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M.R. CAREY – Celle qui a tous les dons

celle qui a tous les donsTitre original : The girl with all the gifts (2014)
Traduit par Nathalie Mège
Date de sortie : 23 Octobre 2014
Editions : L’Atalante
Collection : La dentelle du cygne
Nbr de pages : 442
Prix constaté : 23€

Résumé :
Tous les dons ne sont pas une bénédiction. Chaque matin, Melanie attend dans sa cellule qu’on l’emmène en cours. Quand on vient la chercher, le sergent Parks garde son arme braquée sur elle pendant que deux gardes la sanglent sur le fauteuil roulant. Elle dit en plaisantant qu’elle ne les mordra pas. Mais ça ne les fait pas rire. Melanie est une petite fille très particulière…

Impressions :
Après la période vampires et loups garous, c’est au tour des zombies d’avoir le vent en poupe (vent qui charrie des relents putrescents, yum !). Fascination exercée par ces humains transformés, peur d’une apocalypse imminente, la figure du zombie attire par le champ des possibilités qu’elle laisse entrevoir. Les romans de zombies se répartissent ainsi en deux groupes : les romans de pur divertissement, dont le but avoué est de nous foutre la trouille sans chercher plus loin, puis il y a les romans plus introspectifs, qui tirent plus vers le récit psychologique ou la satire sociale. « Celle qui a tous les dons » est de ceux-là. Un récit apocalyptique bouleversant qui nous interroge sur notre rapport aux autres. Venez donc faire la rencontre de Mélanie, cette petite fille pas comme les autres…

  Véritable succès lors de sortie en vo, le roman de M.R. Carey fascine grâce à son personnage central hors du commun. Une petite fille oui, mais bien différente des enfants normaux. La narration faite à la 3ème personne du singulier permet au lecteur d’appréhender à petits pas l’environnement dans lequel évolue la fillette. On se sent proche d’elle mais en même temps quelque peu comme un observateur étranger, qui découvrirait la situation progressivement. De ce fait, on s’étonne, on s’offusque du traitement subi par Mélanie et on se met à examiner de plus près son macrocosme. Pourquoi la traite-t-on ainsi ? Pourquoi les adultes la craignent-ils ? Qu’y a-t-il derrière l’enceinte de cette prison ? Et pourquoi est-ce sous le contrôle de militaires que ces enfants évoluent ? Autant de questions qui soulèveront de nombreux sujets de réflexion.

  L’univers imaginé par M.R. Carey est surprenant. L’ordre établi a été renversé par une apocalypse d’un genre nouveau. D’un côté les Affam, de l’autre les cureurs, et au milieu quelques poches de résistance de militaires et de scientifiques qui essayent de trouver un moyen de changer la donne. Même si cela doit les pousser à des actes horribles. Plus que l’aspect horrifique c’est l’angoisse qui prime dans ce roman. Que ce soit à travers Mélanie sujette à des réactions inattendues, que ce soit par le danger constant qui sourd de leur environnement, on reste sans arrêt sur le qui-vive. La seconde partie du roman, plus tournée vers l’action apporte son lot de suspense et de révélations. L’intrigue, efficace, joue avec nos nerfs. Certains scènes sont très cinématographiques et rappellent Walking Dead (la série tv), on en a la chair de poule.

  Si je mentionne cette série, c’est aussi parce que le roman s’intéresse aux relations humaines (et non-humaines) et à l’aspect psychologique qu’elles soulèvent. Les personnages sont bien campés et n’ont rien de manichéen. A chacun son but, sa personnalité, son passé et sa façon d’appréhender un environnement mortifère. Un militaire, une scientifique, une maitresse d’école puis bien sûr Mélanie. Tous devront apprendre à « vivre » ensemble et à se faire confiance s’ils veulent survivre. Les réflexions de Mélanie concernant son univers et sa nature profonde sont intelligentes et nous font réagir. La fin ? Comment dire… est surprenante et audacieuse, c’est le moins qu’on puisse dire. Laissez-vous donc surprendre par celle qui a tous les dons !

Verdict : Avec les honneurs

rock

Yana VAGNER – Vongozero

vongozeroTitre original : Vongozero (2011)
Traduit du russe par : Raphaëlle Pache
Date de parution : 19/09/2014
Editions : Mirobole
ISBN : 979-10-92145-27-4
Nbr de pages : 470
Prix constaté : 22€ (version numérique 13.99€)

Résumé :
Anna vit avec son mari et son fils dans une belle maison près de Moscou. Un virus inconnu a commencé à décimer la population. Dans la capitale en quarantaine, la plupart des habitants sont morts et les survivants – porteurs de la maladie ou pillards – risquent de déferler à tout instant. Anna et les siens décident de s’enfuir vers le nord, pour atteindre un refuge de chasse sur un lac à la frontière finlandaise : Vongozero.
Bientôt vont s’agréger à leur petit groupe des voisins, un couple d’amis, l’ex-femme de Sergueï, un médecin… Le voyage sera long, le froid glacial, chaque village traversé source d’angoisse, l’approvisionnement en carburant une préoccupation constante.

Impressions :
Depuis leur lancement, les éditions Mirobole ont toujours misé sur des choix éditoriaux novateurs en publiant des œuvres russes, moldaves, et en dénichant des pépites dans la littérature de genre. « Vongozero » de Yana Vagner fait partie de ces romans aux qualités indéniables dont on entend peu voire pas du tout parler parce qu’il ne nous provient pas du monde anglo-saxon. Il fait pourtant partie du haut du panier avec cet aspect apocalyptique réaliste qui rend le récit prenant et offre une interprétation perspicace d’une catastrophe majeure. Mettant de côté le caractère « série B » avec ses zombies et autres joyeusetés, Yana Vagner se concentre sur les retombées d’un virus mortel sur sa population et sur la fuite éperdue d’un groupe de personnes réunies par le sort et obligées de se subir pour survivre. Si vous n’appréciez pas la surenchère de gore des récits de zombies, « Vongozero » pourrait tout à fait vous plaire !

  Le fait que le récit soit abandonné entre les mains d’un seul et même personnage (qui forcément nous livre une version toute personnelle et quelque part arbitraire des événements), cela installe une relation privilégiée entre lecteur et narrateur et permet une immersion totale. Anna, la narratrice, est fort heureusement un personnage composite avec un contexte familial compliqué et une position délicate vis-à-vis de son statut de « voleuse de mari ». Ses relations tendues avec sa belle-famille, ses amitiés de « surface » qui font d’Anna quelqu’un d’assez solitaire finalement, tout cela concourt à maintenir un climat de tension constante, notre héroïne se retrouvant par la force des choses obligée de voyager avec des personnes qu’elle n’apprécie guère.

  Bien qu’on ne puisse pas qualifier le roman d’horrifique, l’environnement psychologique angoissant apporté par la peur permanente (peur d’attraper la maladie, peur de ne pas arriver à destination, peur de manquer d’essence, de vivres, de se faire attaquer sur la route) joue énormément sur les nerfs et rend le récit éprouvant. Les descriptions parfois difficiles de cette Russie au bord de l’implosion ajoutent à la dynamique du récit et nous confrontent à nos peurs les plus primales. Certains passages du roman suscitent chez le lecteur le même sentiment d’impuissance que chez Anna. D’autres, au contraire, déclenchent ce même mécanisme d’auto-défense qui nous rend plus fort, quitte à nous insensibiliser face à la détresse d’autrui. C’est le ressort de « Vongozero », nous interroger sur les limites de l’être humain. Nous interroger sur nos valeurs, sur nos ressources. Pour survivre, pour tenir le coup mentalement, il faut parfois laisser notre subconscient parler, quitte à créer des divergences au sein du groupe, à la jouer perso. Un roman clairvoyant et captivant que je n’oublierais pas de sitôt.

Verdict : Avec les honneurs

rock

Alden BELL – Les faucheurs sont les anges

les-faucheurs-sont-les-angesTitre original : The reapers are angels (2010)
Date de parution : 29/08/2013
Edition : Folio SF
ISBN : 978-2-07-045237-8
Nbr de pages : 306
Prix constaté :7.70€

Résumé :
Temple a quinze ans. Elle ne peut se souvenir du monde tel qu’il était avant, il y a vingt-cinq ans. Avant que les morts ne reviennent à la vie, avant de se retrouver seule ou presque, sans personne d’autre qu’elle-même pour assurer sa survie. Heureusement, elle semble faite pour ça, et son périple sur les routes des Etats-Unis lui permet de se nourrir chaque jour de la beauté du monde. Pourquoi, dès lors, éprouver le moindre ressentiment pour les autres : les limaces, les sacs à viande.

Impressions :
   Je continue sur ma lancée dans la découverte des romans post-apo/zombiesque après un « Vers la lumière » qui m’avait électrisé. « Les faucheurs sont les anges » dont les retours étaient assez mitigés, m’a au final bien plu. Il est plutôt réussi dans le genre, bien qu’un certain nombre de choses m’aient fait tiquer. Le récit nous plonge dans la vie de Temple, jeune fille de 15 ans étant née après la catastrophe. Nous suivons donc cette gamine qui a dû s’adapter à un mode de vie très dur et qui n’a jamais vraiment connu la paix et la tranquillité d’esprit. Toujours sur le qui-vive, prête à se battre et n’éprouvant parfois pas de remords quand il s’agit de survivre et de se faire une place. Du moins en apparence, vu que l’on apprend petit à petit que Temple se considère comme un monstre…

  Je ne dirais pas que j’ai réellement réussi à m’attacher à l’héroïne, qui reste beaucoup trop dans le retrait et qui ne se livre jamais complétement pour qu’on l’apprécie. Pour preuve, je n’ai pas été choquée par la fin, bien au contraire, j’ai apprécié que l’auteur aille jusqu’au bout de son histoire, sans guimauve dégoulinante. La tendance qu’a la jeune fille à faire de l’esbroufe et à paraitre détachée coûte que coûte, m’a plus agacé qu’autre chose. Par exemple sa manière d’interpeller son compagnon de voyage par « L’idiot » est assez désagréable. Même si on se rend compte qu’elle s’y est attachée plus qu’elle ne veut le laisser croire.

  L’ambiance du roman est bien rendue, entre les paysages désolés, les bâtiments dévastés et les groupes de survivants hétéroclites. On passe d’une communauté retranchée dans un vieux centre commercial avec des règles préétablies, à une famille de nantis barricadée dans le luxe de sa demeure. J’ai apprécié les différentes rencontres que fait Temple, le portrait de ces survivants si dissemblables. Un certain passage m’a d’ailleurs fait penser à « Walking Dead » le comics/série Tv. Le fait que l’héroïne soit toujours en mouvement permet de découvrir l’ampleur de la catastrophe, bien que l’auteur ne nous fournisse pas beaucoup de détails sur le pourquoi du comment.

  Certaines incohérences assez flagrantes et des ficelles un peu grosses ont cependant freiné mon enthousiasme (c’est quelque chose qui me défrise). Par exemple, le récit se passe plusieurs décennies après la catastrophe mais Temple trouve encore des denrées comestibles et de l’essence à foison. Sans compter l’électricité qui fonctionne encore. J’ai du mal à croire qu’il y ait encore grand-chose de potable dans les magasins, même si les humains encore en vie se réduisent à peau de chagrin. Rien n’a été approvisionné, et la catastrophe n’a pas dû décimer la population en une nuit… De même que je trouve peu crédible que les survivants restant sachent faire fonctionner les centrales. Et avec le nucléaire, la surchauffe aurait causé de gros dégâts. Autre point qui ne m’a pas convaincu, c’est le fait que l’héroïne, badass et combattante de génie, n’ait que 15 ans. Son comportement siérait plus à une jeune femme de 20 ans. Enfin, je n’ai pas bien compris le pourquoi du titre ? Même après avoir lu le roman…

  Bref, un roman efficace même s’il n’est pas exempt de défauts, avec une fin désenchantée à la hauteur du genre.

Verdict : Bonne pioche

bonne-pioche

Don REARDEN – Le présage du corbeau

le-présage-du-corbeauTitre original : The raven’s gift (2011)
Paru le : 13/06/2013
Edition : Fleuve Noir
ISBN : 978-2-265-09691-2
Nbr de pages : 336
Prix constaté : 19.90€

Résumé :
John et Anna, un jeune couple de profs, ont tout quitté pour enseigner en Alaska, chez les Yupiks, une tribu inuit. L’intégration est difficile dans cette contrée si loin de tout, ravitaillée quelquefois dans l’année seulement. Lorsque l’hiver arrive, une grippe extrêmement virulente décime le village. John est bientôt seul et tente de rejoindre la civilisation. Sur son chemin, il rencontre une jeune aveugle et une vieille femme, deux Yupiks réfugiées dans une maison désertée.
Une incroyable odyssée commence alors pour les trois survivants…

Impressions :
Premier roman de Don Rearden, on sent que « Le présage du corbeau » a été longuement mûri et nourri par l’expérience de l’auteur qui vit en Alaska. Réfléchi, documenté (l’auteur connaissant parfaitement la culture Yupik et ça se ressent), visionnaire, Don Rearden nous livre un très bon premier roman, maitrisé et abouti. On pourrait pratiquement le qualifier de post-apo, la trame nous confrontant à une catastrophe écologique majeure survenue en Alaska et qui a pratiquement décimé tout la population et contaminé la faune et la flore. Dès les premières pages, l’auteur nous confronte à la tragédie sans nous apporter d’éléments de réponse, ceux-ci venant plus tard, les chapitres alternant entre passé et présent de manière à nous révéler au compte-gouttes les indices capable de lever le voile sur le mystère entourant cette catastrophe.

  Angoissant par son atmosphère qui apporte un malaise indicible au lecteur qui prend connaissance des divers éléments de l’intrigue, le suspense est très bien mené, l’auteur faisant des allées et venues chronologiques entre événements passés et présents. Au risque parfois de s’y perdre quelque peu, l’auteur usant de flach-back et de flash-forward dans un même chapitre, en utilisant juste un saut de ligne et en confrontant trois degrés dans le temps à certains moments. Heureusement l’histoire est si prenante, que l’on met vite ses procédés narratifs de côté pour se concentrer sur les fragments de révélations que l’auteur nous concède. Révélations sur le cataclysme bien entendu mais également sur les personnages dont on ne sait pas encore ce qu’ils sont devenus même si on le devine insidieusement.

  Entre deux phases de suspense et d’effroi, l’auteur nous ménage des pauses descriptives à couper le souffle, au beau milieu d’un paysage sauvage et virginal. L’environnement joue d’ailleurs un rôle considérable dans le roman, la contrée Yupik nous étant présentée tel un éden nourricier mais aussi hostile, pour qui ne sait pas le dompter. Une bonne connaissance de la région que l’auteur réussit à imposer à notre esprit avec la sensation du vent glacial sur notre visage et la faim qui nous taraude. Les émotions primaires et existentielles – la faim, la soif, la fatigue mentale et physique, le désespoir – autant de sensations qui nous heurtent de plein fouet tant les personnages nous apparaissent réalistes. On ressent la peur de John, son découragement, sa douleur d’avoir perdu un être cher mais aussi sa volonté d’aller de l’avant, malgré tout. Par volonté de préservation, par volonté de survie. Et la note de l’auteur en fin de roman nous glace d’effroi et nous rappelle qu’il ne faut jamais fermer les yeux. Jamais.

Verdict : Avec les honneurs

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