Archives de Tag: Thriller psychologique

Claire KENDAL – Je sais où tu es

je sais où tu esTitre original : The book of you (2014)
Date de parution : 03/02/2016
Editions : Albin Michel
Collection : Spécial Suspsense
ISBN : 978-2-226-32283-8
Nbr de pages : 369
Prix constaté : 19.90€

Résumé :
Un matin, Clarissa se réveille dans le lit d’un collègue, sans aucun souvenir de ce qui l’a menée là. Bientôt cet homme fait de sa vie un cauchemar. Espionnée, traquée, harcelée, Clarissa doit faire face à une obsession toujours plus menaçante. Saura-t-elle s’en échapper avant qu’il ne soit trop tard ?

Impressions :
Rarement roman aura pu être aussi bien qualifié de suspense psychologique que celui-ci. « Je sais où tu es » est un huis-clos angoissant qui nous plonge dans l’enfer que vit Clarissa, victime de harcèlement de la part d’un collègue avec qui elle a partagé une nuit. Une nuit maudite qui lui revient par bribes et qui la poussera dans une spirale infernale d’angoisse et de peur. Le récit qui possède deux arcs narratifs différents, alterne entre les extraits du journal intime écrit par Clarissa pour garder une trace de chaque action de son harceleur et son présent où elle est jurée dans un procès pour viol. Le parallèle entre la victime du procès auquel elle assiste et elle-même est vite tiré et on se surprend à remarquer les similitudes malgré deux affaires foncièrement différentes. Car toujours, c’est la parole de la victime qui est mise en doute, avec cette question inadmissible qui revient souvent « Ne l’avez-vous pas cherché ? » « N’étiez-vous pas consentante ? ». NON.

  Bien que le début du roman soit parfois difficile à suivre à cause d’une chronologie des faits pas toujours respectés et des bonds en avant assez abruptes, on se retrouve vite agrippé au roman, angoissé par ce que vit Clarissa. De prime abord un peu passive, on comprend rapidement que l’héroïne ne fait que suivre les directives des brochures anti-harcèlement, brochures qui nous accompagnent tout le long, l’héroïne s’y référant souvent comme une espèce d’exutoire qui lui promettrait une fin heureuse. Au fur et à mesure que les jours puis les semaines passent, ce sentiment de perte de contrôle sur sa vie devient de plus en plus prégnant. Toujours regarder par-dessus son épaule, épier derrière son rideau pour savoir s’il est là, renoncer aux sorties entre amis, aux chemins à pied et à toutes les activités de la vie quotidienne. Tout ça devient pesant et le récit se fait anxiogène, surtout lors des passages où Rafe, le harceleur, est physiquement proche d’elle.

  La grande force de Claire Kendal est de nous immerger complètement dans le récit en nous identifiant à l’héroïne à l’aide des fameux extraits de journal intime. Comme elle, on se sent épié. Comme elle, on se sent harcelé. Comme elle, on se sent amputé de sa vie. On vit lit la peur au ventre. L’auteure décrit également très bien l’obsession grandissante que ressent Rafe pour Clarissa. Un esprit malade qui prend ses désirs pour des réalités et qui s’imagine être aimé. Au point de prendre à partie ses proches, de manière à l’isoler complètement, pour mieux l’acculer tel un chasseur chassant sa proie. J’en ai eu des frissons de dégoût parfois. Ce mécanisme d’obsession est très bien rendu. De même que le laissez-faire assez commun de la police qui n’agit qu’une fois un nombre de preuves phénoménales accumulées. Et encore, souvent trop tard. Bref, un très bon roman psychologique, plein de tension et à l’atmosphère étouffante.

Verdict : Avec les honneurs

rock

Laura McHUGH – Du même sang

du même sangTitre original : The weight of blood (2014)
Traduit par : Marie Boudewyn
Date de parution : 13/05/2015
Editions : Calmann-Lévy
ISBN : 978-2-7021-5715-2
Nbr de pages : 329
Prix constaté : 20.50€

Résumé :
En plein coeur des spectaculaires montagnes Ozark, dans l’état du Missouri, les habitants de Henbane parlent encore tout bas de la mère de Lucy Dane, une superbe femme venue d’ailleurs qui a soudainement disparu alors que Lucy était encore enfant.
Dix ans plus tard, le drame frappe à nouveau lorsque la meilleure amie de Lucy, Cheri, est retrouvée en pleine nature, assassinée. Hantée par ces deux disparues, la mère qu’elle a peu connue et l’amie qu’elle n’a pu sauver, Lucy décide de percer le mystère de ce crime affreux. Cependant, elle va vite se rendre compte que malgré ses liens étroits avec sa terre natale, elle est toujours perçue comme la fille d’une étrangère par une communauté recluse et méfiante. Le secret qu’elle va découvrir fera émerger, derrière la nature magistrale qui l’entoure, des zones d’ombre dans lesquelles il ne fait pas bon s’aventurer, surtout lorsqu’on est une jeune femme…

Impressions :
« Du même sang » est un thriller psychologique comme je les aime, qui allie avec mesure drame familial dans une petite ville pleine de secrets et une tension psychologique palpable amenée par la disparition de jeunes femmes à plusieurs années d’écart. La narration tisse habilement un récit tendu grâce à l’alternance des chapitres entre Lucy dont le récit se passe de nos jours et Lila, sa mère disparue mystérieusement une dizaine d’années plus tôt. Ce que Lucy ne connait pas de sa mère, nous l’apprenons au compte-goutte, au fur et à mesure que Lucy progresse dans son enquête sur la mort d’une de ses amies. Peu à peu, elle se rend compte que les deux disparitions sont liées et que les gens qu’elle croyait connaitre ont plusieurs visages…

  Ce qui fait la force de ce récit, c’est l’atmosphère étouffante qui s’en dégage. Laura McHugh nous projette dans une petite bourgade perdue au fin fond du Missouri, entouré par des montagnes et une nature sauvage impitoyable. La terre aride, inhospitalière, est à l’image de ses habitants taiseux qui voient d’un mauvais œil l’arrivée de tout étranger. Les esprits s’échauffent vite et les ragots vont bon train, c’est tellement plus facile de colporter des inepties et de détourner le regard que d’agir en son âme et conscience. Juges et jurés, les habitants oublient bien vite leur sens moral quand ils ont quelque chose à y gagner. J’ai beaucoup apprécié l’habileté de Laura McHugh à nous plonger dans ce climat suffocant, on devient rapidement agrippé aux pages du roman, impatient d’en connaitre la suite.

  Bien que « Du même sang » soit un thriller à proprement parler (Lucy essayant de percer l’énigme de la disparition de son amie et de celle de sa mère par la même occasion), c’est aussi un drame familial redoutable. Les liens du sang y jouent un rôle capital, de même que la notion de « famille » qui pousse ses membres à se salir les mains pour se protéger les uns les autres. La relation entre Lucy et les siens est plus terrifiante qu’elle le croit et se base sur des non-dits, des mensonges et des silences oppressants. Pourquoi son père ne lui parle t’il jamais de sa mère ? Celle-ci s’est-elle vraiment enfuie ou l’a-t-on poussé à fuir ? Est-elle-même encore en vie ? Autant de questions qui trouveront réponse dans le premier roman percutant de Laura McHugh. Mon seul bémol, une fin un peu trop vite expédiée bien que satisfaisante. Bref, à découvrir !

Verdict : Avec les honneurs

rock

Natsuo KIRINO – Disparitions

disparitionsTitre original : Yawarakana hoho (1999)
Réédition parue le : 24/10/2013
Edition : Points
ISBN : 978-2757837139
Nbr de pages : 543
Prix constaté : 8.20€

Résumé :
A dix-huit ans, Kasumi est montée dans un bus et a fui la maison familiale pour tenter sa chance à Tokyo.
Après quinze ans d’absence, elle revient pour quelques jours à Hokkaido. Mais plus elle se rapproche de cette région inhospitalière de montagnes rudes et de mer grise, plus elle éprouve une inquiétude diffuse. Peut-être est-ce parce qu’il y a, toute proche, cette ville natale qu’elle a oubliée. Est-ce l’incongruité de la situation dans laquelle elle se trouve, dans cette voiture, entre son mari, ses enfants et son amant ? Ou ressent-elle confusément résonner entre ces montagnes écrasantes tous les signes de la tragédie à venir : la disparition inexplicable de sa petite fille…
Commence alors pour Kasumi une lente dérive, une enquête désespérée au cours de laquelle elle recevra l’aide inattendue d’Utsumi, un ancien inspecteur de police.

Impressions :
Voilà quelques années que je n’avais pas lu un roman de Natsuo Kirino, qui est l’une des auteurs japonaises de thriller les plus doués de sa génération (si, si ! je vous assure). Ses personnages sont toujours des êtres vils, ambitieux, brisés et la dame sait rendre à merveille une ambiance étouffante et angoissante en jouant sur l’aspect psychologique de ses intrigues. La réédition de Disparitions chez Points était pour moi l’occasion rêvée de me replonger dans un de ces Kirino’s brain games. Si le roman n’est pas tout récent (1999 déjà), on retrouve la patte de l’auteur, qui, si elle ne versait pas cette fois-ci dans le glauque, maitrise déjà son suspense avec doigté. La construction du récit est tout bonnement hallucinante car l’auteur passe des souvenirs d’un personnage à un autre, à la manière de pièce de puzzle que l’on emboiterait petit à petit. Les flashbacks sont nombreux et ne sont pas présentés de manière chronologique, ce qui pourrait déstabiliser facilement le lecteur. Mais Natsuo Kirino nous confronte aux différents narrateurs (trois en tout et pour tout) en nous plaçant directement dans leur tête. Et de fil en aiguille, un souvenir en amenant un autre, tout le processus narratif se met en branle. Le procédé semble fluide et si le récit ne mise pas sur une mise en scène échevelée (pas d’action à proprement dit), on ne s’ennuie pas une seconde. Le suspense s’en retrouve alimenté, l’angoisse montant inexorablement, au point que dès que je posais le livre, j’avais très envie d’y retourner pour en apprendre plus.

  Le roman se concentre sur l’aspect psychologique et émotionnel des personnages, avec le côté sociétal, le regard des autres, les attentes du monde contemporain et en même temps un aspect plus « abstrait » avec l’idée de karma et de culpabilité, qui amènerait les personnages à payer pour leurs mauvaises pensées et leur comportement inconvenant, au point de déchoir. Kasumi se noie dans sa solitude, Utsumi dans la souffrance et l’oubli, Ishiyama devient gigolo, lui le carriériste talentueux… La vérité au final, est peut-être plus violemment matérialiste que l’on ne croit. Les personnages, en chute libre, se trouvent pris dans un cercle infernal dont ils ne semblent pas pouvoir sortir. Volontairement ou pas. Consumés par la maladie ou par les remords, Kasumi et Utsumi sont tous deux esclaves de leur corps et de leur esprit qui les trahit. Mais comment accepter la disparition d’un enfant ? Ou s’arrête la culpabilité et où commence le pardon ? L’auteur explore vraiment tous les aspects de la psyché de ses personnages et offre une vision très réaliste bien que tragique de la condition humaine. Le suspense est haletant et la fin précipite les personnages dans un aspect plus onirique, une fois toutes les pistes exploitées que reste-t-il sinon l’inconcevable ? Un grand final qui vous filera à coup sûr quelques frissons…

Verdict : Avec les honneurs

rock