunes espèrent trouver la gloire en battant le record de meurtres dans un établissement scolaire. Glaçant ! Et la fin, entre horreur et dérision restera dans les annales ! Bref, lisez « Brainless » ou je vous mange le cerveau !

Verdict : Nuit blanche

nuit-blanche

Karim BERROUKA – Fées, weed et guillotines

fées weed et guillotinesDate de parution : 03/04/2014
Edition : ActuSF
Collection : Les 3 souhaits
ISBN : 978-2-917689-61-5
Nbr de pages : 378
Prx constaté : 18€

Résumé :
La dernière fois que Jaspucine a mis un pied dans le monde des hommes, elle en a littéralement perdu la tête : la Révolution française n’a pas été une période très profitable pour les créatures féeriques. Sauf pour Zhellébore, l’enfoirée qui l’a envoyée à l’échafaud. La vengeance étant un plat qui se mange froid, Jaspucine est bien décidée à retrouver la traîtresse. Même si pour cela elle doit s’attacher les services d’un détective. Mais à force de remuer ciel et terre, c’est sur une conspiration bien plus grande que la fée et l’enquêteur vont tomber.

Impressions :
Avec un titre et une couverture pareille, le nouveau roman de Karim Berrouka laissait présager une aventure complétement rock’n’roll, mélange d’histoire et de fantasy avec un soupçon de roman noir pour lier le tout. Il s’avère que le contenu est un pur délire délice, qui m’a tenu en haleine une bonne partie de la nuit tant j’étais sous le charme ravageur de cette histoire folle et de l’humour décapant de l’auteur. Envie d’une bonne petite lecture rafraichissante histoire de prolonger l’été ? Ce roman vous tend les bras, amis de la fantasy hors-norme !

  Je ne vous étonnerai pas en disant qu’il est ici question de fées, de weed et de guillotines ! Oui, le roman porte très bien son nom et mélange dans une grande marmite une nuée de références et d’éléments disparates qui donnent toute la saveur de ce premier tome. Prenez un détective qui s’ennuie, lancez-le sur la piste d’une mystérieuse femme au sourire flippant et introduisez un soupçon de magie en la personne d’une fée très rock’n’roll qui ne jure que par le violet, se balade avec des monceaux de pierres précieuses et n’a pas la langue dans sa poche, vous obtiendrez un bouillon déjanté digne des plus grands maitres de l’humour. J’ai adoré le ton du récit, corrosif et absurde, qui sait se jouer des mots et détourne des expressions connues avec beaucoup d’intelligence. C’est très jubilatoire.

  Les personnages sont truculents et ne font pas dans la dentelle. Quel plaisir de suivre notre petit groupe de bras-cassés qui se mettent dans des situations impossibles. Les joutes verbales entre les différents protagonistes offrent des dialogues aux petits oignons et apportent un rythme soutenu, ça fuse dans tous les sens. Les fées aux noms improbables (Jaspucine, Zellébore) et nos enquêteurs (Marc-Aurèle, Etienne, Premier de la classe) s’unissent pour le meilleur et le pire à la recherche du nuiton, ce personnage flippant et insaisissable qui sème le chaos sommeil sur son passage. Karim Berrouka fait preuve d’une belle inventivité en créant cet univers parallèle qui rejoint notre Histoire en puisant dans les légendes pré-existantes. Les petites phrases à chaque début de chapitre qui résument celui-ci avec beaucoup d’humour, annoncent de suite la couleur. Il s’agit de fantasy humoristique, où rien n’est à prendre au sérieux. C’est divertissant, bien troussé et très absorbant. Bref, à découvrir de toute urgence !

Verdict : Nuit blanche

nuit-blanche