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Pablo de SANTIS – La Soif primordiale

la soif primordialeTitre original : Los Anticuarios (2012)
Traduit par François Gaudry
Parution : 28/08/2014
Editions : Folio SF
ISBN : 978-2-07-045529-4
Nbr de pages : 273
Prix constaté : 7.40€

Résumé :
Dans la Buenos Aires des années 50, à l’ombre de la dictature, Santiago, un jeune provincial, réparateur de machines à écrire, se retrouve responsable de la rubrique ésotérique du journal où il travaille et informateur du ministère de l’Occulte, organisme officiel chargé de la recherche sur ces thèmes et les vérités qu’ils recouvrent.
Malgré son scepticisme à l’égard du surnaturel, Santiago assiste à une rencontre de spécialistes des superstitions, y est témoin d’un meurtre et mis en contact avec « les antiquaires », des êtres extraordinaires qui vivent dans la pénombre entourés d’objets anciens, vendent de vieux livres et sont la proie de la soif primordiale, la soif du sang.
Le hasard ou le destin, mais surtout un étrange amour, puissant et troublant, amènera Santiago à ne plus résister à cette soif et il devra alors chercher à survivre, peut-être pour l’éternité, dans un monde hostile.

Impressions :
Un roman qui revisite le thème du vampire et laisse de côté l’aspect sanguinaire du mythe pour en faire des personnages érudits qui fuient les hommes, c’est ce que propose Pablo de Santis avec sa « Soif primordiale ». Le récit se déroule en Argentine à l’époque de Perón et met en lumière cette période industrieuse dans un Buenos Aires suranné où le mysticisme perd en force. Ce contexte historique original allié à une approche plus cérébrale du mythe est définitivement l’un des points forts du roman. Il faut reconnaitre qu’on a rarement vu le vampire sous cette forme-là. Exit les dents longues, les gousses d’ail et les attaques bestiales, ici l’auteur nous propose de réfléchir sur un certain nombre de thèmes tel la solitude, l’instinct, le modernisme et même l’amour.

  Les amateurs de fantastique mouvementé pourront du coup passer leur chemin. Pablo de Santis ne cherche pas à nous faire frémir d’effroi, ni à nous angoisser par ses créatures tapies dans la nuit. Mais plutôt à cogiter. Pour preuve, le terme « vampire » n’est jamais employé dans le récit, l’auteur lui préférant l’appellation « antiquaire », fonction sous laquelle se cachent nos assoiffés de sang. Ne vous étonnez pas dès lors à trouver ces antiquaires dans des librairies, des salles de vente ou des vide-greniers poussiéreux, plutôt que dans des ruelles sombres. La « soif primordiale », celle qui appelle le sang est même sous contrôle et ne permettra pas au lecteur de voir de déchainements de violence (mis à part quelques scènes). Le récit est assez plat et n’utilise pas les bons vieux ressorts dynamiques propres au genre.

  Du coup, même si je salue l’originalité et la vision particulière de l’auteur, il faut bien avouer qu’il ne se passe rien de très palpitant dans ce roman. Certes Pablo de Santis a une très belle plume qui offre des passages bien tournés et des réflexions intéressantes mais ça ne suffit malheureusement pas à retenir l’attention du lecteur. Le rythme est lentissime, le personnage principal a la vitalité d’une huitre, difficile de s’y identifier ou de l’apprécier. Aucune connivence ne s’installe avec le lecteur. Au point que Santiago et son univers nous apparait démodé, délavé, terne. Comme un vieux polaroïd. Si la narration avait été plus dynamique et le héros pas aussi apathique, « La soif primordiale » aurait pu être un très bon roman. En l’état, ça manque de punch…

Verdict : Planche de salut

planche-de-salut

Jeanne FAIVRE D’ARCIER – L’opéra macabre

opéra macabreIllustration de couverture : Anne-Claire Payet
Date de parution : 12/07/2013
Edition : Bragelonne
ISBN : 978-2-35294-691-5
Nbr de pages : 525
Prix constaté : 25€

Résumé :
On a beau être vampire,on n’en est pas moins femme…

Des maisons closes d’Alger aux dédales de Bombay, des ruelles sombres de Séville aux bûchers funéraires de Bénarès, les créatures de la nuit ne cessent d’envoûter les humains qui croisent leur route. Mais aujourd’hui comme hier, Carmilla, la sublime danseuse de flamenco vampire, ou Mâra, la Déesse écarlate, qui fut l’amante du Prince des Démons avant de devenir la favorite de nombreux maharadjahs, restent femmes jusqu’au bout des ongles : leurs passions et leurs vengeances sont implacables, surtout lorsqu’elles se piquent d’aimer des tueurs de vampires ou d’exterminer les buveurs de sang assez fous pour les combattre.
Entre l’or rouge et la magie noire, la crasse des théâtres et les sortilèges des palais indiens, la guerre du sang s’annonce plus funeste que jamais…

Impression :
Parus originellement il y a plus de dix ans, les deux opus qui constituent « L’opéra macabre » de Jeanne Faivre D’Arcier nous reviennent dans une édition revue et corrigée par l’auteur, une « fausse » intégrale, la trilogie vampirique de l’auteur se concluant avec « Le dernier vampire » paru il y a peu chez Bragelonne. Nos amis aux dents longues étant dernièrement mangés à toutes les sauces, ce n’est pas tant cette thématique qui m’intéressait que l’action où se déroulent les deux romans : Inde, Europe de l’Est, Etats-Unis ainsi que les diverses époques historiques qui sont couvertes par les deux opus. C’était aussi l’occasion pour moi de découvrir une auteure et de lire un récit qui met les femmes à l’honneur. Loin des clichés de la bit-lit, avec des vampires sauvages, dominatrices et toutes puissantes. Bref, la figure originelle du vampire, cruel et manipulateur.

  Dans le premier roman « Rouge Flamenco », on suit les traces de Carmilla puis dans le second « La déesse écarlate » celle de Mâra. Les deux romans peuvent donc se lire indépendamment l’un de l’autre sans problème, les intrigues étant différentes, bien que le personnage de Mâra, introduit dans le premier roman, revienne au premier plan dans le second. Dans l’ensemble, je suis plutôt mitigée par cet opéra macabre, qui s’il m’a plu par certains côtés, souffre de travers qui freinent la lecture et l’immersion totale. Les différents lieux visités et autres nombreuses époques traversées sont l’un des points forts de « l’opéra ». L’auteure n’a pas son pareil pour nous décrire le faste des beaux quartiers comme la misère des bas-fonds. On navigue entre opulence et déchéance, entre un bordel miteux et un hôtel particulier. L’atmosphère rendue est très vivace, les odeurs, les textures et autres sensations nous étant décrites avec soin, au point que l’on se sent parfois poisseux, parfois grisé en compagnie de nos deux héroïnes. J’ai particulièrement apprécié cet aspect.

  Entre Séville, Bombay ou Alger, l’auteur nous emmène sur les traces de sa représentation de la femme fatale. Vengeresse, impitoyable, que seul l’Amour peut faire plier. Les références sont nombreuses et donnent un certain cachet aux récits. On pense à Sheridan Le Fanu et sa Carmilla, à Carmen de Mérimée, tsigane flamboyante et inflexible, à Dracula de Bram Stocker et son personnage de Jonathan qui revêt ici plus de profondeur. L’opéra macabre emprunte également à la mythologie hindoue et la religion védique. L’intrigue de « La déesse écarlate » baigne dans une aura de mysticisme qui peut étonner concernant les vampires, mais après tout pourquoi pas ? Kali, la déesse destructrice représente plutôt bien nos deux (im)mortelles héroïnes.

  Néanmoins, il faut reconnaitre que les deux opus souffrent de langueurs et d’un manque de clarté certain. « Rouge flamenco » est le récit d’une vengeance ainsi que l’autobiographie de Carmilla. Les lieux et époques sont brassés de manière nébuleuse, au point que l’on perd tous ses repères. L’utilisation du présent de l’indicatif n’est pas pour aider à la fluidité, j’ai trouvé ce choix plutôt maladroit. L’emploi d’un langage soutenu voire spécifique concourt à nous désorienter complétement. Certes c’est beau, la saveur de certaines phrases et autres envolées lyriques sont à saluer. Mais c’est aussi empesé, indolent et ça finit vite par devenir indigeste. Dommage, parce que du coup j’ai eu du mal à apprécier les personnages qui restent éloignés du lecteur et ne transmettent pas aussi bien leurs sentiments qu’une certain atmosphère…

Verdict : Roulette russe

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Lu dans le cadre d’un partenariat entre Livraddict et les éditions Bragelonne que je remercie !

Tim POWERS – Parmi les tombes

1306-parmi-tombes_orgTitre original : Hide me among the graves (2012)
Paru le : 21/06/2013
Edition : Bragelonne
ISBN : 978-2-35294-677-9
Nbr de pages : 499
Prix constaté : 25€

Résumé :
Londres, 1062. Une ancienne prostituée nommée Adelaïde frappe à la porte de John Crawford, dont elle a croisé la route autrefois. La fillette née de leur brève union aurait survécu mais son âme est prisonnière d’un spectre vampirique. Ce monstre assoiffé de sang n’est autre que John Polidori, jadis médecin de Lord Byron. le scandaleux poète. Le passé de Crawford et d’Adelaïde est lié au monde des ombres, faisant de leur enfant un trophée convoité par l’esprit maléfique.
Déterminé à sauver sa fille, le couple maudit s’allie à la poétesse Christina Rossetti et à son frère, le peintre Dante Gabriel Rossetti, eux aussi tourmentés par Polidori depuis l’enfance. Chacun devra choisir entre la banalité d’une existence humaine et l’immortalité sacrilège…

Impressions :
   Un roman qui se déroule à l’époque Victorienne à laquelle se mélange un soupçon de surnaturel et de poésie, voilà qui avait de quoi me plaire. Surtout lorsque l’on connait Tim Powers et sa capacité à imposer une atmosphère. Si « Parmi les tombes » ne manque pas de cachet, l’auteur mélangeant plusieurs ingrédients hétéroclites pour planter son décor, j’avoue que j’ai eu bien du mal à trouver convaincant l’ensemble. Comme si les morceaux ne collaient pas ou qu’il manquait un soupçon de quelque chose pour que la sauce prenne (non, ceci n’est pas une recette de cuisine…). Séparément les divers éléments offraient un potentiel que l’auteur n’a pas su exploiter.

  L’atmosphère de ce Londres Victorien où l’opulence des salons se confronte à la misère des bas-quartiers est très joliment rendue, Tim powers possédant une belle plume qui retranscrit à merveille la dualité de l’époque. De même, l’auteur s’est largement inspiré des poètes anglais (Byron, Shelley, Rosetti) qu’il met en scène dans son roman. L’aspect historique (Algernon Swineburne, Edward Trelawny) côtoie le fantastique et le tout baigne dans un univers poétique qui ne plaira pas à tout le monde. Plutôt que nous introduire dans cet univers cultivé et quelque part mélancolique, Tim Powers nous l’impose (des vers, des extraits, des références parsèment le récit au point que ça en devient barbant). On en vient à perdre le fil d’Ariane que seul l’auteur semble capable de suivre, plongé dans un songe, le sien…

  Dommage, car si Tim Powers peine à convaincre, le récit était pétri de bonnes idées qui avaient de quoi séduire le lecteur. Le fantastique s’immisce insidieusement, sans être poussif, on est loin du « carcan » vampirique que l’on voit à toutes les sauces maintenant. Ici, ils nous rongent l’âme, nous font trembler d’effroi par leur aspect repoussant et Vade Retro Satanas ! Une atmosphère méphitique qui se retrouve malheureusement plombée par un certain statisme, que les personnages, peu attachants, n’arrivent pas à gommer. Il y a peu de chances que vous ayez du mal à fermer l’œil à la lecture de « Parmi les tombes ». Ce n’est pas parce qu’un roman se veut un peu érudit, qu’il faut qu’il soit soporifique, ce que je reproche à Tim Powers qui n’a pas su faire monter la sauce. Bref, un peu déçue après le dynamique « Sur des mers plus ignorées ».

Verdict : Roulette russe

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George R.R. MARTIN – Riverdream

riverdreamIllustration de couverture : Alain Brion
Titre original : Fever Dream (1986)
Broché paru le : 24 janvier 2012
Editeur : Mnémos
Collection : Icares
ISBN : 978-2-354-08132-4
Nb. de pages : 336 pages
Prix constaté : 22€

Résumé :
Mississippi, 1857.
Quel capitaine de vapeur sensé refuserait le marché de Joshua York ? Cet armateur aux allures de dandy romantique offre des fonds illimités pour faire construire le navire le plus grand, le plus rapide et le plus somptueux que le fleuve ait jamais connu. En échange de quoi ses exigences paraissent bien raisonnables : garder la maîtrise des horaires et des destinations, et, surtout, ne jamais – à aucun prix – être dérangé dans sa cabine hermétiquement close, dont il ne sort qu’une fois la nuit tombée.
Voilà enfin l’occasion qu’attendait le capitaine Marsh, vieux loup de rivière aux proportions gargantuesques, pour relancer sa compagnie en perte de vitesse. Si ce formidable vapeur lui permet de coiffer ses concurrents au poteau, peu lui importe les lubies de l’étrange armateur. Jusqu’au jour où une vague de meurtres sanglants apparaît dans le sillage du Rêve de Fèvre…

Impressions :
Bon, ceux qui me connaissent un peu savent que j’adore George R.R. Martin et son Trône de fer, dont je suis fan. Du coup, j’étais curieuse de découvrir ce roman, sa réédition chez Mnémos (avec une magnifique couverture s’il vous plait !) tombait à pic ! Je dois dire que je suis plutôt heureuse de la découverte, « Riverdream » dégageant une atmosphère unique, entre moiteur et rêve…

  Dans « Riverdream », George R.R. Martin revisite le thème du vampire, tout en prenant le parti de retourner aux sources même du mythe. Ne vous attendez donc pas à retrouver les poncifs du genre que l’on retrouve beaucoup ces derniers temps, vous seriez déçu. Car « Riverdream » exhale une atmosphère de sueur et de brume particulièrement oppressante, mais incroyablement retranscrite. On respire à plein poumons les vapeurs du Fevre et on descend littéralement le fleuve en compagnie d’Abner Marsh et de Joshua York, les deux protagonistes du roman. Il faut dire que l’action du roman se déroule en grande partie sur le Mississipi, et pas à n’importe quelle époque, puisque c’est l’ère de l’esclavagisme et du bateau à vapeur. L’époque choisie joue d’ailleurs un grand rôle sur l’intrigue, tout comme le lieu en lui-même, étant donné que le Mississipi possède ici une âme à part entière, on peut dire que le fleuve est aussi (voire plus) important que les personnages. Personnellement, j’adore vraiment ce type d’ambiance, personnifiée à l’extrême, l’immersion dans le récit ne s’en fait que plus facilement.

  Au demeurant, le roman dispose d’un environnement essentiellement masculin : des marins aux mécanos, en passant par les petites frappes des quartiers mal famées, les femmes sont finalement peu présentes. Il y a aussi les valeurs poursuivies par le personnage d’Abner Marsh, qui sont typiquement viriles : fierté, sens de l’honneur, esprit de compétition, le capitaine ne reculera devant rien pour parvenir à ses fins, soit faire du Rêve de Fevre le vapeur le plus prestigieux de tout le Mississipi. Mais c’est surtout un homme d’une loyauté exemplaire et sa relation avec le ténébreux Joshua York s’avère être le sel de l’intrigue. Les deux hommes que tout opposent, tisseront une relation forte, entre amitié et fidélité, et rarement deux personnages m’auront paru autant charismatiques ! Si Abner Marsh est décrit comme un être laid, mal dégrossi et relativement taiseux (seuls les vapeurs l’intéressent), Joshua est quant à lui l’archétype même du vampire charismatique : beau, raffiné et élégant, il affectionne la poésie. Finalement, j’ai de loin préféré Abner Marsh, qui est un personnage changeant et difficile à cerner, tant il évolue tout au long de l’intrigue. Un de ces personnages bourrus que l’on finit par apprécier. Surtout que c’est quelqu’un de très droit, qui n’abandonne jamais.

  Mais revenons-en au côté fantastique de l’intrigue qui s’avère inquiétante et sanglante à souhait. George R. R. Martin puise aux origines du mythe vampirique pour nous servir des vampires sans foi ni loi, fidèles à leur « maitre », un être d’un âge si obscur qu’il nous glace d’effroi. Ici, on « saigne » avec plaisir et les mystérieuses disparitions sont nombreuses. Je dois dire que c’est comme ça que je m’imagine les vampires : cruels, imperturbables et hautains. La vision du vampire romantique, très peu pour moi. Ce qui fait que j’ai été conquise par ce roman à l’atmosphère poisseuse et ténébreuse, qui séduit par sa réalisation maitrisée et convint par ses personnages à la psyché fouillée. Un must en terme vampirique.

Verdict : Avec les honneurs

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