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Jo WALTON – Morwenna

morwennaTitre original : Among others (2011)
Traduit par : Luc Carissimo
Date de parution : 10/04/2014
Edition : Denoël
Collection : Lunes d’encre
ISBN : 978-2-207-11654-8
Nbr de pages : 334
Prix constaté : 21.50€

Résumé :
Morwenna Phelps, qui préfère qu’on l’appelle Mori, est placée par son père dans l’école privée d’Arlinghust, où elle se remet du terrible accident qui l’a laissée handicapée et l’a privé à jamais de sa sœur jumelle, Morganna. Loin de son pays de Galles natal, Mori pourrait dépérir, mais elle découvre le pouvoir des livres, notamment des livres de science-fiction. Samuel Delany, Roger Zelazny, James Tiptree Jr, Ursula K. Le Guin et Robert Silverberg peuplent ses journées, la passionnent. Alors qu’elle commence à reprendre du poil de la bête, elle reçoit une lettre de sa folle de mère : une photo sur laquelle Morganna est visible et sa silhouette à elle brûlée. Que peut faire une adolescente de seize ans quand son pire ennemi, potentiellement mortel, est sa mère ? Elle peut chercher dans les livres le courage de se battre.

Impressions :
Grand gagnant du prix Nebula et du prix Hugo, Morwenna me faisait de l’œil depuis sa sortie vo et sa vf annoncée sur le blog de la collection Lunes d’encre chez Denoël. J’en attendais beaucoup, de cette ode à la littérature de l’imaginaire. Mais malgré mes bonnes dispositions, je n’ai pas du tout réussi à y adhérer.

  L’absence d’intrigue m’a gênée tout comme le manque de finalité du roman. J’ai lu quelque part que c’était un récit sur la résilience et je veux bien le croire. Morwenna qui se bat contre sa solitude, qui ne se laisse pas abattre par la mort de sa jumelle ni par son handicap, c’est sûr que c’est touchant et admirable. Mais le procédé narratif utilisé par Jo Walton qui construit le roman tel le journal intime de la jeune fille au jour le jour est plus source d’ennui qu’autre chose. Il ne se passe pas grand-chose entre la première entrée de son journal intime et la dernière. Morwenna évolue très peu. Du moins pas assez pour que l’on apprécie son parcours. De plus la personnalité de la jeune fille nous parait un peu froide, trop détachée de tout.

  Certes, il y a quelques sursauts, surtout quand Morwenna se lance sur son sujet préféré : la littérature SFFF. Ou qu’elle analyse son environnement en voyant de la magie partout. Magie qui n’est que très peu exploitée et ne présente pas vraiment d’intérêt au final. Pareil pour la longue liste de romans cités qui ne fait pas montre d’un quelconque développement. L’auteure nous balance des titres en veux-tu en voilà sans prendre le temps de s’y attarder. Je n’y ai pas vu d’intérêt, à moins de connaitre déjà lesdits titres (l’envie ne m’a traversé à aucun moment de me renseigner un peu plus sur tel ou tel livre par exemple…). Si le but était de mettre en valeur ce type de littérature, c’est un peu raté selon moi. Bref, je n’ai pas été touchée par la magie de Morwenna et j’en ressors avec l’impression d’être complètement passée à côté…

Verdict : Pas ma tasse de thé

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Robert Charles WILSON – Les derniers jours du paradis

les derniers jours du paradisTitre original : Burning Paradise (2013)
Traduit par : Gilles Goullet
Date de parution : 04/09/2014
Editions : Denoël
Collection : Lunes d’encre
ISBN : 978-2-207-11644-9
Nbr de pages : 342
Prix constaté : 20.50€

Résumé :
Alors que l’Amérique se prépare à fêter les cent ans de l’Armistice de 1914, un siècle de paix mondiale, d’avancées sociales et de prospérité, Cassie n’arrive pas à dormir. Au milieu de la nuit, elle se lève et va regarder par la fenêtre. Elle remarque alors dans la rue un homme étrange qui l’observe longtemps, traverse la chaussée… et se fait écraser par un conducteur ivre. L’état du cadavre confirme ses craintes : la victime n’est pas un homme mais un des simulacres de l’Hypercolonie, sans doute venu pour les tuer, son petit frère et elle. Encore traumatisée par l’assassinat de ses parents, victimes sept ans plus tôt des simulacres, Cassie n’a pas d’autre solution que fuir de nouveau.

Impressions :
Robert Charles Wilson est un des auteurs phares en SF dont on entend beaucoup parler ces dernières années. Sa trilogie « Spin » (qui m’attend d’ailleurs dans la PAL) ayant reçu de bonnes critiques, j’étais plutôt curieuse de découvrir l’auteur. Surtout que la quatrième de couverture faisait mention du Village des damnés de Wyndham… Premier constat à la lecture de ces derniers jours du paradis, c’est que le roman fait très « old-school » avec ses créatures extra-terrestres au sang vert qui traquent les humains. On pense aux vieux films d’épouvante des années 80, notamment de John Carpenter, avec cette ambiance de paranoïa « Ils sont parmi nous ». Même si ça a un côté un peu kitsch et que la trame pêche un peu au niveau de l’originalité, l’auteur réussit à nous emmener là où il veut grâce à des personnages convaincants que l’on prend plaisir à suivre.

  Au fur et à mesure que l’on avance dans le récit, on se rend compte de Wilson a réécrit notre Histoire en développant une uchronie, dont les événements se retrouvent modifiés suite à la création de l’Hypercolonie. Celle-ci influe sur nos sentiments en nous rendant moins belliqueux, ce qui explique la disparition de grands conflits de la surface de la Terre. Dès lors, l’auteur introduit tout un tas de réflexions très intéressantes qui permet au lecteur de méditer sur la notion de liberté de pensée, de pérennité et de cette tendance à régler nos querelles par la violence. A l’image du Meilleur des mondes de Huxley, on s’interroge sur la façon d’effacer la guerre de notre planète. Faut-il pour arriver à cette fin nous laisser manipuler par un tiers ? Doit-on abandonner toute trace de technologie ?

  Si le roman apporte de nombreuses observations intéressantes, l’auteur manque un peu de conviction quand il s’agit d’approfondir son sujet. On aurait aimé en apprendre un peu plus sur son univers dans son ensemble, Wilson se cantonnant à l’histoire de ses personnages sans développer plus avant ses différents aspects. On ne sait pas grand-chose sur la situation mondiale (à part qu’il n’y a plus de guerres), ni sur l’évolution sociale des humains face aux manipulations de l’Hypercolonie. Même si les personnages suivis sont intéressants, il aurait pu être judicieux de nous présenter la vision d’autres personnes n’ayant rien à voir avec la Society. Heureusement que Cassie et Ethan réussissent à nous troubler par leur cheminement des plus difficiles. La présence de nombreuses redondances (le fameux attentat de 2007) couplé à ce manque de développement rendent la lecture un peu longuette. Au final, ce sont bien les protagonistes qui tirent leur épingle du jeu et rendent le récit prenant par leur conception du monde qui mènera à un final sans concession.

Verdict : Roulette russe

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Christopher PRIEST – Notre île sombre

notre île sombreTitre original : Fugue for a darkening island (1972)
Illustration de couverture : Aurélien Police
Paru le : 19/06/14
Edition : Denoël
Collection : Lunes d’encre
Traduit par : Michelle Charrier
ISBN : 978-2-207-109676-2
Nbr de pages : 202
Prix constaté : 17.50€

Résumé :
«Je suis sale. J’ai les cheveux desséchés, pleins de sel, des démangeaisons au cuir chevelu. J’ai les yeux bleus. Je suis grand. Je porte les vêtements que je portais il y a six mois et je pue. J’ai perdu mes lunettes et appris à vivre sans. Je ne fume pas, sauf si j’ai des cigarettes sous la main. Je me saoule une fois par mois, quelque chose comme ça. La dernière fois que j’ai vu ma femme, je l’ai envoyée au diable mais j’ai fini par le regretter. J’adore ma fille, Sally. Je m’appelle Alan Whitman… Et je survis dans une Angleterre en ruine, envahie par des populations africaines obligées de fuir leur continent devenu inhabitable.»

Impressions :
« Notre île sombre » dont la première version est parue en 1971 sous le titre « Le rat blanc » est un roman étonnamment toujours d’actualité, voire visionnaire au vu des nouvelles brûlantes de ces dernières années. Ce roman d’anticipation qui nous projette dans un futur aux prises avec un flux massif d’immigrés clandestins qui envahit le quotidien tranquille de nos compatriotes anglais est une vraie claque. Christopher Priest livre un roman engagé, même s’il dément un quelconque message politique. Et effectivement, le récit ne prend le parti d’aucun des camps, chacun étant responsable d’atrocités. « Notre île sombre » soulève un grand nombre d’interrogations sur notre Histoire et sur notre avenir. Des questions sur le racisme, l’ouverture des frontières, les ONG, notre difficulté à évoluer dans ce monde changeant. Les flux de populations ont toujours existé, créant de grands bouleversements historiques et des problèmes d’identité, qui ne sont pas toujours réglés et créent des frictions. Comment y faire face ? Sûrement pas en faisant l’autruche comme c’est le cas de la famille du narrateur…

  Pourtant, on peut facilement s’identifier au narrateur parce que le monde dans lequel il évolue est très proche du notre. Alan Whitman est un personnage lambda, un peu lisse, qui fait partie de la classe moyenne et n’a pas de réelles convictions. D’ailleurs, on le voit se faire balloter tout au long du roman. Il se laisse porter par les évènements, dans l’espoir que tout revienne à la normale. Ce refus d’affronter la réalité le mènera jusqu’au point de rupture. Le parallèle entre les deux premiers paragraphes de présentation est plus que criant sur ce point. Bizarrement, et sûrement à cause de la personnalité assez neutre d’Alan, le roman est assez contemplatif, assez indolent, ça manque parfois de rythme, de réaction. Les retours entre passé et présent insérés sans aucune coupure à part une interligne dans le texte, ne sont pas pour aider à la compréhension ni à la concentration d’ailleurs. Si un semblant de suspense est installé à propos de la disparition de la femme et de la fille d’Alan, ce ping-pong mental vient détruire cette tentative. Un peu plus de clarté et une structure du récit différente, auraient pu rendre le roman plus addictif à mon avis. Reste que le dénouement est un vrai crève-cœur et que Christopher Priest a le don de nous interpeller sur des sujets d’actualité.

Verdict : Bonne pioche

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