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Sebastian FITZEK – Le voleur de regards

le-voleur-de-regardsTitre original : Der Augensammler
Paru le : 12/03/2014
Edition : Le Livre de poche
Colelction : Thriller
ISBN : 978-2-253-17784-5
Nbr de pages : 464
Prix constaté : 7.60€

Résumé :
Celui que les médias berlinois ont surnommé le Voleur de regards a de nouveau frappé. Comme à son habitude, il a tué une femme avant d’enlever son enfant. Dans la main de sa victime : un chronomètre qui a commencé à égrener les secondes… Mais cette fois, on a également retrouvé le portefeuille d’Alexander Zorbach sur la scène du crime. Ancien policier devenu journaliste, celui-ci est alors pris dans l’engrenage d’un jeu machiavélique. Il sait qu’il ne dispose que de 45 heures et 7 sept minutes pour découvrir où l’enfant est retenu prisonnier – et ainsi prouver son innocence. Le compte à rebours est lancé…

Impressions :
Auteur allemand de thrillers appréciés, Sebastian Fitzek signe avec « Le voleur de regards » un roman efficace, pas follement novateur dans le fond ni dans la forme, mais diaboliquement bien orchestré. Si vous aimez les thrillers psychologiques où vos nerfs sont mis à rude épreuve ainsi que les courses contre la montre, ce roman risque fort de vous plaire. L’ennui ne pointe jamais le bout de son nez grâce à une construction « à l’envers », les chapitres faisant le décompte jusqu’au bouquet final. Le roman surprend d’ailleurs par son épilogue en début de récit, comme un film qui nous plongerait derechef dans une situation cauchemardesque puis reviendrez en arrière pour nous expliquer comment le narrateur en est arrivé là. Du coup, forcément notre intérêt est éveillé et on a hâte de découvrir le fin mot de l’histoire.

  Si le récit est rythmé par le compte à rebours fatidique, le suspense est aussi maintenu en grande partie par le biais des deux personnages principaux et par leurs interactions. La rencontre entre Alina et Zorbach, plutôt étonnante de prime abord, nous plonge dans une ambiance occulte qui, si elle fait tiquer au début (je ne m’attendais pas à ça) et relativement bien menée, sans glisser dans le ridicule ou le grand-guignolesque. Ouf ! Le fait qu’Alina soit aveugle m’avait fait craindre le pire, mais j’ai été agréablement surprise par la façon dont l’auteur mène sa barque. On sent qu’il s’est renseigné sur le quotidien des non-voyants et le fait qu’il intègre le choc des deux univers voyant/non-voyant (avec tous les quiproquos et les préjugés que cela peut avoir) amène une réflexion intéressante.

  Qui dit thriller psychologique dit bien évidemment personnages au centre du récit. On sort du cadre de la vulgaire chasse à l’homme pour se concentrer sur la psyché des protagonistes. Celle du tueur nous est présentée de manière détournée, par le prisme des autres personnages. Ainsi entre les nombreux chapitres consacrés à Zorbach, de courts chapitres qui donnent voix à la victime séquestrée quelque part, viennent s’immiscer entre deux. Entre la sensation d’étouffement qui en ressort et les motivations du « voleur de regards » qui nous apparaissent lentement, l’atmosphère du récit devient vite addictive. Les pages se tournent sans effort jusqu’au dénouement final, satisfaisant, et sa fin ouverte… un poil rageante ! Bon, ça tombe bien la suite des aventures d’Alina et Zorbach m’attend gentiment sur mon bureau !

Verdict : Bonne pioche

bonne-pioche

Sandrine COLLETTE – Des noeuds d’acier

des-noeuds-d'acierEdition : Le livre de poche
Paru le : 03/02/2014
ISBN : 978-2-253-17601-5
Nbr de pages : 261
Prix constaté : 6.90€

Résumé :
Avril 2001. Dans la cave d’une ferme miteuse, un homme est enchaîné. Théo, quarante ans, a été capturé par deux vieillards qui veulent faire de lui leur esclave. Théo n’a pourtant rien d’une proie facile : athlétique et brutal, il sortait de prison quand ces deux vieux fous l’ont piégé au fond des bois. Les ennuis, il en a vu d’autres. Alors, il refuse de croire à ce cauchemar. Il a résisté à la prison, il se jure d’échapper à ses geôliers.

Impressions :
Alors que le nouveau roman de Sandrine Collette vient de sortir chez Denoël, son premier roman quant à lui, sort enfin en format poche chez Le livre de poche. Vu les bons échos que ce roman avait reçu et le résumé choc (un homme séquestré dans une cave par deux vieux qui l’utilisent comme animal de bât), j’étais très curieuse de découvrir cette auteure française. Et honnêtement pour un coup d’essai, Sandrine Collette s’en sort admirablement, le roman ne se résumant pas à une suite de scènes glauques. L’auteur ne fait pas l’impasse sur l’aspect psychologique et émotionnel de la situation, elle ne se cantonne pas à un seul aspect de l’histoire. Si elle avait tout misé sur la suite de tortures physiques et les humiliations que subissent Théo, on aurait certainement eu cette sensation de voyeurisme que certains récits engrangent. Mais l’auteur nous livre un roman complet, abouti. Certes, il y a du suspense, la tension allant crescendo tout au long du récit, mais il y a aussi une vraie charge émotionnelle qui nous prend aux tripes.

  Quelle maitrise pour un premier roman ! Sandrine Collette a trouvé la formule parfaite du thriller réussi. Du suspense, du sordide, de l’émotion, de l’ambiguïté… Parce que Théo est loin d’être un enfant de chœur et qu’on le découvre à contre-courant, avant cette épreuve, à sa sortie de prison. La manière dont on le rencontre, sa personnalité brute, le geste coléreux qu’il a eu envers son frère qui l’a conduit sur le chemin de sa perte, tout concourt à ne pas nous le rendre sympathique. La scène où il rend visite à son frère est choquante, on a vite fait de se faire une mauvaise opinion de lui. Puis, petit à petit, sa séquestration nous le révèle sous un jour nouveau. Au compte-goutte, il se livre. Sur sa relation avec son père, avec son frère, sur ce qui l’a construit. Face aux « vieux » sournois et sadiques, on se prend d’affection pour cet homme brisé, poussé au bord de l’abîme. La description de sa chute, de son renoncement est proprement bouleversante. Qu’est-ce qui est le pire ? Les coups ? Les vexations ? La déchéance ? Ou la capitulation ? Les deux derniers paragraphes du roman valent à eux seuls la lecture de ce thriller. Impossible de ne pas laisser l’émotion nous envahir à l’énoncé de ses quelques phrases, intenses. Bravo madame Colette !

Verdict : Avec les honneurs

rock

A.S.A. HARRISON – La femme d’un homme

la-femme-d'un-hommeTitre original : The silent wife (2013)
Paru le : 15/01/2014
Edition : Le livre de poche
ISBN : 978-2-253-17890-3
Nbr de pages : 328
Prix constaté : 12.90€

Résumé :
Elle c’est Jodi. Lui c’est Todd. Elle est une femme d’intérieur idéale et une psy de renom. Il a le charisme et la gloire de ceux qui réussissent. Elle l’aime aveuglément. Il la trompe allégrement. Elle et lui forment le couple parfait, en surface. Mais les apparences peuvent-elles longtemps rester trompeuses ?

Impressions :
Etablir un parallèle entre « Les apparences » de Gillian Flynn et « La femme d’un homme » de A.S.A. Harrison, c’est comme comparer le jeu d’actrice de Jennifer Lopez à celui de Meryl Streep par exemple. Y’a pas photo ! (Pardon aux fans de J-Lo ^^). Un profond ennui m’a parcouru tout au long de la lecture de « La femme d’un homme ». Le roman manque de nuances, d’audace, son scénario n’étant pas plus évolué que celui du téléfilm de l’après-midi sur M6 (pardon aux fans du téléfilm de l’après-midi sur M6 :P). Oui, c’est une impression dure, mais le constat est là, je n’ai trouvé le roman ni intéressant, ni bien écrit. Le tout étant convenu, sans saveur, plat… Le suspense est quasi nul, la narration n’intrigue pas, bref une grosse déception.

  Ajoutez à cela des personnages énervants, voire curieusement ridicules, dont les réactions sonnent faux. Impossible pour moi d’adhérer à la personnalité de Jodi, cette épouse si dévouée, si niaise, si insupportable (osons le dire, servile !). J’ai eu envie de la secouer à maintes reprises. Du coup, dur, dur de ressentir de l’empathie envers elle, malgré la façon dont la traite son mari. Parlons du mari justement, Todd, détestable, égocentrique et qui ne pense qu’avec la partie inférieure son anatomie… Tout doit graviter autour de lui, et sa gentille petite femme, Jodi, comme de bien entendu, lui fait ses quatre volontés. Le roman passe les ¾ de sa trame à nous relater la vie quotidienne de ce couple de papier mâché. C’est contemplatif, les personnages réagissent si peu, avec si peu de passion qu’on croirait lire la recette d’un bouillon de légumes (pardon à ceux qui aiment les bouillons de légumes !). On y croit pas une seconde. Bref, à oublier.

Verdict : Courage, fuyons !

courage-fuyons

John BRANDON – Citrus County

Citrus-countyTitre original : Citrus County (2010)
Date de parution : 06/11/2013
Edition : Le Livre de Poche
ISBN : 978-2-253-17599-5
Nbr de pages : 312
Prix constaté : 6.90€

Résumé :
Dans la banlieue américaine de Citrus County, on est certes en Floride, mais bien loin des palmiers et des paillettes de Disneyland. Dans ce no man’s land digne d’un film des frères Coen, la vie est tout sauf douce : les adultes ne jouent pas leur rôle, les professeurs ne donnent plus l’exemple et l’air empeste le marécage. Alors comment ne pas déraper lorsqu’on découvre l’amour pour la première fois et qu’on est un adolescent élevé par un oncle malveillant dans une ferme à moitié insalubre ?

Impressions :
Si vous êtes du genre à broyer du noir en cette période de fêtes de fin d’année, que vous avez le blues ou ne savez plus très bien où vous en êtes, je vous déconseille la lecture de « Citrus County » de John Brandon. Ce roman est pétri d’un pessimisme ambiant, ses personnages étant désorientés et mal dans leur peau, ce qui fait de Citrus County un récit démoralisant. Mieux vaut donc le lire à un moment où l’on est bien dans sa tête car l’amertume qui suinte de ses pages ne saura guère vous épargner…

  Classé en tant que thriller, « Citrus County » est avant tout un roman « à auteur » car la prose de John Brandon et l’ambiance caustique qu’il dépeint sont l’âme du récit. La 4ème de couverture mentionne Richard Ford, ce que je ne pourrai pas soutenir vu que je n’ai pas encore lu de roman de l’auteur, mais s’il y a bien un roman que Citrus County m’a rappelé, c’est le désormais interdit à la vente « Rage » de Richard Bachman alias Stephen King. C’est aussi dérangeant et désenchanté, et les deux dépeignent un adolescent qui « bascule » et se laisse entrainer par ses pulsions. Les personnages de John Brandon sont mis au pied du mur, confrontés à des tourments intérieurs qui les font chavirer pour le pire et… pour le pire !

  Toutes les figures y sont égratignées : policiers, médias, parents, enfants, adultes, adolescents. On peut dire que John Brandon n’y va pas avec le dos de la cuillère. Si certains ont des pulsions de meurtre en s’imaginant l’assassinat d’une collègue encore et encore (ah! Hitchock, sors de ce corps !), d’autres se laissent submergés par des tourments plus physiques : l’âge des premiers émois amoureux. Au final, tous les protagonistes se laissent guidés par l’ennui et par la peur de grandir (que ce soit le professeur qui refuse de prendre ses responsabilités, que ce soit l’ado qui veut bénéficier de ce sentiment d’invulnérabilité qui accompagne l’enfance). La banlieue de Citrus County serait-elle toxique pour ses habitants ? Possible vu que l’auteur décrit son statisme avec beaucoup de morgue.

  Bref, un roman mordant et inquiétant où chacun y prend pour son grade. L’écriture limpide et sarcastique de John Brandon nous plonge tête la première dans cette banlieue désolée où l’antipathie trouve son origine. A ne pas lire si vous êtes démoralisé.

Verdict : Bonne pioche

bonne-pioche

Ninni HOLMQVIST – L’Unité

l'unitéTitre original : Enhet (2006)
Paru le : 13/11/2013
Edition : Le Livre de Poche
ISBN : 978-2-253-16450-0
Nbr de pages : 335
Prix constaté : 7.10€

Résumé :
Parce qu’elle vient d’avoir 50 ans et qu’elle est célibataire, Dorrit est devenue « superflue » et, à ce titre, doit rejoindre l’Unité. Un appartement lumineux et confortable, agrémenté de micros et de caméras de surveillance, lui a été réservé. Un écran de télévision, mais pas de téléphone ni Internet pour communiquer avec l’extérieur… En plus d’être logés, les résidents sont nourris, bénéficient de soins médicaux et peuvent consacrer leur temps au loisir de leur choix.
Les nouveaux arrivants sont chaleureusement accueillis, avant d’être affectés à des groupes d’expérimentations médicales humaines. Le corps de Dorrit ne lui appartient plus : à chaque instant on peut lui prélever un organe au bénéfice de ceux qui vivent à l’extérieur et qui sont encore « utiles ». Tout est prévu dans le moindre détail. Sauf une rencontre qui va tout changer.

Impressions :
Dystopie adulte avec une héroïne mature (50 ans), voilà qui change agréablement des midinettes habituelles. L’univers imaginé par Ninni Holmqvist est angoissant et réaliste parce qu’il sait jouer avec nos peurs actuelles. On se sent forcément plus d’atomes crochus avec Dorrit, son héroïne, lorsque l’on est célibataire, sans enfant et que les têtes pensantes du roman nous considèrent comme superflues… Un peu comme dans le roman de Gemma Malley, « La déclaration », sauf qu’il ne s’agit pas d’enfants considérés comme un poids pour la société, mais de personnes « childfree ».

  La narratrice, qui nous raconte son expérience au jour le jour dès son entrée dans « l’unité » (espace de rebut des personnes superflues, hommes ou femmes), est attachante et fleure bon l’authenticité. J’ai été émue par son parcours, par ses choix de vie qui l’ont mené à l’Unité et par sa remise en question du système. Plus le récit progresse et plus l’angoisse augmente avec la possible obligation de devoir donner un de ses organes à un humain plus « utile » (parce qu’en plus ne vous considérer comme inutile et encombrant, la société juge bon de vous utiliser comme cobaye et donneur potentiel si quelqu’un a besoin d’un organe, même si ça signifie mourir par la même occasion…). Quelle vision extrême et barbare !

  Le ton et la narration, posé et sans esbroufe, peut parfois ennuyer par sa lenteur. Ce compte-rendu des faits au jour le jour n’est parfois pas des plus intéressantes. En quelque sorte, c’est comme si Ninni Holmqvist essayait d’endormir notre vigilance comme le fait l’unité en offrant tout le confort et toute la compréhension possible, histoire qu’on en oublie la gravité de la situation. Car mettre un pied dans l’unité, c’est le poser dans le couloir de la mort, ni plus ni moins. Peu importe que l’on vous gave des meilleurs plats et que le soleil brille sans faille.

  La fin du roman, sans illusion ni tapage, est particulièrement réussie. On est vraiment en présence d’une dystopie adulte, qui reste lucide et fidèle aux obstacles de l’univers décrit. J’avoue avoir versé ma larmiche même si je sentais la fin se profiler. Face à l’aberration de ce système qui pousse les jeunes filles à faire des bébés à la pelle, de plus en plus jeunes, de peur d’être considérées un jour comme superflues. Ce système qui ne reconnait pas l’amour des fratries, des amitiés, des êtres chers qui n’ont pas de liens de sang « direct ». Triste monde qui nous est décrit et bien amère est la leçon donnée par Ninni Holmqvist…

Verdict : Bonne pioche

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