Mike RESNICK – Kirinyaga

kirinyagaTitre original : Kirinyaga (1998)
Traduit par Olivier Deparis et Pierre Paul Durastanti
Date de paution : 05/06/2015
Editions : Denoël
Collection : Lunes d’encre
ISBN : 978-2-207-12561-8
Nb. de pages : 416
Prix constaté : 21.50€

Résumé :
Kirinyaga, c’est le nom que portait le mont Kenya lorsque c’était encore la montagne sacrée où siégeait Ngai, le dieu des Kikuyus. C’est aussi, en ce début du XXIIe siècle, une des colonies utopiques qui se sont créées sur des planétoïdes terraformés dépendant de l’Administration. Pour Koriba, son fondateur – un intellectuel d’origine kikuyu, qui ne se reconnaît plus dans un Kenya profondément occidentalisé -, il s’agit d’y faire revivre les traditions ancestrales de son peuple.
Tâche difficile. Que fera Koriba, devenu mundumugu, c’est-à-dire sorcier de Kirinyaga, quand une petite fille surdouée voudra apprendre à lire et à écrire alors que la tradition l’interdit ? Ou lorsque la tribu découvrira la médecine occidentale et cessera de croire en son dieu, et donc en son sorcier ? L’utopie d’une existence selon les valeurs du passé est-elle viable dans un monde en constante évolution ?

Impressions :
Si une chose est sûre, c’est que Mike Resnick n’est pas le plus modeste des auteurs. D’un autre côté, je veux bien lui accorder que « Kirinyaga » est effectivement un des meilleurs romans de SF que j’ai lu. Ecrit à la base comme une série de nouvelles, les différents chapitres qui composent ce tout uniforme est vraiment impressionnant. D’une grande puissance parce qu’il combine morale, réflexions sociétales, contes modernes et mysticisme africain. Les détracteurs de la SF qui pensent encore que SF rime avec vaisseau spatial et fusil laser feraient bien d’en prendre de la graine. Kirinyaga nous prouve, une fois encore, que le genre est là pour nous interroger sur l’évolution de la société et sur les dérives possibles de notre futur. Sans pour autant imposer un modèle de pensée.

  Mais qu’est ce qui fait de « Kirinyaga » un incontournable du genre ? Sa portée ? Sa narration ? Son contexte ? Ses personnages ? Eh bien, c’est ça qui est magique avec le recueil de Mike Resnick, c’est que tout y est pensé, il n’y a aucune faiblesse dans cet univers, que l’auteur porte à bout de bras. Que ce soit l’aspect utopique qui brasse de nombreux thèmes, que l’aspect anticipation qui soulève de nombreuses interrogations. L’idée de Mike Resnick, c’est de faire revivre une peuplade africaine qui s’essaie à un retour aux sources censé leur apporter le bonheur d’une vie simple. Etre fidèle à leurs croyances passées et à leurs ancêtres fait-il d’eux de véritables Kikiyu ? Rejeter tout ce qui n’est pas Kikiyu et donc moderne leur rend -il donc leur honneur et leur authenticité ? Le lecteur se rendra vite compte qu’il n’en est rien…

  A travers de nombreux contes anthropomorphiques qui ne sont pas sans rappeler les fables de La Fontaine, le mundumugu (comprenez le sorcier/sage de la tribu) rappelle aux siens les dangers qui les guettent à vouloir dévier du chemin qu’il leur a tracé. Ces nombreuses fables qui parsèment les différentes nouvelles sont ingénieuses parce qu’elles offrent chacune une leçon de vie. Bien qu’il y ait en chacune un accent de vérité, le lecteur s’interroge vite sur le bien-fondé de ces histoires. Mike Resnick revient sur les coutumes africaines, leur inanité. Peut-on rester fidèle à son ethnie si on choisit l’évolution et le progrès ? Les bouleversements qui en découlent leur font elles perdre leur identité ? Autant de réflexions sur lesquelles l’auteur nous enjoint à méditer.

  Une des affirmations les plus importantes du récit est qu’il existe autant d’utopies qu’il y a de personnes. Car chacun possède sa propre version de l’utopie. Ainsi, il semble évident que pour le mundumugu qui possède une place privilégiée dans la société Kikyu, celle-ci soit une utopie. C’est beaucoup moins le cas pour les fillettes qui sont obligées d’être excisées ou pour les femmes qui perdent leur nouveau-né parce que le démon l’habite… Ces croyances auxquelles croyaient dur comme fer les Kikyu du passé parce qu’ils n’avaient pas accès à la connaissance et qu’ils expliquaient certains faits par du mysticisme nous semblent aberrantes aujourd’hui. La nostalgie de la société passée n’explique pas l’acceptation de ce qui est vu de nos jours comme des actes de barbarie. Dans Kilimandjaro, le second récit de cette intégrale, on poursuit l’utopie en corrigeant les erreurs du passé mais de nouveaux problèmes surgissent. Une société parfaite est-elle possible ? Rien n’est moins sûr…

Verdict : Indétrônable

indétrônable

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