Fabien CLAVEL – L’évangile cannibale

l'évangile cannibaleIllustration de couverture : Diego Tripodi
Paru le : 23/01/14
Editions : ActuSF
Collection : Les 3 souhaits
ISBN : 978-2-917689-58-5
Nbr de pages : 285
Prix constaté : 17€

Résumé :
Aux Mûriers, l’ennui tue tout aussi sûrement que la vieillesse. Matt Cirois, 90 ans et des poussières, passe le temps qu’il lui reste à jouer les gâteux. Tout aurait pu continuer ainsi si Maglia, la doyenne de la maison de retraite, n’avait vu en rêve le fléau s’abattre sur le monde. Et quand, après quarante jours et quarante nuits de réclusion, les pensionnaires retrouvent la lumière et entrent en chaises roulantes dans un Paris dévasté, c’est pour s’apercevoir qu’ils sont devenus les proies de créatures encore moins vivantes qu’eux. Que la chasse commence…

Impressions :
Avec « L’évangile cannibale », Fabien Clavel frappe fort, là où ça fait mal. Sous couvert d’apocalypse zombie, l’auteur nous interroge sur les conditions de vie de « nos vieux », que l’on envoie clamser dans un mouroir… Force est de constater que la qualité de vie n’est pas toujours au top dans certains instituts et que la vie active des proches fait souvent office d’excuse pour ne pas rendre visite à la mamie ou au vieil oncle placé en maison de retraite. Alors oui, mettre au cœur d’un récit un groupe de vieux, leur donner leur tribune et les confronter à l’horreur indicible d’une apocalypse a de quoi en imposer. Un road movie zombiesque en fauteuil roulant et couche c‘est possible ? Le récit de Fabien Clavel nous fournit la réponse avec bagou et panache. Mais aussi une bonne dose d’horreur…

  Le récit nous est rapporté par un narrateur unique et absolu en la personne de Matthieu, vieux salopard comme il se présente lui-même. Si le narrateur commence par nous narrer ses conditions de vie plutôt consternantes avec beaucoup de morgue, c’est pour mieux nous endormir et installer un climat d’empathie. A coups d’insultes et de petites phrases bien senties d’où sourd un humour noir bienvenu dans ce climat délétère. On suit donc avec compassion le délire de ces vieux qui voient la fin du monde se profiler. Quand le délire tourne au cauchemar et que le cauchemar devient réalité, nous voilà bien ferrer, prêt à suivre les aventures tragi-comiques de nos vieillards. Entre les besoins en vivres et autres couches, bouteilles d’oxygène et fauteuils roulants flambant neuf, on plonge de suite dans un univers décalé qui fleure bon la sénescence (oui, je parle bien ^^). Mais, et les zombies dans tout ça ?

  Lâchés dans un Paris dévasté et pillé, nos vieillards en goguette finissent par rencontrer les nouveaux locataires de ce monde en ruine. Il faut attendre un bon tiers du roman pour que s’annonce l’affrontement vieux croulant Vs. morts pourrissants. Des morts en sursis aux morts revenus à la vie, qui sera le plus fort ? Je ne vous révélerai rien bien sûr. Si ce n’est que les propos de Matthieu deviennent de moins en moins cohérents et que le lecteur se rend peu à peu compte qu’il ne peut pas se fier à ce narrateur despotique. Les dialogues insérés à même la narration, sans marqueurs (comme dans « La route » de MacCarthy) poussent le lecteur à douter des événements et les omissions en rajoutent une couche. Si une piste est lancée quant au déclencheur de cette apocalypse, les emportements paranoïaques du narrateur nous laissent dans le doute. Les choses se sont-elles vraiment passées comme ça ? Pas sûr. On nous sert une version biaisée, narrée par un vieux salopard qui se laisse emportée par l’horreur et la mégalomanie. Finalement Sa Majesté des mouches n’est pas loin. Une bonne découverte !

Verdict : Avec les honneurs

rock

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12 réflexions sur “Fabien CLAVEL – L’évangile cannibale

  1. […] Chroniques d’ailleurs :  Avides Lectures […]

  2. Tesrathilde 19/05/2014 à 13:59 Reply

    J’ai découvert l’auteur il y a quelques semaines avec ce même titre, qui m’a plutôt donné envie d’autres histoires de zombies, et aussi d’autres titres du même auteur ! 🙂 J’ai trouvé le concept de départ très original : des vieux en tant que héros « d’action » c’est plutôt rare. (Cela m’a rappelé le Dernier Héros de Pratchett)

    • nymeria 19/05/2014 à 21:01 Reply

      Comme toi, j’ai découvert l’auteur il y a peu à travers « Furor » que j’ai adoré ! Vu que j’ai aussi apprécié « L’évangile cannibale », je crois que je vais me lancer dans d’autres romans de l’auteur ! 🙂 Je ne connais pas ce roman de Pratchett, je vais aller voir ça.

  3. Sita 19/05/2014 à 16:35 Reply

    J’ai découvert Clavel avec ce roman aussi, une vraie claque ! Je ne me souviens pas bien de Sa majesté des mouches (je l’ai lu en anglais avec un niveau insuffisant donc ça ne m’avait pas plu des masses), la narration est aussi incertaine et pleines d’omissions ?
    En tout cas je suis contente que ça t’ait plu à toi aussi !

    • nymeria 19/05/2014 à 21:09 Reply

      Oui, j’ai vu que tu avais écrit un avis, mais je n’aime pas trop lire d’autres chroniques avant d’écrire la mienne, trop peur de me laisser influencer. Perso, j’avais bien aimé SMDM, je l’ai lu il y a quelques années mais en français. Ce n’est pas tant la narration qui est identique que le portée : si tu donnes du pouvoir à quelqu’un, il peut vite virer mégalo et parano. Avec SMDM, c’était avec des enfants, ici avec des vieux. 🙂 Mais je crois me souvenir qu’il y avait pas mal d’omissions aussi…

      • Sita 26/05/2014 à 12:42

        Je suis pareil, je ne lis mes avis qu’avant de le lire, ou une fois lu (et chroniqué si j’en ai envie) pour savoir ce que les autres en ont pensé, je n’ai pas envie de risquer de me laisser influencer non plus.
        SMDM mériterait une relecture un de ces quatre 🙂 Mais j’avais bien aimé le parallèle avec les enfants pour parler de l’abus de pouvoir. Et SMDM n’a rien à envier à L’évangile cannibale, c’était tout aussi malsain !

      • nymeria 28/05/2014 à 20:10

        Oui, question « malsain » quand même, ça tape fort. La scène avec la théorie de « repopulation » est juste horrible et dégoûtante !

      • Sita 01/06/2014 à 20:32

        Elle m’a traumatisée ! Mais quelque part c’est un sujet que peu abordent dans leurs récits d’apocalypse alors que ça doit bien toucher l’esprit des protagonistes, et là comme les vieux sont sur la pente descendante…
        Mais brrr !

      • nymeria 02/06/2014 à 23:43

        Yep, c’est ce qui m’a plu, ça ne parait pas « gratuit » comme si l’auteur voulait faire dans l’esbouffre, ça rentre dans le cadre du roman. Mais oui, brrr ! 😀

  4. BlackWolf 25/05/2014 à 17:46 Reply

    Je n’ai fais que survolé tona vis car je viens de faire rentrer ce livre dans ma PAL après mon passage aux Imaginales où l’auteur était présent. Je pense le lire rapidement le concept me tente bien ^^

    • nymeria 28/05/2014 à 19:59 Reply

      Snif! Tu en as de la chance d’être allé aux imaginales, je n’ai pas pu y aller au final. Oui, le concept est sympa, j’espère qu’il te plaira ! 🙂

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