Archives de Catégorie: Romance

Helene WECKER – La femme d’argile et l’homme de feu

la femme d'argile et l'homme de feuTitre original : The Golem and the Djinni (2013)
Date de parution : 08/10/2015
Editions : Robert Laffont
ISBN : 2-221-13639-X
Nbr de pages : 554
Prix constaté : 23€

Résumé :
Lorsqu’elle se réveille en cette fin du XIXe siècle, Chava est enfermée dans une malle au fond d’un navire qui les emmène, elle et son nouveau mari, vers New York, loin de la Pologne. Faite d’argile, c’est une golème, créée par un rabbin qui s’est détourné de Dieu pour se consacrer à l’occultisme.
Lorsqu’il se réveille, le djinn est violemment projeté sur le sol de l’atelier d’Arbeely, un artisan syrien. L’instant d’avant, c’est-àdire mille ans plus tôt, cet être de feu aux pouvoirs exceptionnels errait dans le désert.
La golème et le djinn, fantastiques immigrés, se rencontrent au hasard d’une rue. Eux seuls se voient tels qu’ils sont réellement. Chacun sait que l’autre n’est pas humain. Tous deux incapables de dormir, ils se donnent rendez-vous une fois par semaine, la nuit, pour arpenter les rues de Manhattan, qu’ils découvrent avec émerveillement.
Mais une menace plane sur eux. Le créateur de la golème, d’un âge très avancé, est prêt à tout pour échapper à la mort. Et il a vu ou se cachait le secret de la vie éternelle : à New York.

Impressions :
Grosse déception sur ce roman qui n’a pas su combler mes attentes. J’en avais lu tellement de bien sur les blogs étrangers lors de sa sortie que j’en attendais beaucoup. Ce n’est pas tant la romance annoncée qui m’intéressait que l’histoire évoluant autour de créatures magiques peu connues que sont le golem et djinn. On a en tellement soupé des vampires, loups-garous et autre sorcières que je me suis dit qu’un peu de sang neuf pourrait être sympathique ! Mais malheureusement, l’auteure a le travers d’utiliser l’aspect fantastique comme simple toile de fond au lieu de tout miser dessus. Bref, c’est de la romance avec une touche de fantastique et pas le contraire. Je m’attendais tout de même à une mythologie plus développée notamment sur les rites judaïques, mais non. L’auteure ne fait qu’effleurer la surface des choses.

  Et que l’on ne me parle pas de fresque historique. Ce n’est pas parce que le roman se déroule à une époque authentique et qu’il aborde vaguement les nombreux flux migratoires d’alors que ça en fait un récit historique. Un peu léger comme argument. Alors, oui, c’est bien un récit initiatique, les deux protagonistes principaux Chava et Ahmad (la golem et le djinn) découvrant la vie et les émotions parmi les humains. Ils sont comme les deux faces d’une pièce, comme l’eau et le feu. Quand une est dépendante de son maitre, l’autre rêve de liberté, quand la première a peur de décevoir son entourage, le second ne pense qu’à son autosatisfaction. Les deux vont peu à peu s’appréhender, se découvrir, se révéler à eux-mêmes. Leurs discussions entre discorde et tolérance sont l’un des aspects les plus intéressants du récit.

  Fâcheusement, pour en arriver là, il faut pratiquement attendre la moitié du récit. Soit plus de 200 pages. 200 pages bien mornes qui nous relatent la vie de tel ou tel personnage qui aura son importance à un moment donné de la vie des deux héros. Et n’en déplaise à certains, je n’ai pas trouvé qu’Helene Wecker soit une narratrice brillante. Au contraire, la narration manque de relief et ne nous permet pas de nous attacher aux personnages. Pas même à Chava et Ahmad. On ne vit pas le récit, on le subit tant c’est contemplatif et que l’on reste en retrait du récit. L’auteure ne nous implique pas, ne nous secoue pas. Pas même quand elle développe l’histoire du grand méchant du récit. Aucune prise de risque. La fin vient un peu relever le tout mais honnêtement après s’être farci 350 pages d’histoires personnelles de Pierre, Paul et Jacques, j’ai eu du mal à apprécier.

Verdict : Roulette russe

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Rupert THOMSON – Noces de cire

noces de cireTitre original : Secrecy (2013)
Traduit par : Sophie Aslanides
Paru le : 09/10/2014
Editions : Denoël
Collection : & d’ailleurs
ISBn : 978-2-207-11698-2
Nbr de pages : 391
Prix constaté : 22.50€

Résumé :
Florence, 1691. Zummo est un sculpteur de génie qui crée des statues de cire si délicates qu’elles semblent avoir pris vie. Il a fui sa Sicile natale pour trouver refuge dans une ville vérolée par la corruption, aveuglée par l’austérité, où les citoyens les plus riches assouvissent leurs désirs les plus pervers. Convoqué par le grand-duc qui lui a commandé une Vénus de cire grandeur nature, Zummo parcourt les ruelles labyrinthiques à la recherche d’une femme suffisamment parfaite pour servir de modèle. Mais la Toscane regorge de secrets et de dangers. La torture et les exécutions vont bon train, et, lorsqu’on trouve le cadavre d’une jeune femme sur les bords de l’Arno, le sculpteur commence à croire que le vice prend sa source à la cour des Médicis. Tout en poursuivant sa création, essayant d’insuffler la vie à sa Vénus de cire, il se demande si cette femme parfaite va le mener à son salut ou à sa perte.

Impressions :
Avec « Noces de cire », Rupert Thomson signe un récit multiforme qui mêle Histoire, romance et secrets de famille habilement. Bien que le roman s’ancre dans une époque réaliste avec l’apparition de personnages historiques, l’histoire est romancée et ne cherche pas à tout prix à coller à une vérité historique. On aurait donc tort de le classer dans le genre Historique car l’époque sert surtout à installer une ambiance particulière. Imaginez Florence à la fin du 17ème avec ses bâtiments majestueux, sa noblesse et ses intrigues, ses marchés et sa profusion d’odeurs et de couleurs et surtout ses lois cruelles où la torture est toujours de mise.

  La représentation de cette époque florentine est extrêmement bien rendue, on se retrouve vite pris par les balades de Zummo qui passe d’un quartier à un autre et côtoie les nantis comme les plus pauvres. Son art qui allie le glauque à la beauté horrifie comme il fascine. Que ce soit par le maniement de la cire, l’application de nouvelles techniques ou son usage quelque peu morbide du corps humain, Zummo est un artiste inspiré qui ne laisse pas indifférent. La passion qui le lie à Faustina et son passé trouble achève de nous le rendre attachant. La narration à la première personne du singulier permet une proximité avec l’artiste qui fait de nous son confident, son confesseur en quelque sorte.

  C’est donc avec un certain naturel que le narrateur se décharge de son passé. Mais toujours à demi-mots, comme si la pudeur l’empêchait de se livrer totalement ou comme si la vérité était trop douloureuse à exposer. J’ai beaucoup apprécié cette manière qu’a Rupert Thomson de suggérer plus qu’il ne dit, comme si c’était au lecteur de faire l’autre moitié du chemin. On pourrait croire qu’il nous laisse délibérément dans le vague mais c’est pour mieux nous laisser interpréter les rumeurs à notre manière. A nous de faire la part entre rêve et réalité. Voilà un procédé ingénieux.

  Les personnages secondaires ne jouent pas de simples rôles de figurants. Autour de Zummo gravite les profiteurs, les amis comme les jaloux avec qui il devra redoubler de prudence. La cour de Florence est un endroit dangereux pour un artiste indépendant qui se moque des allégeances. L’histoire personnelle de Zummo est émouvante. Sa rencontre prédestinée avec Faustina et le dénouement – inévitable – du récit sont rondement menés. Dommage que la narration se perde un peu entre passé et présent au tout début du récit, on peut vite perdre le fil. Un beau roman, au style agréable.

Verdict : Bonne pioche

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Amy RABY – Le jeu de l’assassin

le jeu de l'assassin 1Illustration de couverture : Magali Villeneuve
Titre original : Heart and Thrones, book 1: Assassin’s Gambit (2013)
Traduit par Leslie Damant-Jeandel
Editions : Bragelonne
Date de parution : 21/05/2014
ISBN : 978-2352947455
Nbr de pages : 324
Prix constaté : 20€

Résumé :
Vitala Salonius est un assassin surentraîné et une femme aussi attirante que dangereuse oeuvrant pour la libération de son peuple. Sa mission : séduire l’empereur avant de lui porter le coup fatal.
Dirigeant d’un pays au bord du chaos, Lucien Florian Nigellus ne baisse jamais sa garde. Sa vie étant menacée à chaque instant, il ne peut se le permettre, même devant cette éblouissante courtisane de passage au palais. Pourtant, Vitala pourrait bien le distraire un instant de ses préoccupations – et combler d’autres besoins…
Un assassin n’a pas le droit de succomber à sa proie, Vitala le sait depuis l’enfance.
Or Lucien ne ressemble pas au tyran sanguinaire qu’elle s’est imaginé. Prise entre ses convictions et un sentiment plus trouble, Vitala hésite. À qui ira sa loyauté ?

Impressions :
« Le jeu de l’assassin ». Un titre qui fait frémir et qui promet des coulées de sang, du suspense et peut être quelques plans machiavéliques de derrière les fagots. Sauf que l’assassin remise ici sa capuche pour sortir ses dessous affriolants et que plutôt que de se tapir dans la nuit, celle-ci préfère se coucher dans un lit. Méfiez-vous messieurs si une jolie femme vient vous séduire, probable qu’elle cherche en fait à vous tuer. Après vous avoir fait hurler de plaisir bien sûr…

  Dans « Le jeu de l’assassin » que l’on pourrait, que dis-je, que l’on DEVRAIT renommer « Le jeu de la courtisane », tout est prétexte à rire. Comme l’assassin est une femme, forcément elle ne peut pas être quelqu’un de déterminé, d’implacable et de dangereux comme ses confrères masculins. Non. Il faut qu’elle séduise sa victime avant de la tuer et elle doit utiliser le sexe pour parvenir à ses fins. Mais bien sûr ! Et bien évidemment, elle ne sait même pas tenir ses engagements et tombe en moins de deux secondes sous le charme de sa cible…

  Que de clichés sexistes ! Et dire que ce roman a été écrit par une femme. Si Amy Raby voulait créer une histoire autour d’une courtisane, il n’y avait pas besoin de déguiser son roman sous de faux airs de fantasy à capuche. Même si c’est vendeur. Le fond emprunte vaguement au genre. Mais c’est surtout de la romance avec quelques artifices de fantasy. Je ne comprends pas le choix de Bragelonne d’avoir publié ce bouquin sous ce label plutôt que Milady, où il avait bien mieux sa place. D’ailleurs la couverture étrangère est sans équivoque et annonce clairement la couleur.

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  Bref, j’imagine que c’est ma faute de m’être fait avoir par une jolie couverture et par un résumé sympa. Mais je rie jaune quand je relis la 4ème de couverture et que je vois « Vitala Solonius est un assassin surentraîné ». Avec la musique d’action que ça implique. Tantantantaaaaaaaaaan ! Ok. L’assassin surentraîné, quand elle se retrouve confrontée à 4 ou 5 adversaires et qu’elle doute de pouvoir sans sortir (petite joueuse !), se demande QUAND MÊME si ce n’est pas trop tard pour utiliser ses atouts féminins et les enjôler… OK, ma cocotte, je t’explique. Quand tu as 5 mecs armés devant toi prêt à te couper la tête, je pense QU’EFFECTIVEMENT il est trop tard pour les séduire ! Réaction donc de notre assassin surentraîné pour se sortir de ce mauvais pas : « Laissons-en-un me violer, je trouverais peut être une ouverture… ». *soupir* Bon, il n’y a rien à dire. C’est… édifiant ou consternant je vous laisse choisir. Je vous passe aussi l’intrigue qui se résume à « elle tombe amoureuse du roi, le roi risque de se faire destituer par son oncle, elle le protégera et il y aura du sexe». Conclusion, la seule chose de bien dans « Le jeu de l’assassin », c’est sa couverture…

Verdict : Courage, fuyons !

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Karen LORD – Le meilleur des mondes possibles

le meilleur des mondes possiblesTitre original : The Best of all Possible Worlds (2013)
Paru le : 12/06/14
Edition : Panini Books
Collection : Eclipse science-fiction
ISBN : 978-2-809-4395-88
Nbr de pages : 380
Prix constaté : 16€

Résumé :
Autrefois la race la plus avancée de la galaxie, les Sadiris ont été exterminés et leur monde natal détruit. Pour préserver leur espèce de l’extinction, les derniers survivants, en majorité des mâles, doivent s’organiser. Sur Cygnus Beta, des conseillers sadiris partent à la recherche des descendants d’une ancienne diaspora de leur peuple, dans l’espoir de trouver des femelles génétiquement compatibles afin de sauvegarder la société et le mode de vie sadiris.
Commence alors pour les derniers Sadiris une quête désespérée qui les amènera à percer les secrets de leur passé. Mais la survie de l’espèce passera par l’acceptation de leur condition, la refonte de leur société et ultimement, la recherche de l’amour…

Impressions :
« Le meilleur des mondes possibles » est le second roman d’une jeune auteure barbadienne qui ne laisse pas indifférent par son message de tolérance, de partage et d’empathie multiethnique. Bien que je ne sois pas férue de romance, j’ai trouvé ce récit touchant et porteur de belles valeurs, une ode à l’ouverture d’esprit et à la bienveillance. Car ici, la romance est portée par la question identitaire, par l’appartenance à une race, une religion et par son combat pour exister voire persister. Alors oui, il s’agit d’un roman de science-fiction où l’on découvre un monde différent du nôtre avec ses voyages temporels, ses différentes planètes, sa faune et sa flore. Mais le genre sert plus de support à une vision différente d’appréhender la vie, l’amour et la mort, à analyser des sentiments qu’à introduire une intrigue clairement SF.

  En quelque sorte, on pourrait même dire que « le meilleur des mondes possibles » possède quelques notions de fantasy, le récit nous plongeant dans une quête identitaire que ne renieraient pas les modèles du genre. Bien sûr l’apparition de vaisseau mental et de capacités psi permettant de lire dans les pensées ou d’influencer son entourage rappellent résolument la SF ou le fantastique. Loin de l’action trépidante, la narration est posée et on se laisse porter par le voyage entrepris par notre petit groupe de personnages à la recherche d’épouses potentielles pour les deniers survivants Sadiris. C’est l’occasion de découvrir les us et coutumes des uns et des autres, mais aussi leurs codes comportementaux et leur héritage. Sur ce point-là, Karen Lord se livre à un développement poussé, car les émotions et interactions entre les personnages sont de la plus haute importance.

  Etrangement, si l’on se fait petit à petit une idée précise de la manière d’être des uns et des autres, à travers de nombreux non-dits où perce une certaine pudeur, on a beaucoup de mal à se figurer les détails physiques des personnages. L’auteure détaille parfois les vêtements ou une posture pour les besoins d’une scène mais elle ne nous donne pas vraiment de particularité physique précise. On reste dans le flou. Ce qui est plutôt dommage vu le genre très ouvert de la SF. Reste que les protagonistes sont brossés avec soin, on s’y attache assez rapidement. Les amitiés qui se nouent au fur et à mesure sont plaisantes à suivre. Le comportement des Sadiris étant parfois surprenant selon les normes humaines, on ne saisit pas toujours au vol une tentative d’humour, mais il faut avouer que ça colle plutôt bien à la vision de l’auteure. C’est parfois un peu perturbant, à l’image de la rencontre avec le « faux » peuple Faërie dont on ne comprend pas de suite les paroles de la reine. Mais j’imagine que cette ambivalence était voulue par l’auteur, les Sadiris ne s’exprimant qu’à demi-mots. Bref, une chouette découverte.

Verdict : Bonne pioche

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William TREVOR – Cet été-là

cet-été-làTitre original : Love and summer (2009)
Edition : Points
Collection : Grands romans
Paru le : 20/06/2013
ISBN : 978-2-7578-3463-3
Nbr de pages : 250
Prix constaté : 6.70€

Résumé :
Sur la Grand-Place de ce village irlandais, l’échange fut discret. Quelques mots, un regard furtif, un sourire et la belle Ellie s’enfuit. Florian Kilderry, lui, hésite un instant, avant de repartir. Ellie est la seconde femme d’un fermier aimant mais solitaire, Florian un photographe nomade qui rêve d’ailleurs. Fugitif et brillant, leur amour durera un été…

Impressions :
William Trevor, écrivain irlandais prolifique nominé régulièrement lors de prix littéraires, est un auteur dont j’étais curieuse de découvrir la plume. Les écrivains irlandais ont souvent un petit quelque chose en plus dans leur manière d’écrire – un humour grinçant, un style évocateur – qui fait que l’on embarque complètement dans le périple qu’ils nous proposent. Malheureusement, ce ne fut pas le cas avec Trevor que j’ai trouvé trop mélancolique, mais surtout un peu « poussiéreux » dirons-nous.

  L’histoire nous emmène dans un petit village d’Irlande où le temps semble s’être arrêté, où les tâches quotidiennes sont le seul salut, où enfin, l’ennui vous guette. Au beau milieu de cette apathie ambiante, Ellie, fraichement mariée à un fermier de la région plus par commodité que par amour, rencontre l’anticonformiste Florian et la passion éclate. Du moins semble-t-il de prime abord, ou plutôt par des chemins détournés, William Trevor prenant son temps pour nous présenter tous les personnages de sa tragédie. De fil en aiguille et d’un personnage à un autre, on en apprend plus sur les blessures de chacun. Et au final, ce n’est pas une romance ratée qui nous est présentée mais bien tous les amours perdus des acteurs principaux.

  Un peu à la manière d’une pièce de théâtre, Trevor nous introduit les acteurs et l’histoire prend des chemins de traverse pour en revenir au couple éphémère que forment Florian et Ellie. Rien de sulfureux dans leur passion, la prose de l’auteur rappelant les classiques d’antan où tout est question de non-dits, de qu’en dira-t-on. Si l’ensemble nous offre d’émouvants passages (surtout quand il est question de Dillahan, le mari trompé au passé tragique) et une narration tout en pudeur, je regrette tout de même cette impression de lenteur qui ressort des pages de « Cet été-là ». Comme si le temps était suspendu, statique, presque sans vie finalement. A cela s’ajoute une plume un peu compassée où les descriptions de la vie quotidienne paralysent toute dynamique. Bref, on finit par s’ennuyer malgré un récit assez court. Un essai raté pour moi, question de sensibilité personnelle.

Verdict : Pas ma tasse de thé

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