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Marcus SAKEY – Les Brillants, tome 1

les brillantsTitre original : Brilliance (2013)
Traduit par : Sébastien Raizer
Date de publication : 18/02/2016
Editions : Folio Policier
ISBN : 978-2-07-046831-7
Nbr de pages : 568
Prix constaté : 8.20€

Résumé :
Dans le Wyoming, une petite fille perçoit en un clin d’œil les secrets les plus sombres de tout un chacun. À New York, un homme décrypte les fluctuations des marchés financiers et engrange 300 milliards de rofit en une semaine. À Chicago, une femme maîtrise le don d’invisibilité en sachant d’instinct se placer là où personne ne regarde. On les appelle les «Brillants», et depuis les années 1980 1 % de la population naît avec ces capacités aussi exceptionnelles qu’inexplicables.
Nick Cooper est l’un d’eux : agent fédéral, il a un don hors du commun pour traquer les terroristes. Sa nouvelle cible est l’homme le plus dangereux d’Amérique, un Brillant qui fait couler le sang et tente de provoquer une guerre civile entre surdoués et normaux. Mais pour l’arrêter, Cooper va devoir remettre en cause tout ce en quoi il croit, quitte à trahir les siens.

Impressions :
Un roman avec des superpouvoirs, du suspense et une touche d’espionnage, il n’en fallait pas plus pour m’intéresser. Ce premier tome des Brillants ne tient pourtant pas toutes ses promesses. Bien que les éditions Folio aient décidé de le publier dans leur collection « Policier » plutôt que SF (une bonne idée somme toute), j’avoue que j’ai été déçue que l’auteur n’exploite pas plus avant les capacités extraordinaires de ses personnages. Marcus Sakey s’intéresse plus à l’aspect thriller et infiltration de l’intrigue qu’au postulat de départ SF, ce que j’ai trouvé dommage tant le potentiel est immense.

  Au lieu de faire de ses « brillants » des êtres cartoonesques aux facultés surhumaines, l’auteur exploite un filon plus réaliste et en fait des êtres de génie, dont le cerveau est bien plus développé que l’humain lambda. Pas de boules de feu, d’yeux lasers ou de personnages se jouant de la gravité, ici on sait lire les auras, anticiper les mouvements, tracer des schémas dans son environnement. J’ai apprécié ce réalisme parce qu’il ancre plus facilement le lecteur dans cet univers pas si éloigné du nôtre. Un futur tangible et terrifiant qui voit naitre une nouvelle forme de terrorisme. Le parallèle avec X-Men et sa lutte entre humains « supérieurs » et humains normaux est tracé. Mais cela s’arrête là.

  Bien que l’auteur donne quelques pistes sur cette évolution, il n’approfondit pas vraiment le background et c’est dommage. Les scènes de traque et d’infiltration sont très enlevées, on s’imagine très bien tout ce petit monde sur le terrain. Coups de filet, attentats, interrogations musclées, tout est mis en place pour nous en mettre plein les yeux et filer à cent à l’heure. Si l’action est au rendez-vous, Marcus Sakey se ménage également des scènes plus quotidiennes qui nous permettent d’en apprendre plus sur l’agent Nick Cooper, le héros du roman. Bien que j’aie apprécié sa capacité à déchiffrer autrui et son amour pour sa famille, il m’a laissé un peu indifférente. Comme si je restais en retrait de son histoire, pas vraiment impliquée par ce qui lui arrive. La faute à un récit un peu aseptisé, la narration étant plus analytique qu’émotionnelle. Il manquait clairement le petit quelque chose selon moi. Un ressenti en demi-teinte donc.

Verdict : Roulette russe

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Motorô MASE – Démokratia, tome 1

demokratia 1Titre original : Démokratia
Date de parution : 07/01/2015
Editions : Kazé
Collection : Seinen
ISBN : 978-2-82031-676-9
Nbr de pages : 198
Prix constaté : 8.29€

Site dédié avec bande-annonce et extrait ici !

Résumé :
Fruit de l’émulation entre Taku Maezawa, élève en ingénierie, et Hisashi Iguma, spécialiste en robotique, le concept de « Démokratia » semble révolutionnaire : 3 000 personnes, recrutées au hasard sur le web, décideront à la majorité via un réseau social des faits et gestes de Mai. Ce robot d’apparence féminine pourrait ainsi devenir le creuset d’un savoir collectif, la convergence de 3 000 intelligences…
Mais l’expérience pourrait aussi révéler qu’à l’épreuve du monde réel, démocratie n’est pas toujours synonyme de raison…

Impressions :
Tout bon amateur de seinen qui se respecte à forcément entendu parler de Motorô Mase, à qui l’on doit Ikigami et Heads, deux mangas percutants ! Celui-ci nous revient chez Kazé avec Démokratia, un nouveau seinen qui va sûrement faire parler de lui tant son pitch est choc !

  Œuvre de SF, Démokratia nous relate l’expérience dirigée par deux ingénieurs geeks qui ont décidé de créer un robot à l’apparence humaine dont la « vie » et les mouvements seraient dirigés par un groupe de personnes lambda, choisies au hasard sur le net.

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  Dis comme ça, on s’imagine quelque chose de bien otaku mais Motorô Mase ne mange pas de ce pain-là. Pour lui, ce pitch de départ n’est qu’un nouveau prétexte pour critiquer notre société et apporter une réflexion sur des notions de responsabilité et de phénomènes de masse, derrière lesquels on se cache pour mieux reporter la faute sur les autres.

  Prenons l’exemple des réseaux sociaux où l’on dit tout et n’importe quoi, bien confortablement caché derrière son ordinateur. Et si ces propos avaient des répercussions sur les gens qui nous entourent et que l’on ne pouvait plus faire marche arrière ?? Ça vous dit quelque chose ?

  C’est le cas ici avec Mai, le robot de nos deux geeks, qui fera des rencontres sous son apparence humaine et dont les faits et gestes dépasseront le cadre du virtuel. Car les gens qu’elle côtoie sous cette apparence ne savent pas que derrière cette façade en tout point humaine, se cachent 3000 personnes, reliées par le web et qui voient cela comme un jeu.

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  Si la première partie de ce premier tome est un peu longuette, le mangaka nous expliquant en détails comme fonctionne le programme qui permet de bouger Mai, la seconde partie qui voit notre robot faire ses premières pas parmi les vivants est vraiment prenante. Les conséquences de ses actions prennent vite un tour angoissant et on plonge vite dans un aspect policier captivant. La fin de ce premier tome est d’ailleurs horrible, avec un cliffhanger qui donne envie de se jeter sur la suite.

  Un petit mot sur le trait de Motorô Mase, typiquement seinen, avec ses encrages sombres, ses planches pleines assez réalistes. Les expressions sont particulièrement bien rendues, avec un beau contraste entre le visage neutre de Mai et celui parfois haineux de Seno. Bref, à découvrir !

Verdict : Avec les honneurs

rock

Andrew Sean GREER – Les vies parallèles de Greta Wells

les vies parallèles de Greta WellsTitre original : The Impossible Lives of Greta Wells (2013)
Traduit par : Hélène Papot
Date de parution : 15/01/2015
Editions : Points
ISBN : 978-2-75784949-1
Nbr de pages : 310
Prix constaté : 7.20€

Résumé :
Dans le dédale du temps, une femme cherche son chemin…
New York, 1985. Après une douloureuse rupture et la mort de son frère jumeau, Greta Wells suit un traitement par électrochocs pour guérir sa dépression. Mais des effets secondaires pour le moins inattendus apparaissent : Greta se trouve régulièrement transportée dans ses « vies parallèles », en 1918 et 1941. Différentes vies, différentes époques, mais dilemmes similaires : suivre sa passion ou protéger sa famille, s’affirmer ou se taire. et surtout, dans quelle vie rester ? A travers ces enivrants voyages dans le temps, Andrew Sean Greer nous fait revivre les moments-clés de notre siècle passé, auxquels se mêlent les tragédies intimes de Greta et de ses proches.

Impressions :
Un récit de science-fiction qui se cache dans la littérature blanche ? Ça arrive plus souvent qu’il n’y parait. « Les vies parallèles de Greta Wells » est un roman contemporain qui baigne dans une ambiance SF puisque son héroïne vit plusieurs existences à la fois, passant d’un univers parallèle à un autre et changeant de dimension temporelle en cours de route. OK, dit comme ça, ça a l’air compliqué mais ne fuyez pas ! Je vous assure que l’auteur maitrise sa narration avec doigté et que le récit est très accessible.

  Les sauts temporels sont particulièrement bien amenés. L’histoire se concentre sur la vie de Greta, une trentenaire habitant à New York au milieu des années 80. L’auteur pose le postulat de départ suivant : Greta passe d’un monde à l’autre à chaque électrochoc qu’elle subit. En effet, l’héroïne suite à un deuil particulièrement éprouvant et à une rupture difficile, se laisse doucement glisser vers la mélancolie et la déprime l’engloutit. Après avoir testé toutes les solutions médicamenteuses possibles, son médecin parvient à la décision que seule la « convulsivothérapie » (comprenez des électrochocs bien barbares) pourrait l’amener à se dépêtrer de ses humeurs noires.

  Et voilà notre héroïne précipité dans une dimension alternative, à une autre époque où elle retrouve tous ceux qu’elle connait mais où les cartes sont rebattues et un nouveau jeu distribué. Parfois elle y est mère de famille, parfois délaissée par son mari parti à la guerre mais jamais aucune de ces existences n’est parfaite. Le plus étonnant est que Greta se retrouve projetée à une époque différente. Parfois c’est en 1918, parfois en 1941. Andrew Sean Greer se paie ainsi le luxe d’explorer des contraintes historiques différentes : la guerre qui menace d’exploser dans les années 40, la fin de la première guerre mondiale en 1918 avec son épidémie de grippe mortelle, l’explosion du SIDA dans la communauté gay dans les années 80. De quoi offrir à son récit une grande richesse narrative.

  L’auteur analyse ainsi de nombreuses thématiques comme la condition féminine, l’homosexualité, la gémellité (Greta ayant un frère jumeau qui représente tout pour elle) mais il exploite surtout cette manne historique qui lui permet de nombreuses interrogations sur la notion de bonheur, d’abnégation. Peut-on être heureux et réussir sa vie même à une époque troublée ? L’importance des convenances joue t’elle sur le choix de nos partenaires ? Félix, le frère de Greta n’accepte pas son homosexualité dans ses vies parallèles, mais au moins, il y est en vie… A chaque bond dans son moi alternatif, Greta essaie d’améliorer « sa » vie, se sentant délivrée du poids de son passé. Le caractère introspectif du roman amène des réflexions pertinentes. On se glisse dans la peau de Greta comme dans un vieux vêtement, petit à petit. Bref, un récit émouvant et convaincant qui ne laisse pas indifférent.

Verdict : Avec les honneurs

rock

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Karen LORD – Le meilleur des mondes possibles

le meilleur des mondes possiblesTitre original : The Best of all Possible Worlds (2013)
Paru le : 12/06/14
Edition : Panini Books
Collection : Eclipse science-fiction
ISBN : 978-2-809-4395-88
Nbr de pages : 380
Prix constaté : 16€

Résumé :
Autrefois la race la plus avancée de la galaxie, les Sadiris ont été exterminés et leur monde natal détruit. Pour préserver leur espèce de l’extinction, les derniers survivants, en majorité des mâles, doivent s’organiser. Sur Cygnus Beta, des conseillers sadiris partent à la recherche des descendants d’une ancienne diaspora de leur peuple, dans l’espoir de trouver des femelles génétiquement compatibles afin de sauvegarder la société et le mode de vie sadiris.
Commence alors pour les derniers Sadiris une quête désespérée qui les amènera à percer les secrets de leur passé. Mais la survie de l’espèce passera par l’acceptation de leur condition, la refonte de leur société et ultimement, la recherche de l’amour…

Impressions :
« Le meilleur des mondes possibles » est le second roman d’une jeune auteure barbadienne qui ne laisse pas indifférent par son message de tolérance, de partage et d’empathie multiethnique. Bien que je ne sois pas férue de romance, j’ai trouvé ce récit touchant et porteur de belles valeurs, une ode à l’ouverture d’esprit et à la bienveillance. Car ici, la romance est portée par la question identitaire, par l’appartenance à une race, une religion et par son combat pour exister voire persister. Alors oui, il s’agit d’un roman de science-fiction où l’on découvre un monde différent du nôtre avec ses voyages temporels, ses différentes planètes, sa faune et sa flore. Mais le genre sert plus de support à une vision différente d’appréhender la vie, l’amour et la mort, à analyser des sentiments qu’à introduire une intrigue clairement SF.

  En quelque sorte, on pourrait même dire que « le meilleur des mondes possibles » possède quelques notions de fantasy, le récit nous plongeant dans une quête identitaire que ne renieraient pas les modèles du genre. Bien sûr l’apparition de vaisseau mental et de capacités psi permettant de lire dans les pensées ou d’influencer son entourage rappellent résolument la SF ou le fantastique. Loin de l’action trépidante, la narration est posée et on se laisse porter par le voyage entrepris par notre petit groupe de personnages à la recherche d’épouses potentielles pour les deniers survivants Sadiris. C’est l’occasion de découvrir les us et coutumes des uns et des autres, mais aussi leurs codes comportementaux et leur héritage. Sur ce point-là, Karen Lord se livre à un développement poussé, car les émotions et interactions entre les personnages sont de la plus haute importance.

  Etrangement, si l’on se fait petit à petit une idée précise de la manière d’être des uns et des autres, à travers de nombreux non-dits où perce une certaine pudeur, on a beaucoup de mal à se figurer les détails physiques des personnages. L’auteure détaille parfois les vêtements ou une posture pour les besoins d’une scène mais elle ne nous donne pas vraiment de particularité physique précise. On reste dans le flou. Ce qui est plutôt dommage vu le genre très ouvert de la SF. Reste que les protagonistes sont brossés avec soin, on s’y attache assez rapidement. Les amitiés qui se nouent au fur et à mesure sont plaisantes à suivre. Le comportement des Sadiris étant parfois surprenant selon les normes humaines, on ne saisit pas toujours au vol une tentative d’humour, mais il faut avouer que ça colle plutôt bien à la vision de l’auteure. C’est parfois un peu perturbant, à l’image de la rencontre avec le « faux » peuple Faërie dont on ne comprend pas de suite les paroles de la reine. Mais j’imagine que cette ambivalence était voulue par l’auteur, les Sadiris ne s’exprimant qu’à demi-mots. Bref, une chouette découverte.

Verdict : Bonne pioche

bonne-pioche

Dan WELLS – Partials, tome 2 : Fragments

partials 2Titre original : Partials, book 2 : Fragments (2013)
Traduction par : Valérie Le Plouhinec
Edition : Albin Michel Wiz
Paru le : 26/02/2014
ISBN : 978-2-226-25494-8
Nbr de pages :
Prix constaté : 19.50€

Résumé :
Kira a trouvé un remède au virus du RM. Il coule dans le sang des Partials. Les nouveau-nés survivent, enfin. Si l’espèce humaine n’est plus directement menacée, les Partials le sont : ils meurent à l’âge de 20 ans. Kira doit cette fois sauver l’ennemi d’autrefois. Quête d’autant plus déchirante qu’elle est elle-même une Partial, qui doit trouver sa place dans ce monde fragmenté…

Impressions :
Après un premier tome explosif qui avait été un coup de cœur, ce second tome de « Partials » approfondit une intrigue déjà riche et prend le temps de développer l’univers dans ses moindres détails. Un tome de transition en somme, qui revient sur l’histoire de la création des partials et sur la scission entre les deux factions. Avec au cœur de ce soulèvement, le mystérieux laboratoire ParaGen qui n’en finit pas de nous livrer ses secrets. Révélations et rebondissement sont les maitres mots de « Fragments », Dan Wells mettant pour un temps l’action pure de côté, afin de pouvoir explorer le contexte historique et scientifique de son univers. On pourra remarquer que la première partie du récit souffre en ce sens d’une petite baisse de régime avec quelques longueurs, Kira étant livrée à elle-même et jetée au milieu de ce milieu urbain désolé et inconnu. Cependant, comme dans le premier tome, l’auteur alterne les points de vue, ce qui apporte un peu de rythme, heureusement.

  Suite à la révélation finale sur le passé de Kira et l’origine du remède au virus RM, nos divers protagonistes se retrouvent divisés, certains étant partis sur les routes à la recherche de la vérité (Kira et Samm), d’autres restants sur place et supposément à l’abri des attaques de partials, devront faire face à de nombreux bouleversements (Haru, Marcus). Les personnages sont toujours brossés avec soin, Dan Wells prenant le temps de développer leurs personnalités perspectives en les faisant mûrir, évoluer. Leurs réactions sont toujours aussi crédibles et l’insertion de questions éthique et de réflexions sur leur environnement, leur passé, sont toujours aussi plaisantes à suivre. L’auteur prend vraiment en compte l’aspect authentique et cohérent de ses protagonistes, qui nous paraissent très réalistes. Et bien que les partials ne soient pas humains, il est intéressant de voir la relation entre Samm et Kira évoluer, preuve que les humains ne sont pas forcément les plus « humains » justement. On commence à s’interroger sur les motivations de chacun. Au fond, les partials sont-ils les monstres qu’on nous dépeint ?

  Si le voile sur les origines de Kira est partiellement levé, de nombreuses questions restent en suspens. Sa rencontre avec Afa, un géant génie en informatique un peu simplet parfois, va lui permettre de découvrir le vrai visage de ParaGen. Les explications un peu confuses d’Afa et la multitude d’explications sont un peu laborieuses à suivre, il faut bien le reconnaitre. Heureusement la réunion avec Samm va apporter une nouvelle dynamique et le récit repart sur de bonnes bases. On découvre ainsi plus amplement les villes dévastées avec l’invasion de créatures peu amicales. La scène avec les chiens de garde m’a paru particulièrement flippante (ça m’a rappelé « Métal Hurlant »). Une des choses que l’on peut saluer chez Dan Wells, c’est sa capacité à nous faire réfléchir sur de nombreux thèmes, sans nous imposer « sa vision ». On passe par tout un panel de sentiments et d’interrogations mais sans vérité assénée, à charge de chaque lecteur de se faire sa propre opinion. Bref, pour l’instant une très bonne trilogie YA, en espérant que le dernier tome soit à la hauteur.

Verdict : Avec les honneurs

rock